28 juin 2019

★★½ | Yesterday

★★½ | Yesterday

Réalisation : Danny Boyle | Dans les salles du Québec le 28 juin 2019 (Universal)
Un jour, tous les habitants de la planète se réveillent sans avoir aucune notion du groupe de musique The Beatles. Seule une personne, un jeune musicien anglais, se souvient de leurs chansons mythiques. Yesterday établit rapidement les bases de son récit: un musicien plus ou moins raté (Himesh Patel), un coup à la tête (un classique pour expliquer les incohérences qui vont suivre), une jeune et jolie demoiselle en détresse (Lily James) et la fascination pour la célébrité. La prémisse à elle seule est digne d’intérêt et fera naitre quelques situations cocasses. Toutefois, le scénario prévisible ne parvient pas à faire durer le plaisir très longtemps.
La mise en scène de Danny Boyle tente d’insuffler au film un rythme survolté au détriment du récit. Les qualités de la comédie de situation se perdent dans les effets de montage rapide. Les interprétations inspirées d’Himesh Patel et de Lily James arrivent cependant à garder notre intérêt (en dépit de l’apparence vieux jeu de leur romance). Rempli de bons sentiments et de discours sur la persévérance et des effets pervers de la célébrité, le film semble plus préoccupé à nous marteler son point de vue que de questionner ses propres problématiques. Le dernier tiers du film est d’ailleurs une occasion manquée de rétablir l’équilibre pour le personnage féminin qui semble venir d’une autre époque.
Malgré l’aspect convenu de son scénario et de sa finale des plus décevantes, Yesterday est une porte d’entrée intéressante afin de découvrir (ou de redécouvrir) l’incroyable répertoire musical des Beatles.

21 juin 2019

★★★ | Dogman

★★★ | Dogman

Réalisé par Matteo Garrone | Dans les salles du Québec le 21 juin 2019 (Métropole)
Un petit homme au corps fragile; une station balnéaire en pleine déliquescence; des chiens que l'on toilette; de la drogue que l'on vend; un entourage auprès duquel on essaie d’exister; une fille à qui l’on a envie de tout donner… et surtout un ami trop brutal, trop drogué, trop incontrôlable.
Avec tous ces éléments de départ, Matteo Garrone dresse dans la première partie de son film le portrait d’un homme qui peine à s'affirmer dans un environnement où le bonheur ne semble pas avoir sa place. Le cinéaste a dans un premier temps la bonne idée de ne pas trop en dire. Il préfère observer son héros, en saisir la fragilité, la bonté, mais également le paradoxe : c’est parce qu’il cherche à se faire trop aimer de tous qu’il pratique quelques méfaits ou qu’il accepte l’amitié d'un homme qui ne la mérite pas. Mais après en avoir dit beaucoup par petites touches, Garrone se perd ensuite un peu dans sa propre logique.
Lorsque arrive l'humiliation, la trahison, l’isolement; lorsque le petit toiletteur pour chiens (bien meilleurs que les hommes!) décide d'arrêter de subir, lorsqu’il ne veut plus suivre le courant et que vient le temps de prendre les choses en main, Matteo Garrone fait comme son personnage : il semble tellement savoir où il va qu’il finit par perdre le contrôle. Les petits riens laissent la place à une intention unique, sans rien pour la contrebalancer, pour la nuancer. Le film tourne alors un peu en rond dans sa certitude de vouloir nous amener à sa chute.
Alors que la première partie était d'une grande maîtrise dans l'observation de l’humain, la seconde fait perdre au film ce qui en faisait la force. Dogman devient ainsi un film de vengeance prévisible… mais également extrêmement bien filmé, ce qui lui permet fort heureusement de continuer, sur un mode mineur, à susciter l’attention du spectateur.

