3 août 2018

 Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 3/3

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 3/3

Bodied (Joseph Kahn)
À en juger par la qualité des nombreux films visionnés au cours des trois dernières semaines, la 22e édition du festival international de films Fantasia ne passera pas à l’histoire. Est-ce le reflet de la pauvreté du cinéma de genre actuel? Probablement, mais cela vient peut-être aussi de la difficulté pour les organisateurs de trouver de bons films à temps pour le festival. Cependant, malgré une programmation décevante en général, certaines œuvres ont retenu mon attention lors de la dernière semaine.

Après son passage au TIFF en septembre l’an dernier, il reste impensable qu’un an plus tard ou presque, le sulfureux et délicieux Bodied de Joseph Khan (Torque, Detention) n’ait toujours pas trouvé preneur auprès des distributeurs. Véritable hymne à la liberté d’expression, cette virulente critique de la société américaine sur l’art de performance qu’est le battle rap trouve sa cible en s’attaquant ouvertement à la rectitude politique de plus en plus présente sur les médias sociaux et sur toutes les sphères en général. Le scénario frappe dans le mille et la mise en scène dynamique suscite l’intérêt d’un bout à l’autre.

Modeste mais bien construit, le film d’épouvante The Witch and the Window de Andy Mitton est le genre de film qu’on aimerait voir plus souvent. Le réalisateur privilégie l’atmosphère aux effets-chocs ou sanglants et le film gagne au change avec cette progression dramatique plus senti que dans la moyenne des films du genre. Une belle réussite comme on en a peu vu au festival cette année.

Sept ans après son documentaire satirique The Ambassador, le danois Mads Brügger passe à la fiction avec le drôlissime St. Bernard Syndicate. Tout en gardant un style proche du documentaire, cette satire subversive sur le capitaliste mondial offre un curieux mélange d’épisodes ironiques et de situations étranges. Bien que la finale laisse un peu à désirer, on se laisse charmer par ce mélange d’ironie et d’observations sociales qui renvoie au True Stories de David Byrne revu et corrigé par Christopher Guest.

1 août 2018

Juillet 2018 selon Martin Gignac

Juillet 2018 selon Martin Gignac

Mission: Impossible - Fallout (Christopher McQuarrie)
Chaque mois, Cinefilic revient sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant des les laisser s'engouffrer dans l'ombre des salles de cinéma et de notre mémoire.

Juillet rime avec Fantasia, ce festival doté de centaines de longs-métrages à découvrir pour le meilleur comme pour le pire. Cette année on retiendra le jouissif Tokyo Vampire Hotel de Sion Sono et ses visions de l'apocalypse, la bouleversante animation Maquia: When the Promised Flower Blooms de Mari Okada sur l'amour maternel, le fort en bouche Microhabitat de Jeon Go-woon qui ressemble à tout sauf à une production de Fantasia dans sa façon de traiter de la marginalité et l'itinérance.
Surtout, il y a eu le colossal Hanagatami de Nobuhiko Obayashi (House), une œuvre testamentaire qui ne ressemble à rien d'autre et dans laquelle il faut absolument s'abandonner pour atteindre le nirvana. Plusieurs personnes sont sorties de la projection. Les autres étaient en extase devant cet incroyable pensum sentimental et mélancolique qui bouleverse la moindre règle cinématographique.

Ce fut également ce moment de l'année où quelques-unes des meilleures créations de Sundance sont arrivées sur le territoire québécois. Stupéfaction totale devant Sorry to Bother You (de Boots Riley), un récit inclassable et contestataire sur l'ordre établi: une sorte de Get Out encore plus cinglé et total.
D'une rare intimité est cette magnifique histoire père/fille racontée dans Leave No Trace, où le social se heurte à la sphère familiale. La trop rare Debra Granik (Winter's Bone) est décidément la cinéaste américaine la plus intéressante du moment!
Davantage surprenant fut Three Identical Strangers (de Tim Wardle), un documentaire plus étonnant qu'une fiction dans lequel le spectateur se sent aussi manipulé que ses sujets.

