25 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★★ | Blue My Mind

Fantasia 2018 | ★★★ | Blue My Mind

Réalisé par Lisa Brühlmann
Avec Blue My Mind, la réalisatrice suisse Lisa Brühlmann aborde un sujet dont il est régulièrement question à Fantasia: l’adolescente féminine. Son héroïne, Mia, 15 ans, déménage et doit se faire une nouvelle vie, acquérir une nouvelle popularité, montrer qu’elle est une jeune femme cool (baiser, voler, se droguer) et accepter les changements de son corps. Le programme est déjà bien chargé, mais ce n’est rien à côté de ce qui attend réellement Mia. Avec les premières règles intervient en effet une réelle mutation: les doigts de pieds se soudent, des ecchymoses se forment sur les jambes qui se noircissent de plus en plus, et l’adolescente devient adepte de la consommation de poissons vivants, à même l’aquarium de ses parents.
À un moment de la vie où chacun change inexorablement, que faire lorsqu’on ne change pas de la même manière que les autres? Faut-il essayer de s’intégrer à tout prix ou plutôt quitter le monde qui nous entoure? D’ailleurs, a-t-on réellement le choix?
Comme on l’aura compris, pour aborder ces thématiques, Brühlmann use de métaphores parfois un peu trop insistantes. Elle aborde également, de manière moins frontale, le thème du suicide adolescent. Pour mener à bien une telle entreprise, une cinéaste sensible semblait indispensable. C’est indéniablement le cas ici. Le regard qu’elle porte sur ses héroïnes est très attentif et respectueux. Elle est de plus servie par un duo d’actrice (Luna Wedler et Zoë Pastelle Holthuizen) irréprochable. Cependant, cette condition nécessaire n’est pas suffisante à la réussite complète du film. Certes, la réalisatrice parvient à faire ressentir une certaine fragilité, un certain flottement, une sensation de perdre pieds avec le monde environnant (l’héroïne se transforme en sirène... métaphore quand tu nous tiens!). Mais malheureusement, l’évolution des relations entres les adolescentes est particulièrement bâclée et peu crédible. Surtout, les intentions de la réalisatrice sont si flagrantes qu’elles finissent par prendre le dessus sur les personnages, mais également les émotions, les sentiments… malgré l’indéniable sensibilité qui émane du film.
Cette envie trop grande et pas assez maîtrisée de bien (et trop) faire empêche finalement le film d’atteindre totalement son objectif et nous laisse un peu sur le bord du chemin malgré une multitude de qualités qui semblent rester en surface... comme pour cacher un manque de matière, malgré des intentions énormes. Mettons ça sur le dos de l'inexpérience de Lisa Brühlmann, qui signe ici son premier long-métrage de fiction, en attendant la suite des événements. Elle a du talent, c’est certain. Il ne lui reste plus qu’à l’affiner!
Fantasia 2018 | ★★★½ | Microhabitat (So-gong-nyeo)

Fantasia 2018 | ★★★½ | Microhabitat (So-gong-nyeo)

Réalisé par Jeon Go-Woon
Microhabitat de la réalisatrice sud-coréenne Jeon Go-Woon transforme habilement une histoire apparemment banale en récit édifiant questionnant les différentes facettes de la vie adulte. En positionnant ses personnages quelques années après la folie de la jeunesse (et de ses rêves et ambitions), elle les confronte à leur vie ainsi qu’à leur contribution à la société.
La réalisatrice concentre l'action autour du personnage de Miso (Esom), une trentenaire qui semble être à la croisée des chemins. Sans revenus stables (elle accumule les petits boulots comme femme de ménage), son futur n'est pas très reluisant. Cette instabilité financière l’empêche de payer la récente augmentation de son loyer. Le climat d’incertitude entourant la vie de Miso, le manque d'argent, le refus de s'intégrer à une vision conformiste de la société, n’est finalement pas ce qu’on pourrait croire. Plus on avance dans le récit, plus on se rend compte que Miso est parfaitement consciente de ses décisions. N'ayant plus les moyens de se loger alors que la nouvelle année débute et que les prix augmentent partout, elle décide de chercher l'appui de ses anciens compagnons d'école avec qui elle avait formé un groupe de musique. La réalisatrice réussit ainsi à concevoir un personnage de femme forte qui s'affirme par ses actions (à la fois respectueuses et remplies de compassion). Les rencontres de Miso avec les anciens membres du groupe la confrontent malgré elle au temps qui passe et nous permet de découvrir des personnages à différents carrefours de leur vie.
Les allers et retours dans le quotidien de Miso varient selon ses rencontres. Elle sera accueillie à bras ouverts, rejetée poliment, retenue de force et à chacune de ses interactions, on ne pourra s'empêcher de constater qu'elle laisse sur son passage un soupçon de bonheur. Dans le rôle de Miso, Esom est tout simplement excellente. Elle parvient à créer un personnage cohérent qui, dès la première scène, ravira le public. Ne vivant pas dans la nostalgie du passé (ce qui est le cas de certains membres du groupe), elle est en paix avec elle-même. Comblée par peu de choses (son prétendant, le whisky et les cigarettes), elle fait le choix de vivre pour ces choses uniquement. Le refus de payer un loyer exorbitant pour un taudis en est un exemple parfait. D’ailleurs, tout au long de son périple, elle comprend que l’habitation peut facilement devenir une prison (émotionnelle et financière).
Vivre à un endroit précis en dit long sur sa position dans la société. Certains de ses amis habitent un appartement, un condo ou une maison. Seuls ou avec des membres de leur famille. Dans tous les cas, le réalisateur expose les conséquences parfois dangereuses liées à l’habitation. Le tout sans juger ses personnages.
Les aventures de Miso forment à la fois un baume pour le cœur et l'esprit. De plus, la mise en scène sans artifices et les dialogues réfléchis font de Microhabitat une œuvre tragi-comique à laquelle il est impossible de résister.

