20 septembre 2019

★★★½ | Ad Astra (Vers les étoiles)

★★★½ | Ad Astra (Vers les étoiles)

Réalisation: James Gray | Dans les salles du Québec le 20 septembre 2019 (20th Century Fox)
Il n’y a pas si longtemps, James Gray se focalisait sur le New-York de la fin du XXe siècle / début du XXIe. Avec The immigrant, il a osé un saut dans le temps. Puis, avec The Lost City of Z., il nous a entrainé dans l’Amazonie de 1906.
Aujourd’hui, il nous propulse dans le futur et vers les étoiles. Pourtant, il reste fidèle à son thème de prédilection (la famille) et à ce qui a toujours fait sa force: un cinéma de l’intime (parfois malgré les apparences), et une capacité impressionnante à donner vie à des personnages. Car malgré son sujet, ce qui est important ici n’est pas le voyage spatial, mais le héros (et sa quête : la recherche du père). Il y a bien quelques scènes d’action (parfois d’une grande efficacité) et une bande-son très spatiale, mais l’ensemble reste toujours plus attaché à l’intime qu’à la démesure (à ce titre, la musique de Max Richter est remarquable). Surtout, l’humain reste au centre du film... et il est particulièrement bien servi en la personne de Brad Pitt, au jeu très sobre, très juste, et au visage presque immuable. La délicatesse de Gray et l’intelligence de jeu de Pitt (à des années lumière de son récent cabotinage tarantinesque) permettent au personnage principal d’exprimer ses doutes, ses espoirs, ses meurtrissures du passé, avec un nombre réduit de mots et un développement scénaristique d’un minimalisme particulièrement fécond.
C’est d’ailleurs paradoxalement cette force qui se transforme en faiblesse. Après nous avoir convaincu de l’efficacité de sa démarche, Gray vient affaiblir son propre film en le prenant à contre-pieds avec une conclusion qui se fait plus explicative.
Sans ce faux pas qui laisse un goût amer, Ad Astra aurait probablement été bien supérieur ! S’il n’est pas le chef-d’œuvre de son auteur, le film n’en demeure pas moins d’une grande qualité et nous confirme l’exploit incroyable qu’est en train d’accomplir James Gray: depuis ses débuts en 1994, il n’a toujours pas fait le moindre film raté, voire médiocre, y compris lorsqu’il sort (du moins en apparence) de sa zone de confort.

13 septembre 2019

★★★ | Il pleuvait des oiseaux

★★★ | Il pleuvait des oiseaux

Réalisation: Louise Archambault | Dans les salles du Québec le 13 septembre 2019 (MK2 | Mile End)
Six ans après Gabrielle, Louise Archambault nous revient avec un nouveau film qui partage avec le précédent certaines qualités.
La première est l'intérêt de la cinéaste pour les histoires d'amour qui sortent des sentiers battus. Après le handicap mental, Archambault place ici la vieillesse au cœur de son récit (adapté du livre de Jocelyne Saucier, XYZ éditeur). Elle n’est certes pas la première à le faire (souvenons-nous de La casa del sorriso, Marco Ferreri, 1991), mais elle fait partie des cinéastes qui osent montrer que l’amour passe (à tout âge) aussi par le désir charnel, ici très sensuel. Elle réussit parfaitement à montrer un amour naissant, la montée du désir, et nous livre une scène très belle (et plutôt crue) qui ose représenter des corps vieux et fripés pour faire l’éloge de la peau, des caresses, de la sensualité. Cette première qualité est d'ailleurs indissociable de la seconde: la sensibilité d’Archambault, son amour / respect pour ses personnages, sa capacité à les faire vivre et exister sous nos yeux.
Malheureusement, le film n’est toutefois pas sans faiblesses, souvent liées aux personnages de la photographe et du gérant de l’hôtel (Ève Landry et Éric Robidoux, cependant tous les deux irréprochables) dont les rôles trop fonctionnels de moteur du récit viennent un peu atténuer la force des qualités évoquées plus haut.
Quoi qu’il en soit, cette faiblesse d’écriture ne nous empêchera pas de conseiller le visionnement de ce film réalisé par une cinéaste qui, décidément, ose bouleverser les habitudes du spectateur sans sombrer dans la provocation facile... et qui parvient à trouver les images justes pour affirmer qu'il n'est jamais trop tard pour choisir une nouvelle vie!

6 septembre 2019

★★★ | Un long voyage vers la nuit / Long Day's Journey Into the Night (地球最后的夜晚)

★★★ | Un long voyage vers la nuit / Long Day's Journey Into the Night (地球最后的夜晚)

