26 août 2022

★★ | Three Thousand Years of Longing (Trois mille ans à t'attendre )

★★ | Three Thousand Years of Longing (Trois mille ans à t'attendre )

Réalisation: George Miller | Dans les salles du Québec le 26 août 2022 (Entract)

George Miller, surtout connu pour ses Mad Max, a exploré dans sa carrière des genres très variés (Babe, c'est aussi lui!). Il confirme son éclectisme avec ce nouveau film aux allures de conte des Mille et Une Nuits revu à la sauce americano-australienne.
Malheureusement, si le film est servi par deux comédiens irréprochables (Tilda Swinton et Idris Elba), il n'en va pas de même pour tout. La photo et la direction artistique sont dangereusement attirées par une esthétique de pacotille et ne parviennent à aucun moment à recréer la part de merveilleux qui aurait été nécessaire au film.
Pour sa part, le scenario s’emberlificote dans des développements qui finissent par lasser. Non seulement l’ensemble manque de souffle épique pour nous tenir en haleine, mais nous avons aussi la désagréable impression que Miller utilise surtout ses développements narratifs pour produire de nouveaux effets spéciaux sans grand intérêt. Pour ne rien arranger, les scènes qui se déroulent dans la chambre d’hôtel sont trop verbeuses et ne font que casser un rythme qui a  déjà beaucoup de difficulté à se mettre ne place!
Enfin, les personnages, véritables piliers de cette histoire d'amour improbable, ne parviennent jamais vraiment à nous émouvoir. Aucune chimie, aucun charme, aucune complicité ne se dégage de leur amour. Cette relation entre l’universitaire et le génie est aussi froide et sans âme que l'univers crée par Miller.
Voilà qui commence à faire beaucoup de bémols pour un même film, même s'il est exécuté avec un professionnalisme sans failles!

19 août 2022

★★★½ | Un été comme ça

★★★½ | Un été comme ça

Réalisation: Denis Côté | Dans les salles du Québec le 19 août (Maison 4 :3)
À Cinéfilic, on aime Denis Côté. Cependant, il faut admettre que le cinéaste a parfois tendance à regarder ses personnages un peu de haut, avec un sens du mépris certes irrésistible, mais pas adapté à tous les sujets… et à l'évidence pas adapté à Un été comme ça! (Voilà pour le préambule en forme d’interrogation inquiète.)
Nous y suivons en effet principalement trois femmes à la sexualité exacerbée, isolées de leur plein gré avec un accès très limité aux outils de communication modernes et au monde extérieur. Que l’on se rassure tout de suite par rapport au préambule de ce texte : Côté laisse son aspect cassant au vestiaire, et témoigne d'un respect pour ses personnages empreint d'une grande sensibilité. Cela est paradoxalement renforcé par une certaine distance dans le regard (même si la caméra est souvent très proche des personnages), qui le transforme en observateur sans concession (mais également sans jugement, ni complaisance, ni mièvrerie). Il filme donc ces femmes, leurs souvenirs (les souvenirs d’une orgie plutôt intense), leurs provocations corporelles (scène de masturbation, scène de fellation à la chaîne d'un terrain de soccer au complet), en mettant de l'avant tour à tour le plaisir qu'elles prennent ou les tourments qui les traversent, de manière antimoraliste et antipsychologique, mais également sans donner l'impression de se rincer l'œil derrière sa caméra. Il prend le temps de les observer, et parvient ainsi à en faire de véritables personnages et pas uniquement des archétypes. Qu'elles se soient livrées à telle ou telle pratique sont des faits auxquels il accorde la même importance que toutes les autres composantes de leur personnalité. En les filmant ainsi, elles ne sont plus des sujets d’étude mais des personnes, de plus en plus attachantes, mais également de plus en plus libérées face à l’image qu’elles renvoient au monde (les dernières scènes, à ce titre, sont très belles), des femmes que l'on aurait presque envie de rencontrer, de côtoyer, de connaître… et pas pour sauver leurs âmes malades, mais tout simplement pour ce qu'elles sont.
Filmé avec délicatesse, écrit avec une grande justesse (la scène avec le camionneur est une merveille d'écriture), Un été comme ça est peut-être, malgré l'aspect potentiellement provocateur de son sujet, un des films les plus sobres de la cinématographie de Côté, et peut-être, nous le verrons, l'un de ceux qui, parmi ses films purement narratifs, résisteront le mieux au passage du temps!