19 juillet 2018

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 1/3

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 1/3

Microhabitat
Déjà une semaine de complétée à Fantasia et comme d’habitude, le festival nous a présenté son lot de surprises, de curiosités, de déceptions et des navets. Mais heureusement, il n’y a pas que du mauvais dans ce festival qui se consacre essentiellement sur le cinéma de genre (sous toutes ses formes). Le meilleur se situe souvent du côté des films inclassables ou singuliers qui détonnent du reste de la programmation.

Véritable coup de cœur à date, Microhabitat est le premier film de la réalisatrice Jeon Go-woon. Mettant en vedette l’actrice et top modèle Esom, cette comédie dramatique offre une bouffée d’air frais dans le paysage du cinéma coréen actuel. Avec son mélange de comédie et de pathos, ce film tout à fait irrésistible dresse un portrait poignant d’une réalité sociale à laquelle sont confrontés les moins nantis et les marginaux. En évitant les effets dramatiques, la réalisatrice offre une œuvre tout en drôlerie et en finesse sur les angoisses et le bonheur de la vie quotidienne.

Avec Neomanila, le jeune réalisateur philippin de 27 ans Mikhail Red confirme sa place parmi les jeunes réalisateurs les plus prometteurs de l’heure dans le cinéma contemporain. Le troisième long-métrage de ce cinéaste surdoué est un néo polar stylisé d’un réalisme cru. À mi-chemin entre le cinéma de Lino Brocka et celui de Nicolas Winding Refn, ce polar social est un film glauque et sans concession sur le milieu criminel clandestin à Manille. On en sort à la fois vidé et ébahi.

Cinq ans après son excellent drame policier On the Job, le vétéran réalisateur philippin Erik Matti revient au cinéma d’action avec le survolté BuyBust. Sorte de The Raid dans un énorme bidonville labyrinthique, ce film ultraviolent étonne par la maîtrise de sa mise en scène (plans séquences, travail sur les éclairages; travail sonore) et son lot de scènes de fusillades et de combats. À noter les débuts au cinéma de Brandon Vera (un ancien combattant de la UFC) qui forme un duo solide avec la surprenante Anne Curtis qui est tout aussi convaincante dans un rôle musclé à mille lieues des rôles dans les comédies romantiques auxquels elle est habituée.

Basé sur un incident d’une guerre de gang survenue en 2007 à Séoul, The Outlaws est un drame policier mettant en vedette Don Lee (aka Ma Dong-seok, la révélation de Train to Busan) dans le rôle d’un policier peu orthodoxe et acharné à mettre fin à cette guerre de territoires entre Coréens et Chinois. Ça ne révolutionne pas le genre, mais c’est un film rythmé au scénario solide. Le charismatique Don Lee impressionne à nouveau dans ce rôle musclé et taillé sur mesure sur son imposant gabarit.

En attendant Bleach et Inuyashiki qui seront projetés au cours des prochains jours, I am a Hero est un des meilleurs films de zombies des dernières années. Cette adaptation d’un manga d’horreur de l’artiste Kengo Hanazawa offre un mélange habile d’action, de comédie et scènes sanguinolentes. Ça perd un peu de son rythme et de son charme lors du dernier tiers mais ça reste un divertissement de bonne facture qui comblera les attentes des amateurs du genre.

Rendez-vous dans une semaine pour un second résumé de trouvailles et autres découvertes fantasiaesques!