Réalisation: Bi Gan | Dans les salles du Québec le 6 septembre 2019 (Acéphale)
Un homme taciturne à la recherche d’une femme disparue. Telle est la prémisse de ce long-métrage baignant dans une aura de mystère. La recherche de la vérité et des faits entourant une disparition entraînera le personnage principal dans les méandres de la mémoire et des souvenirs.
Les souvenirs du héros sont pourtant incomplets et confus. Il en est de même pour ceux qui croiseront sa route. Nous vivrons en tant que spectateur, les multiples errances de notre héros. D’entrée de jeu, l’enquête semble tourner en rond. Les quelques indices recueillis se retrouvent voilés par un nuage d’anecdotes, histoires d’un passé lointain. Ainsi, chacun des personnages pouvant faire avancer le récit se retrouve à discuter avec le héros d'une manière vague et souvent incohérente. La communication entre les personnages est majoritairement indirecte. Au cours d’une même conversation, on aura l’impression que les personnages sont chacun à des époques différentes comme s’ils existaient sur deux temps. À travers des répétitions de dialogues, on arrivera toutefois à glaner certains indices. Pour ceux qui sont attachés à un cinéma construit sur une structure narrative linéaire, ce film pourra être des plus frustrants. Cependant, si l’on accepte dès l’entrée en matière que le personnage principal est lui-même incapable d’avancer, le film propose une expérience de cinéma qui se vit comme un rêve éveillé.
Le cinéaste s’appuie sur l’intangible (souvenir, rêve, mémoire) afin de créer une œuvre à la structure libre. De plus, la mise en scène stylisée renforce l’atmosphère anxiogène propre au film noir. Au-delà d’un long plan séquence en seconde moitié du film (qui est en soi un tour de force), cet étrange labyrinthe cinématographique révèle avec nuance le danger de la nostalgie et du retour dans le temps. La recherche de la vérité peut parfois se faire à nos risques et périls.

29 août 2019

★★★ | La version nouvelle

★★★ | La version nouvelle

Réalisation: Michael Yaroshevsky | Dans les salles du Québec le 30 août 2019 (Cinémathèque québécoise)
La version nouvelle est un petit film étrange! Après son visionnement, on hésite un peu. Serait-ce un film ambitieux plutôt loupé, étouffé par quelques références trop lourdes et par sa propre ambition poético–air-du-temps–je-ne-sais-quoi? Nous ne sommes pas loin de le penser, mais préférons y voir un film modeste fait d’une succession d’images, de sons, de lenteurs assumées... qui invitent le spectateur à divaguer. Cela semble anodin, mais ce n’est pas rien: jamais le film n’ennuie, ne donne envie de se lever de son siège, de quitter la salle et d’aller affronter le dehors. Régulièrement, un bruit de bouteille qu’on débouche, un craquement de parquet, une Sophie Desmarais qui ne fait pas grand-chose dans un appartement, des passagers de métro en Russie ou au Japon, un polaroïd qui se décroche d’un mur ou je ne sais quel petit quoi d’anodin viendra titiller notre imaginaire, nous inciter à nous perdre dans nos pensées... tout en nous donnant toujours le minimum pour ne pas décrocher du film, bâiller d’ennui, s’ennuyer à maudire ce Yaroshevsky...
Alors bien évidemment, le film ne laisse pas une trace indélébile dans nos souvenirs cinéphiles, mais il nous donne envie de conseiller d’aller à sa rencontre, dans une salle de cinéma (où aucune tentation familière ne risque de divertir), et d’essayer de prendre ce qu’il a à nous offrir: une Sophie Desmarais qui-ne-fait-pas-grand-chose-mais-qui-le-fait-bien, des petites choses, des petites formes, des petits sons. Pour faire court: des petits riens dont la modestie finirait presque par ravir (sans que l’on sache vraiment pourquoi!).
C’est peut-être ça, aussi, la magie du cinéma.

23 août 2019

★★ | The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan)

★★ | The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan)

Réalisation : Xavier Dolan | Dans les salles du Québec le 23 août 2019 (Séville)
Après un financement difficile, un tournage interminable, un processus de montage tout aussi pénible et un distributeur qui donne l’impression d’attendre très longtemps avant de se jeter à l'eau, The Death and Life of John F. Donovan arrive enfin sur nos écrans. Malheureusement, le miracle ne se produit pas et le visionnement confirme ce que l’on pouvait craindre: Donovan est le film le moins réussi de Xavier Dolan (et détrône donc Laurence Anyways). Il confirme surtout que lorsque Dolan (si impressionnant lorsqu’il s'intéresse aux relations interpersonnelles) cherche à raconter une histoire un peu trop ambitieuse, il se perd dans ses méandres et se laisse malencontreusement écarteler entre la nécessité de raconter et l’envie de déverser aux spectateurs un torrent d’émotions.
Le film commence de manière un peu tiède, comme si Dolan cherchait à calmer ses ardeurs (certes potentiellement agaçantes, mais particulièrement efficaces, comme dans Juste la fin du monde). Mais très vite, notre indulgence s’estompe: au-delà de certaines maladresses qui deviennent de plus en plus agaçantes (la palme revenant à une course folle d’un fils vers sa mère, au ralenti, sur fond de Stand by me, version Florence + The Machine), Dolan ne sait pas comment raconter son histoire: il se perd entre le présent et le passé, entre la star et son jeune admirateur, et surtout, nous inflige une rencontre entre l’admirateur (devenu jeune adulte) et une journaliste, dont le seul but semble être d’expliquer le reste du film, ce que l’on peut facilement interpréter comme une marque de mépris pour l’intelligence du spectateur!
Ce film, pourtant très personnel et très ambitieux, est indéniablement le ratage du cinéaste. Heureusement, ici ou là, quelques plans assez beaux, voire relativement émouvants viennent nous rappeler que Dolan a du talent. Mais 10 minutes de belles choses noyées dans 2 heures d’émotion mal contrôlée... c’est trop peu!