Suivant un chemin un peu plus balisé  celui des frères Dardenne et de Jia Zhangke  Vivian Qu accouche  néanmoins avec Les anges portent du blanc  d'une métaphore puissante sur la corruption et la difficulté des femmes à faire entendre leurs voix. On y voit cette image, inoubliable, d'une immense statue de Marilyn Monroe qui dévoile des dessous moins enchanteurs que prévu. À regarder en doublé avec le très coloré Ciao Ciao de Song Chuan pour prendre le pouls du rare cinéma chinois qui arrive jusque chez nous.

Impossible de passer sous silence le brio de Mission: Impossible - Fallout. Dans un été hollywoodien complètement abject, il s'agit sans aucun doute de l'unique superproduction américaine à voir sur grand écran. Le réalisateur Christopher McQuarrie se prend momentanément pour Christopher Nolan avec ses scènes d'action hallucinantes et Tom Cruise éclipse les quelques défauts en place grâce à son charisme légendaire. Voilà un film qui fait un bien fou pendant la chaude saison estivale!

31 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★★ | Tokyo Vampire Hotel

Fantasia 2018 | ★★★ | Tokyo Vampire Hotel

Réalisé par Sion Sono
Initialement, Sion Sono a développé Tokyo Vampire Hotel comme une série pour Amazon studios. Il a ensuite réduit son montage pour en faire un film du tiers de sa durée. Tokyo Vampire Hotel gagne beaucoup dans cette transition mais, finalement, perd tout autant. Malgré toute l'énergie déployée par Sono, son projet reste toujours brouillon et donne l’impression de ne pas être complètement abouti.
On passera rapidement sur le récit qui mélange prophéties, romances et politicailleries de vampires immortels sans trouver pied. Si l’absurdité de certains éléments fait sourire, le tout ne reste qu’un prétexte pour orchestrer des scènes dont l’intérêt varie grandement. En multipliant les personnages caricaturaux et les enjeux, le film perd rapidement son spectateur dans un capharnaüm d’idées.
Sono est tout de même toujours capable de fulgurances. Elles sont peut-être plus rares ici que dans ses meilleures œuvres, mais lorsque Tokyo Vampire Hotel prend complètement forme, le résultat est bluffant. Le réalisateur mélange, à son habitude, le plus grotesque au plus sublime.
C’est dans son dernier tiers que le film prend vraiment forme. Le récit laisse alors place à un long affrontement où le réalisateur peut jouer allègrement avec ses idées formelles. Toutefois, loin de perdre le cœur émotionnel de son film, c’est plutôt à ce moment que Sono le trouve enfin. Entrecoupant des scènes de combats sanguinolents, le réalisateur installe un sentiment de mélancolie au travers de la violence. Si, en jouant sur les extrêmes, il lorgne souvent vers le mélodrame, la surenchère assumée permet aux éléments disparates d’exister ensemble dans une sorte de chaos esthétique.
Sur la série, le film a l’avantage de se perdre moins longtemps dans les dédales de son récit improbable. Très peu de temps est perdu à expliquer des particularités finalement sans intérêt. Par contre, la dernière partie de la série, sa plus belle, a ici été complètement évacuée au profit d’un récit plus linéaire. Le caractère épisodique qui permettait cette finale fait que, peut-être, celle-ci n’aurait tout simplement pas fonctionné à l’intérieur d’un film déjà trop brouillon. Il est regrettable que le cinéaste n’ait pas trouvé le moyen d’incorporer ces passages magnifiques à son film. 
Pendant longtemps Sono donne l’impression de ne pas savoir où il s’en va. En soi, Tokyo Vampire Hotel, le film, est loin des plus grands films de Sono, mais définir comme un film mineur serait ignorer que, dans de très courts moments, le réalisateur atteint un état de grâce et est vraiment à son meilleur.