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10 septembre 2020

★★★ | Lola vers la mer

★★★ | Lola vers la mer

Réalisation: Laurent Micheli | Dans les salles du Québec le 11 septembre 2020 (Axia Films)
Les Lola ont toujours un destin unique au cinéma, surtout si elles sont imaginées par Von Sternberg, Ophuls, Demy ou Fassbinder. Elles sont sources de mystère, se dérobant au regard des autres. Dans Lola Pater de Nadir Moknèche, un père devenait mère. L'histoire se répète à l'envers pour Lola vers la mer alors qu'une fille transgenre envisage la chirurgie, au grand dam de son paternel.
Le premier plan de ce film belge — comme l'extraordinaire Girl de Lukas Dhont, qui racontait une histoire similaire en marquant davantage les esprits — impose rapidement son style, son sujet. Un corps flou apparaît à l'écran, sur fond de musique pop et de ralentis. On se croirait presque dans un long métrage de Xavier Dolan. D’autant plus que les dialogues, ravageurs, ne manquent pas d'incision, de violence. Maman vient de mourir et la famille est en lambeaux. Les maux sortent des mots, détruisant tout sur leur passage. Ses cendres sont encore chaudes et il faut les répandre pour le bien-être de son âme. Et celles des vivants.
Pour ce faire, il n'y a rien de mieux que le road-movie. Celui qui se veut initiatique et didactique. Lola vers la mer est le second film de Laurent Micheli (Even Lovers Get The Blues) et cela ressemble souvent à un premier effort, avec sa part de maladresses et d'envolées poétiques. Tout est au fil du rasoir, à la fois son écriture qui fait oeuvre utile en traitant un sujet important et dans l'ère du temps de manière intime et politique, que la portée symbolique de ses images. Non seulement l'héroïne évolue dans un format de ratio 4/3 qui l'isole, mais les métaphores climatiques et le rôle de la lumière soulignent constamment ce qui se passe. Jusqu'à une conclusion qui se déroule comme toujours sur la plage, lieu par excellence de la transformation et du changement. Par ses ellipses vers le monde de l'enfance et son discours final, le récit est toujours à un doigt de verser dans le pathos. Il s'y refuse heureusement et ce n'est pas nécessairement grâce à la musique, appuyée lorsque la mélodie se veut instrumentale et instrumentée lorsque les voix se font entendre par Culture Club, 4 Non Blondes et Antony and the Johnsons: trois artistes évidemment queers.
Appliqué mais non sans clichés, l'ensemble est porté par deux excellents comédiens. La nouvelle venue Mya Bollaers en impose dans le délicat rôle principal. La jeune actrice transgenre sait être à la fois implacable et vulnérable, laissant son corps parler et décimer les préjugés. Devant elle se dresse Benoît Magimel en père badaud en apparence imperturbable, dont les forces seront rapidement fragilisées. L'interprète vieillit comme le bon vin et il offre une prestation de haut calibre, parmi les meilleures de sa filmographie.
C'est grâce à ce duo de choc que le film s'avère juste, laissant le manichéisme d'usage au vestiaire afin d'embrasser une réelle thérapie familiale qui, sans surprendre outre mesure, offre un bon moment de cinéma.
★★ | Jumbo

★★ | Jumbo

Réalisation: Zoé Wittock | Dans les salles du Québec le 11 septembre 2020 (AZ Films)

Vu dans le cadre du festival Fantasia 2020

Jeanne (Noémie Merlant), jeune femme à la timidité maladive étouffée par une mère particulièrement extravertie (Emmanuelle Bercot), est gardienne de nuit dans un parc d’attraction. Son supérieur (Bastien Bouillon) s’intéresse respectueusement à elle... mais elle n’a d’yeux que pour un manège, dont elle tombe éperdument amoureuse. Le point de départ ressemble à celui d’une comédie loufoque, mais il n’en est rien. Jumbo nous entraîne en effet dans un imaginaire propre à la rêverie, visuellement très soigné. Un manque de personnalité dans la mise en scène et quelques excès de fausse originalité se font certes sentir, mais le point de départ est prometteur. Malheureusement, ce fil narratif s’étiole rapidement, il est vrai peu aidé par des dialogues et des situations laissant plus de place au ridicule qu’au charme. Si nous souhaitons malgré tout rester indulgent, la tâche devient difficile lorsque le film bascule vers le drame familiale maladroit qui le transforme en projet définitivement trop ambitieux pour une cinéaste/scénariste qui finit par se faire écraser par sa proposition.
Techniquement irréprochable, posant de manière originale des questions pertinentes sur la santé mentale, la normalité ou le rôle joué par les proches, ce premier long-métrage aurait probablement mérité un meilleur sort. Souhaitons à Zoé Wittock de canaliser ses ambitions futures (et/ou d'avoir recours à un coscénariste talentueux). Peut-être serons nous agréablement surpris!

