15 août 2019

★★★¾ | L'heure de la sortie

★★★¾ | L'heure de la sortie

Réalisation: Sébastien Marnier | Dans les salles du Québec le 16 août 2019 (Axia)
Adaptation du roman éponyme de Christophe Dufossé, L’heure de la sortie arrive comme une bouffée d’air frais sur nos écrans. Ce thriller français est le second long métrage de Sébastien Marnier après Irréprochable sorti en 2016.
Dans Irréprochable, Marnier se montrait fort habile pour créer des ambiances en mêlant le cinéma d’auteur au thriller psychologique. Il se montre aussi à l’aise ici en jonglant avec les codes du suspense et du cinéma d’horreur. Mais outre la précision de sa mise en scène, on retrouve aussi dans ce second long métrage une finesse d’écriture qui détonne du reste du cinéma fantastique actuel. Parce qu’il transpose à l’écran des préoccupations bien réelles avec un sous-texte social percutant et qu’il le fait de manière assez singulière (et bluffante), Marnier s’impose rapidement comme un des jeunes espoirs du cinéma de genre français. Certains s’amuseront aux nombreux jeux de piste et références (Village of the Damned, Children of the Corn, Take Shelter) que le cinéaste s’amuse parfois à brouiller à nos dépens. Malgré cette volonté du cinéaste de déjouer nos attentes, on se laisse envoûter par le climat étrange où baigne une ambiance paranoïaque au suspense magnétique. Le montage hachuré et la musique atmosphérique du groupe électronique français Zombie Zombie ajoutent au climat insolite de l’ensemble car L’heure de la sortie est aussi un film qui mise sur une expérience sensorielle, où le son prend autant d’importance que les images.
Après Elle, K.O. et Paul Sanchez est revenu, Laurent Lafitte de la Comédie-Française confirme qu’il est fort à l’aise et convaincant dans un registre dramatique ou dans des films de suspense ou à énigme.
L’heure de la sortie est à ce jour le thriller français le plus réussi et le moins balisé de l’année.

8 août 2019

★★½ | Tel Aviv on Fire (Feu à Tel Aviv)

★★½ | Tel Aviv on Fire (Feu à Tel Aviv)

Réalisé par Sameh Zoabi | Dans les salles du Québec le 9 août 2019 (Cinéma Du Parc)
Au visionnement de Tel Aviv on Fire, on ressent l’intention sincère de Sameh Zoabi de réaliser une comédie de situations tranquille et douce sur un sujet aussi difficile, propre à la division, que le conflit israélo-palestinien. D’une part, l’exercice peut sembler autant dangereux que foisonnant en possibilités; d’une autre, le résultat que le réalisateur présente est trop frileux pour faire marque. Si la sincérité du discours est sentie, Tel Aviv on Fire donne l’impression de n'explorer sa prémisse qu’à moitié.
Le film s’intéresse au destin d’un paumé qui, par pur hasard, se trouve à scénariser un téléroman à l’eau de rose. La mise en abyme elle-même permet à Zoabi de jouer d’humour à deux niveaux : dans le téléroman, il peut se permettre de verser dans la caricature alors que son film reste retenu. Cela étant dit, Tel Aviv on Fire fait sourire surtout par le simple fait de rassembler des personnages aux idéologies opposées sans jamais rechercher à faire des gags grotesques.
Ce caractère posé de la comédie serait à encenser si Zoabi offrait plus que celle-ci dans son film. Ce qui déçoit, c’est à quel point les conflits sociaux sont abandonnés en dernier tiers au profit d’une romance sous-développée et, en fin de compte, très peu satisfaisante. Le personnage féminin est à peine esquissé et ne propose aucune des possibilités que permettait l’opposition entre ses autres personnages. Alors que Zoabi, sans tomber dans la lourdeur, avait des idées graves qui lui travaillaient l’esprit, il semble incapable de les résoudre et se contente d’un dénouement facile, nous laissant avec l’impression que Tel Aviv on Fire est, malgré ses intentions, une comédie bien comme les autres.