12 août 2022

★★ | Bodies Bodies Bodies

★★ | Bodies Bodies Bodies

Réalisation : Halina Reijn | Dans les salles du Québec le 12 août 2022 (Columbia)

Des jeunes adultes se retrouvent dans une maison isolée, mais tout ne va pas se passer comme prévu.
Voici un point de départ bien connu. Pourtant, certains éléments qui sortent un peu de l'ordinaire nous entraînent hors des sentiers battus. Non seulement, il y a une diversité inhabituelle dans le groupe (il y a même un "vieux" parmi les jeunes) mais en plus, les personnages semblent réellement ancrés dans notre époque (ce qui est loin d'être toujours la norme dans les slashers), avec tout ce que cela peut comprendre (le bonheur affiché sur les réseaux sociaux qui peine à cacher un mal-être plus profond).
De plus, la trame narrative prend des libertés par rapport à ce qui est attendu dans ce genre de films. On comprend en effet dès le second décès que la mise à mort d'une victime n'est pas toujours l'œuvre de l'habituel psychopathe…
Malheureusement, certaines bonnes idées et intentions sont contrebalancées par une écriture assez faible (ce qui est censé donner de l'épaisseur aux personnages l'est fait de manière très bavarde et maladroite). Pire, en raison de cette faiblesse mais aussi d'une réalisation certes compétente mais relativement insipide, le spectateur ne ressent à aucun moment la moindre tension, ce qui représente un problème de choix pour un tel film. Heureusement, l'ambiance plutôt fun de l'ensemble fait passer la pilule… mais derrière des allures modernes, Bodies Bodies Bodies reste trop faible pour convaincre. On préférerait même un petit slasher convenu mais efficace à cette tentative de renouveler trop timidement (et maladroitement) le genre !

5 août 2022

★★¾ | Avec amour et acharnement

★★¾ | Avec amour et acharnement

Réalisation: Claire Denis | Dans les salles du Québec le 5 août 2022 (Cinéma du Parc)

Récompensé par l'Ours d'argent de la meilleure réalisatrice au Festival de Berlin de 2022, Avec amour et acharnement est la troisième collaboration entre la réalisatrice Claire Denis et la romancière et dramaturge française polémique Christine Angot. Après Voilà l’enchantement (court métrage de 2014) et Un beau soleil intérieur, ce nouveau long métrage est l’adaptation du roman Un tournant de la vie de Angot, en collaboration avec Denis. Il s’agit d’un drame sentimental à propos d’un couple, Jean et Sara, qui s’aime profondément (Vincent Lindon et Juliette Binoche, au sommet de leur art) jusqu’au jour où François (Grégoire Colin) l’ancien amant de Sara et ami de Jean refait surface dans leur vie.
Même s'il y a une volonté d'éviter certains clichés liés au sempiternel triangle amoureux en y ajoutant notamment une part de mystère par la présence de Grégoire Colin  acteur fétiche de la cinéaste  en séducteur mystérieux et toujours aussi énigmatique, on demeure pourtant en terrain connu et aucun des personnages s’avère attachant. Chacun se présentant tour à tour comme un bourreau ou une victime de telle sorte que la froideur qui se dégage annihile le sentiment d’attachement pour ces personnages. Les tirades où l’on aborde de façon excessive l’adultère, la possession et la jalousie maladive rendent un brin mal à l’aise et inconfortable avec notamment des dialogues littéraires à la limite du risible, qui sonnent parfois faux aux oreilles.
Si le scénario déçoit, il faut reconnaître le talent indéniable de Denis à la réalisation. Il y a chez elle cette habileté à montrer les corps avec une caméra les cadrant de très près et en les collant presque à l’action. Dans ses meilleurs films (Beau Travail, White Material), sa forme s’accorde harmonieusement et de manière perceptible à une économie de mots qui évoque la souffrance des personnages. Ici, on est dans le démonstratif où certes les acteurs brillent, mais où l’émotion reste en plan. Et c’est dommage, car la scène d’ouverture est une des plus belles de tout le cinéma de Denis.