27 août 2020

Fantasia 2020 | ★★★ | Hunted

Fantasia 2020 | ★★★ | Hunted

Réalisation: Vincent Paronnaud

Avec Hunted, Vincent Paronnaud (auteur de BD sous le pseudo Winshluss, mais également coréalisateur de quelques films avec Marjane Satrapi, dont Persepolis) offre au public de Fantasia un film qui aurait probablement beaucoup fait s’exalter l’habituel public très participatif du festival. La Covid permettra donc au moins aux grincheux que nous sommes d’apprécier le film dans l'environnement calme de notre intérieur. (Même si, avouons-le, il aurait aussi mérité d’être vu sur un grand écran en raison de ses qualités visuelles!)
Certes, le point de départ est sans surprise: un homme séduit une femme, ils passent à la vitesse supérieure mais l’homme est plus inquiétant que prévu, la femme s’enfuit et la chasse commence. Mais ici, au-delà des qualités requises par le genre survival pour que le film soit réussi, on retrouve certains éléments particulièrement intéressants. Non seulement Vincent Paronnaud parvient à conférer à son film une dimension sociétale grâce aux différents portraits qu’il dresse avec justesse, mais en plus, il donne à Hunted une dimension toute particulière en inversant certains thèmes de conte de fées. Le grand méchant loup n’est en effet pas le loup, mais l’homme. D’ailleurs, les humains qui cherchent à aider la femme en détresse n’y parviennent pas et le salut viendra de la bête. Cette spécificité permet à Paronnaud de sortir des codes du genre de manière cohérente en faisant jouer à la nature un rôle protecteur. En découleront quelques scènes de forêt nocturnes, à la limite de l’onirisme ou du surnaturel, visuellement très convaincantes.
Efficace, mais pas uniquement, Hunted est donc une belle petite surprise de la part de Paronnaud... Vivement son prochain film en solo!

10 juillet 2020

★★★ | Le jeune Ahmed

★★★ | Le jeune Ahmed

Réalisation: Jean-Pierre et Luc Dardenne | Dans les salles du Québec le 10 juillet 2020 (Maison 4:3)
Les frères Dardenne étaient de retour à Cannes l’an dernier avec Le jeune Ahmed, et repartaient une nouvelle fois avec un prix. Il s’agissait cette fois du prix de la mise en scène. Nous n’essaierons pas de savoir si le film méritait vraiment ce prix, mais une chose est sûre : la mise en scène constitue en effet sa principale qualité. Une nouvelle fois attentive aux gens, à leurs interactions, à leurs gestes, elle permet de comprendre en quelques plans un milieu social, des personnages secondaires, mais surtout ce jeune Ahmed, personnage principal omniprésent et attachant malgré ses actes. Si nous regrettons cependant quelques effets (il est vrai rares mais dispensables), nous devront admettre qu’ils sont négligeables à côtés de ces qualités d’une part... mais également des faiblesses du scénario d’autre part. Les (nombreux) admirateurs inconditionnels des Dardenne y verront probablement ce qu’ils aiment. Les spectateurs plus réservés à l’égard de leur cinéma (votre serviteur, par exemple) y retrouveront au contraire leurs travers. Sous couvert d’un discours social inattaquable, les cinéastes continuent à en dire trop là où la puissance de leur mise en scène aurait été suffisante, tout en simplifiant certains enjeux qui auraient mérité d’être traités avec une plus grande finesse.
À ce titre, le thème de la manipulation qui mène à la radicalisation n’est peut-être pas le mieux traité, et certains raccourcis sont aussi préjudiciables que certains détails superflus. Par contre les Dardenne touchent leur cible lorsqu’il s’agit de parler de l’adolescence et de la difficulté à intégrer la complexité du monde qui nous entoure. C’est probablement ce dernier point qui fait au final la qualité du Jeune Ahmed, et qui lui permet de convaincre, malgré ses maladresses...

30 avril 2019

★★★½ | Girl

★★★½ | Girl

Réalisé par Lukas Dhont | Pas de sortie en salle au Québec — Disponible en VSD
Après avoir remporté la Caméra d'Or à Cannes en 2018, Girl n'est pas sorti en salle au Québec et a dû se contenter d'une sortie en ligne via la plateforme Netflix. Nous ne reviendrons pas ici sur cette pratique qui empêche les non-abonnés de visionner une œuvre qui mériterait d'être vu par un plus grand nombre, mais nous nous contenterons de parler du film!
Et soyons clairs, il possède de grandes qualités. Avec sa première œuvre, le jeune cinéaste belge Lukas Dhont confirme en effet la bonne santé de sa cinématographie nationale. D'une part, le sujet est ambitieux: une jeune femme née dans un corps de garçon doit faire face à la transformation trop lente de son corps, tout en lui faisant subir des entraînements éprouvants (elle souhaite devenir danseuse étoile). D'autre part, et c'est le plus important, l'ambition ne se transforme jamais en prétention incontrôlée grâce au talent et à la sensibilité de Lukas Dhont et de son coscénariste Angelo Tijssens. Avec une maîtrise impressionnante, ils parviennent à aborder de nombreux sujets (le changement de sexe, le passage à l'âge adulte, la poursuite d'une passion (la danse)) tout en donnant naissance à des personnages secondaires qui ne se limitent pas aux rôles de simple faire-valoir, et tout en évitant de sombrer dans certaines facilités dans le traitement des relations avec le père / le voisin / les camarades de classe / les professeurs, etc. Dhont a tellement confiance en son sujet, en son personnage principal (interprété par le magnifique Victor Polster) et en ses qualités de cinéaste qu'il n'a pas besoin d'attirer artificiellement l'attention du spectateur avec de potentielles dérives mélodramatiques interpersonnelles qui se seraient vite transformées en écueils. Tant mieux pour nous!
Certes, le rebondissement final ne nous semble pas à la hauteur du reste… mais la dernière miniséquence de déambulation dans un couloir de métro, simple et belle comme son héroïne, nous la ferait presque oublier.