14 juin 2019

★★½ | The Dead Don’t Die (Les morts ne meurent pas)

★★½ | The Dead Don’t Die (Les morts ne meurent pas)

Réalisé par Jim Jarmusch | Dans les salles du Québec le 14 juin 2019 (Universal Pictures)
Quelques années après les vampires du magnifique Only Lovers Left ALive, ce sont maintenant les zombies qui sont au centre du tout nouveau Jarmusch, présenté il y a quelques semaines en ouverture du festival de Cannes. Autant le dire tout de suite: cette nouvelle incursion dans l'univers du fantastique ne se fait pas avec la même réussite.
Certes, Jarmusch soigne sa mise en scène (précise), sa distribution des rôles (avec notamment Bill Murray et Adam Driver, irréprochables dans les rôles principaux), ses références cinématographiques (avec bien sûr des références aux films de zombies de Romero, mais pas que!)...
Certes, Jarmucsh reste fidèle à lui même, en marquant une nouvelle fois son amour pour une certaine lenteur (très adaptée aux zombies à la Romero) et pour un humour très pince-sans-rire, parfois proche du burlesque (tout ce qui tourne autour de Tilda Swinton, elle aussi parfaite).
Mais en fin de compte, même si le réalisateur et ses acteurs semblent s'amuser, si toute l'équipe du film fait un travail sérieux, si Jarmusch tente avec notre plus grand respect de faire découvrir un univers d'auteur à un public populaire (ou s'il tente de faire découvrir un univers de zombies à un public snob)... le tout est beaucoup trop long. L'excès de lenteur est parfois laborieux, les tentatives de remplir le vide tombent souvent à plat, et le spectateur s'ennuie quelque peu.
The Dead Don’t Die est loin d'être mauvais, mais avec la multiplication des films disponibles en salle et ailleurs, il est franchement dispensable!

6 juin 2019

★★★ | La femme de mon frère

★★★ | La femme de mon frère

Réalisé par Monia Chokri | Dans les salles du Québec le 7 juin 2019 (Séville)
Auréolé d’un Prix Coup de cœur du jury de la section «Un Certain Regard» obtenu à Cannes, le premier long métrage réalisé par Monia Chokri arrive dans nos salles. Si quelques tics dolaniens (il est vrai édulcorés) peuvent un peu agacer, et si certains gags (voire quelques scènes) ne sont pas totalement maîtrisés, nous devons reconnaitre que La femme de mon frère possède également de belles qualités.
Le charme n'est pas la moindre de ces qualités. Il  provient en grande partie des comédiens (soutenus par quelques dialogues bien sentis et par une belle galerie de personnages). Certaines s’en sortent bien malgré des rôles ingrats (Anne-Élisabeth Bossé, omniprésente, qui joue à la perfection la trentenaire exaspérante; Evelyne Brochu qui excelle dans le rôle de la beauté froide), mais nous retiendrons surtout les performances du reste de la famille, incarnée par Patrick Hivon (une nouvelle fois irréprochable), Sasson Gabai et Micheline Bernard. Ils permettent tous les trois à leurs personnages respectifs, même dans leurs excès, de constituer le noyau actif d’une cellule familiale tendue, mais paradoxalement presque apaisante grâce à un débordement d’amour jamais destructeur (ce qui permet d'ailleurs à Chokri de prendre le contre-pied du cinéma dolanien). Ici en effet, si la famille est au centre du récit, c’est surtout parce que ses liens sont plus forts que tout (et principalement les liens frères/sœurs) et qu’ils permettent à tous ses membres de s’enrichir mutuellement sans se phagocyter. La manière dont Chokri passe de la comédie pure pour aller vers plus de sobriété à mesure qu'elle développe sa thèse lui permet de gommer progressivement quelques défauts liés à sa maitrise imparfaite du burlesque et représente une belle réussite. Son film se termine d'ailleurs par une scène finale très sobre mais belle, où naviguent dans des barques des « couples » formés (à en croire quelques indices subtils) par des (vrais?) frères et sœurs.
Parmi les autres réussites discrètes, notons également sa vision d'une société québécoise plus métissée que voudrait nous le faire croire le reste de la production locale grand public. L’ascendance tunisienne de Chokri n’y est probablement pas pour rien... mais il faut admettre que ce petit détail fait plaisir à voir (et permet à la réalisatrice de nous glisser au passage une simple et belle scène mettant en vedette des nouveaux arrivants en cours de francisation).
Ce premier long signé Chokri est donc une relative réussite pleine de promesses. Il est également, après Avant qu'on explose, la seconde comédie québécoise de l’année digne d'intérêt. Non seulement, nous sommes peut-être en train de découvrir une cinéaste, mais nous sommes peut-être en train d'assister à l'avènement de la comédie québécoise de qualité. Voilà deux bonnes raisons d'espérer pour l'avenir!