29 juillet 2022

★★★¼ | Maigret

★★★¼ | Maigret

Réalisation: Patrice Leconte | Dans les salles du Québec le 29 juillet (Axa)
Avec cette adaptation d’un roman de Simenon, Patrice Leconte a probablement eu une des meilleures idées de sa carrière : confier le rôle du célèbre policier au monstre Depardieu. On le sait, l'acteur a de plus en plus souvent tendance à réduire son jeu à une caricature grotesque de lui-même… sauf lorsqu'il est motivé (ce qui arrive encore fort heureusement, comme chez Nicloux notamment). À l’évidence, le projet Maigret le motivait. Ici, il épure son jeu au maximum de tous ses habituels excès. Au contraire, il incarne un Maigret tout en souffrance sourde. À chaque instant, il rend poignant le chagrin refoulé d'un homme en lutte contre le poids d'un deuil familial autant que contre la bassesse des Hommes. Avec la détermination d’un père, son personnage cherche à élucider la mort d'une jeune femme. Cette figure du père, omniprésente (le souvenir de sa propre fille décédée, la sincère tendresse qu’il éprouve pour ces jeunes femmes égarées, la protection qu'il offre à la jeune femme qui l'aide à résoudre l’affaire) est d'ailleurs plus importante que le dénouement de l’intrigue policière.
Mais bien évidemment, le talent (retrouvé) du monstre Depardieu n’est pas à lui seul à l’origine de la réussite du film. Le chef d’orchestre Leconte a l'intelligence d'opter pour une mise en scène discrète, tout en retenue, d'un classicisme qui convient bien à l'époque à laquelle se déroule l’intrigue, mais surtout qui laisse toute la place à l'interprétation exceptionnelle de l'acteur. Jamais non plus la reconstitution historique ou la photographie, pourtant très soignées, ne viennent trop attirer l’attention du spectateur ! Ce qui compte, c’est la souffrance d’un homme devant la folie et l’injustice de cette vie qui pèse une tonne, cette vie difficile à porter sur ses épaules, même lorsque celles si appartiennent à une force de la nature, qui ici semble pourtant aussi fragile qu’un animal blessé !

22 juillet 2022

★ | Nope (Ben non)

★ | Nope (Ben non)

Réalisation : Jordan Peele | Dans les salles du Québec le 22 juillet 2022 (Sony)
Après deux gros succès publics (Get Out et Us), le surestimé Jordan Peele accouche de son projet le plus ambitieux à date avec Nope, son troisième long métrage. Un des projets au secret le mieux gardé jusqu’à ce jour, ce mélange d’horreur et de science-fiction se veut un blockbuster estival conceptuel. En s’inspirant notamment des deux chefs-d’œuvre de Spielberg des années 1970 (Jaws et Close Encounters of the Third Kind) mais aussi de l’univers marqué de certains films de M. Night Shyamalan (Signs et The Happening), Nope est tout sauf une réussite. On frôle la catastrophe tant l’exécution est si fade et trompeuse qu’on se ramasse rapidement devant un bordel confus et une œuvre profondément auto-indulgente.
C’est comme si Peele s’était assuré d’avoir le plein contrôle sur cette production plus luxueuse que ses précédentes mais qu’il s’était carrément perdu dans ses propres dédales, sa vision artistique n’ayant d’égal que son ego surdimensionné. Certes, il y a l’installation d’un climat mystérieux au départ, mais ensuite plus rien. Pire, l’intrigue fourmille d’idées plus confuses les unes que les autres s’emboîtant sous forme de chapitres qui ne font que meubler temporairement et retarder l’éventuel dernier acte plus mouvementé, mais peu captivant et aucunement énergique. De plus, les personnages campés par une bonne distribution sont fades et les liens qui se tissent entre eux sont artificiels et mal agencés. Même l’humour des précédents films de Peele est ici éphémère et tombe souvent à plat. Au final, malgré un emballage visuel assez soigné, on est confronté à un ovni singulier, mais totalement désarticulé. Un porte-à-faux désordonné, prétentieux et peu palpitant. Ne croyez pas au battage médiatique, et revoyez les classiques de Spielberg à la place... ne serait-ce que pour le plaisir de regarder une vraie superproduction aussi intelligente qu’excitante.