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9 mai 2020

★★★★ | L'important c'est d'aimer

★★★★ | L'important c'est d'aimer

Réalisé par Andrzej Żuławski | Reprise | Disponible en VSD
Cette coproduction franco-italo-allemande est le troisième film du cinéaste polonais Andrzej Żuławski et le premier en dehors de son pays natal. Bien que ce film soit en partie un film de commande — Żuławski est le cinquième cinéaste à avoir été approché —, on retrouve les principales qualités de son premier film: une structure où règne le chaos marqué par une mise en scène d’une forte intensité visuelle.
En retravaillant l’adaptation du roman La nuit américaine de Christopher Frank, avec qui il signe le scénario, et en ajoutant plus de profondeur au personnage campé par Jacques Dutronc, le cinéaste ajoute cette rage filmique à cette histoire classique d’un triangle amoureux. Bien que le roman de Frank n’a rien à voir avec le film de François Truffaut, L’important c’est d’aimer est lui aussi un film sur l’amour,  l’art et le cinéma... Un cinéma vibrant et captivant, au pouvoir évocateur, où règnent un sentimentalisme et une sensualité éclatée.
Récompensée par le César de la meilleure actrice, Romy Schneider incarne cette actrice fragile et malheureuse dont la rencontre avec un photographe rempli de remords (Fabio Testi) va venir chambouler la vie sentimentale, alors qu'elle s’accroche à son compagnon obsédé par l’échec (Jacques Dutronc, dans son premier grand rôle à l’écran). Ce degré de fatalité est accentué par la musique de Georges Delerue qui offre une partition bien différente et en dehors de sa zone de confort. Empreint d’un lyrisme exalté et d’envolées de violence, L’important c’est d’aimer est un film où exalte le mal, la douleur et la souffrance. Żuławski a toujours été fasciné par l’œuvre de Dostoïevski et on retrouve cette dualité propre à l’auteur dans cette tribune où le bien et le mal sont le propre chez l’humain.
Quarante-cinq ans plus tard, L’important c’est d’aimer s’inscrit parmi les meilleurs films sur les coulisses du cinéma et ses répercussions sentimentales, au même titre que Le mépris de Godard ou encore Sunset Boulevard de Billy Wilder.

En location via le site internet du Cinéma moderne de Montréal.

28 juin 2018

★★★★ | Gina

★★★★ | Gina

Réalisé par Denys Arcand (1975)
En 1970, Denys Arcand tourne On est au coton. Ce documentaire important qui traite des conditions de travail déplorables et difficiles des travailleurs de l’industrie textile au Québec est interdit de projection par l’ONF. Cinq ans plus tard, après La maudite galette (son premier film de fiction) et Réjeanne Padovanni, oeuvre colossale mais amèrement reçue à Cannes en 1973, Arcand entreprend une quête vengeresse avec Gina. Dans ce film de fiction où il règle notamment ses comptes avec l’industrie cinématographique de l’époque, spécialement l’ONF, le réalisateur emploie des jeux d’oppositions (ici le cinéma direct se mêle avec le cinéma d’exploitation pur et dur) qui mènent ce drame de mœurs distancié vers une tout autre sphère que le simple cinéma de genre. La maîtrise du montage en parallèle juxtapose les scènes de tournage d’un documentaire sur l’industrie textile à Louiseville aux démêlés d’une danseuse de club avec une bande de motoneigistes. Le tournage du documentaire  incluant un extrait censuré par l’ONF de son toujours inédit On est au coton  cède sa place à une fiction dont le climat très dur vers la fin évoque la température froide et enneigée d’un hiver québécois qui nous plonge dans les mœurs typiques de l’époque (le jeu de confrontation lors de l’importante et longue scène de billard; la danse inoubliable de Céline Lomez avec la musique rock de Michel Pagliaro).
On retrouve toute la verve d’un cinéaste enragé et en pleine possession de ses moyens dans cette variation sur le thème de la violence et de la vengeance personnelle. À l’instar de La maudite galette, c’est dans le cinéma d’exploitation que le film se dirige tout en déviant habilement les codes du genre. Ainsi, la séquence de viol collectif est filmée sans complaisance et avec une économie de moyens autant dans sa description que sa démonstration. Dans son meilleur rôle au cinéma, Céline Lomez, qui  interprète à la fois l'humiliation et le désir de vengeance, fait preuve de nuance et de complexité.
Cette vengeance personnelle qu’exerce Gina (et sa bande de bandits menée par un étonnant Donald Lautrec) sur ses nombreux agresseurs se conclut par une finale jouissive et ultraviolente d’une rare efficacité... avant qu'Arcand ne boucle son film avec cet épilogue cynique en forme de réflexion sur l’industrie et l’avenir du cinéma québécois.