30 mai 2019

★★★½  | Peterloo

★★★½ | Peterloo

Réalisé par Mike Leigh | Dans les salles du Québec le 31 mai 2019 (Métropole)
En s’intéressant au massacre de Peterloo, où les autorités chargèrent à l’occasion d’un rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, Mike Leigh donne à la fois un cours d’histoire et une leçon sur la politique contemporaine. Le réalisateur est clair et direct dans son propos, mais la densité historique de Peterloo en fait aussi l’un des films les plus difficiles d’approche du cinéaste.
Leigh ouvre son film sur une victoire de l’État (la bataille de Waterloo) mais se concentre sur son coût humain. En un seul plan, il s’attarde sur un soldat qui, faisant pourtant partie des gagnants, se trouve complètement désemparé sur le champ de bataille. Il rentre chez lui traumatisé dans un milieu extrêmement pauvre et incapable de se trouver du travail. Pourtant artisan de la victoire, le peuple n'en verra jamais les fruits, les années qui suivent étant marquées par des crises économiques poussant la baisse des salaires et la hausse du prix des biens.
C’est dans ces années, celles qui séparent la victoire de Waterloo du massacre de Peterloo, que la grande partie du film prend place. Leigh dresse un tableau complet de toutes les personnes dont les actions culmineront à la manifestation et au massacre. Ainsi le film enchaîne des séries de discours politiques pour un effet assommant. Pendant deux heures, Leigh s’intéresse aux argumentaires verbeux de révolutionnaires et à la politicaille d’hommes qui cherchent à avilir le peuple. Le cinéaste demande beaucoup de concentration au spectateur, mais cela lui permet de ne pas présenter les mouvements populaires comme une idée unique. Leigh fait preuve d’une habilité incroyable à étoffer des personnages qui se perdraient dans la foule dans un film plus retenu.
Ainsi, le réalisateur présente le mouvement populaire dans sa multiplicité, autant par ses orateurs éduqués que par les travailleurs. Il note l’implication des groupes féministes, fait état des conflits internes et même s’il se place à ses côtés, il ne dépeint pas le mouvement comme le geste d’une idéologie parfaitement formée, mais comme un rassemblement d’individus épars. À l’opposé, il méprise ouvertement la classe dominante et ne cache rien de sa grotesquerie, mais il ne se permet tout de même pas de prendre des raccourcis. Ses personnages, même les plus vils, sont étoffés autant par les détails historiques que par le jeu naturaliste encouragé par le réalisateur. Ne serait-ce que pour la profondeur et la variété des personnages historiques, Peterloo est une réussite.
Si Peterloo est souvent assommant par la densité de son discours politique, Leigh termine sur un autre ton. Il filme le massacre avec énergie tout en recréant habilement la confusion du peuple sur le terrain. La scène est éprouvante sans être gratuite. Encore une fois, Leigh ne perd pas le coût humain des échecs du gouvernement et il partage avec aplomb sa colère avec le spectateur. Le dénouement crée une charge émotionnelle dans une œuvre auparavant très austère, mais dont les observations sur l’histoire forment une perspective contemporaine nécessaire.