2 août 2019

★★★½ | La Flor

★★★½ | La Flor

Réalisation: Mariano Llinás | Dans les salles du Québec le 2 août (Acéphale)
Tourné sur une période de dix ans, La Flor, film-fleuve du cinéaste argentin Mariano Llinás, est une œuvre fascinante. Véritable hommage au cinéma, le film s'approprie différents genres qui ont marqué l'histoire du cinéma. On navigue donc entre le film de série B, le film musical, le cinéma muet, le film français, etc. tout en tentant de suivre un groupe de quatre femmes prêtes à tout pour être maîtresses de leurs destinées. Ce voyage cinématographique ne se fait pourtant pas sans heurts. Les nombreux changements de tons et de genres ainsi que la multitude d'intrigues (et de sous intrigues) pourront facilement nous faire tourner la tête ou nous faire perdre notre intérêt. Toutefois, dès les premières scènes, on s'attache rapidement aux quatre personnages féminins... assez pour avoir envie de continuer l'aventure!
La mise en scène construit volontairement un labyrinthe duquel il semble impossible de sortir. Le point d'ancrage demeure l'exceptionnel quatuor d'actrice (Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa, Laura Paredes) qui nous empêche de sombrer dans la plus totale des confusions. Elles évoluent à travers l'histoire (et les années) pour gagner en force et en résilience. Si l'on devait retenir une seule chose du film de Llinás (qui contient autant de forces que de faiblesses), ce serait cette détermination sans failles (autant chez lui à la réalisation que chez ses personnages).
Il ne faudrait donc pas se laisser décourager par la durée du film qui fait treize heures trente. Pour un public de plus en plus conditionné à regarder des saisons complètes de séries sur Netflix (ou l'une des autres plateformes en ligne), la durée n'est d'ailleurs plus un obstacle valable. De plus, La Flor est un exploit cinématographique; quoi de mieux que de le vivre dans une salle de cinéma et non dans son salon.

31 juillet 2019

Fantasia 2019 | ★¾ | Aquaslash

Fantasia 2019 | ★¾ | Aquaslash

Réalisateur: Renaud Gauthier
Fantasia n'est pas le lieu de prédilection pour le cinéma québécois. Pourtant, parmi les rares bonnes surprises fleurdelisées de ces dernières années figurait le très référentiel et plutôt réussi Discopath (présenté à Fantasia 2013, mais que nous avions vu aux RVCQ l'année suivante) de Renaud Gauthier.
Nos attentes étaient donc réelles avec Aquaslash... et elles ont été grandement déçues. Le film ne fait certes qu'1h20, mais il est interminable. Autant le déluge référentiel de Discopathe alimentait la créativité du cinéaste, autant il semble le brider ici et lui imposer des pistes sur lesquelles il se perd: l'humour tombe à plat de manière quasi systématique (on rit tout de même 2 ou 3 fois), le cinéaste n'arrive jamais à s'élever au-dessus de sa potacherie, les scènes gores tant espérées se font attendre pendant une éternité (et manquent d'inventivité), les passages obligés narratifs sont des impasses... 
Heureusement, pour sauver son film du désastre, Gauthier peut compter sur son talent: subrepticement, à l'occasion de petites parenthèses narratives, il nous rappelle son sens de l'image, des couleurs, des formes: une minute par-ci, trois minutes par là, un plan ici, un autre là... mais rien de plus.
Le cinéaste aurait probablement eu assez de matière pour un bon court-métrage. Il a préféré le noyer dans une cascade d'insignifiance qui semble ne plus finir. Dommage.

• Signalons que nous avons vu la director's cut. Nous serions presque curieux de voir la version producteur... Quoi que! En aurions-nous vraiment l'envie?

28 juillet 2019

Fantasia 2019 | ★★★½ | Idol

Fantasia 2019 | ★★★½ | Idol

Réalisateur: Lee Su-jin
Décidément, Lee Su-jin est en train de devenir le nouveau chouchou de Fantasia. Il y a cinq ans, Han Gong-ju (son premier film) était sur toutes les lèvres; cette année, le cinéaste remporte le prix Cheval noir du meilleur film du festival avec Idol.
En deux films, le cinéaste se place déjà dans le club des excellents cinéastes coréens tant sa maitrise impressionne. Le point de départ du film est simple: un homme politique découvre que son fils est à l'origine d'un délit de fuite. À partir de cela, les personnages se multiplient en prenant tour à tour le rôle principal et nous entraînant dans une multitude d'univers permettant au cinéaste d'aborder un grand nombre de thèmes (enjeux électoraux, lutte des classes, immigration, etc.). L’intrigue assez complexe menace d’entrainer le spectateur dans un tourbillon qui pourrait le perdre, mais il n’en est rien, Lee Su-jin parvenant à trouver le liant qui permet au tout de ne jamais s’effriter. Une mise en scène précise (soutenue par une direction photo très sombre) semble en effet servir de moteur à des personnages très rigoureusement définis. Cela évite au film de partir dans tous les sens: il tisse ainsi un lien entre ses personnages appartenant à cette Corée contemporaine qui semble empreinte d’une grande noirceur (à en croire le cinéma local de ces dernières années).
En complexifiant une intrigue qui devient progressivement de plus en plus difficile à résumer en quelques mots, Lee Su-jin nous livre en fait un instantané distancié et pessimiste. Mais il s’agit plus de l'instantané d’une époque que celui d’une société précise. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu'Idol touche autant... et de manière si universelle!