25 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★★½ | Microhabitat (So-gong-nyeo)

Fantasia 2018 | ★★★½ | Microhabitat (So-gong-nyeo)

Réalisé par Jeon Go-Woon
Microhabitat de la réalisatrice sud-coréenne Jeon Go-Woon transforme habilement une histoire apparemment banale en récit édifiant questionnant les différentes facettes de la vie adulte. En positionnant ses personnages quelques années après la folie de la jeunesse (et de ses rêves et ambitions), elle les confronte à leur vie ainsi qu’à leur contribution à la société.
La réalisatrice concentre l'action autour du personnage de Miso (Esom), une trentenaire qui semble être à la croisée des chemins. Sans revenus stables (elle accumule les petits boulots comme femme de ménage), son futur n'est pas très reluisant. Cette instabilité financière l’empêche de payer la récente augmentation de son loyer. Le climat d’incertitude entourant la vie de Miso, le manque d'argent, le refus de s'intégrer à une vision conformiste de la société, n’est finalement pas ce qu’on pourrait croire. Plus on avance dans le récit, plus on se rend compte que Miso est parfaitement consciente de ses décisions. N'ayant plus les moyens de se loger alors que la nouvelle année débute et que les prix augmentent partout, elle décide de chercher l'appui de ses anciens compagnons d'école avec qui elle avait formé un groupe de musique. La réalisatrice réussit ainsi à concevoir un personnage de femme forte qui s'affirme par ses actions (à la fois respectueuses et remplies de compassion). Les rencontres de Miso avec les anciens membres du groupe la confrontent malgré elle au temps qui passe et nous permet de découvrir des personnages à différents carrefours de leur vie.
Les allers et retours dans le quotidien de Miso varient selon ses rencontres. Elle sera accueillie à bras ouverts, rejetée poliment, retenue de force et à chacune de ses interactions, on ne pourra s'empêcher de constater qu'elle laisse sur son passage un soupçon de bonheur. Dans le rôle de Miso, Esom est tout simplement excellente. Elle parvient à créer un personnage cohérent qui, dès la première scène, ravira le public. Ne vivant pas dans la nostalgie du passé (ce qui est le cas de certains membres du groupe), elle est en paix avec elle-même. Comblée par peu de choses (son prétendant, le whisky et les cigarettes), elle fait le choix de vivre pour ces choses uniquement. Le refus de payer un loyer exorbitant pour un taudis en est un exemple parfait. D’ailleurs, tout au long de son périple, elle comprend que l’habitation peut facilement devenir une prison (émotionnelle et financière).
Vivre à un endroit précis en dit long sur sa position dans la société. Certains de ses amis habitent un appartement, un condo ou une maison. Seuls ou avec des membres de leur famille. Dans tous les cas, le réalisateur expose les conséquences parfois dangereuses liées à l’habitation. Le tout sans juger ses personnages.
Les aventures de Miso forment à la fois un baume pour le cœur et l'esprit. De plus, la mise en scène sans artifices et les dialogues réfléchis font de Microhabitat une œuvre tragi-comique à laquelle il est impossible de résister.

19 juillet 2018

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 1/3

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 1/3

Microhabitat
Déjà une semaine de complétée à Fantasia et comme d’habitude, le festival nous a présenté son lot de surprises, de curiosités, de déceptions et des navets. Mais heureusement, il n’y a pas que du mauvais dans ce festival qui se consacre essentiellement sur le cinéma de genre (sous toutes ses formes). Le meilleur se situe souvent du côté des films inclassables ou singuliers qui détonnent du reste de la programmation.

Véritable coup de cœur à date, Microhabitat est le premier film de la réalisatrice Jeon Go-woon. Mettant en vedette l’actrice et top modèle Esom, cette comédie dramatique offre une bouffée d’air frais dans le paysage du cinéma coréen actuel. Avec son mélange de comédie et de pathos, ce film tout à fait irrésistible dresse un portrait poignant d’une réalité sociale à laquelle sont confrontés les moins nantis et les marginaux. En évitant les effets dramatiques, la réalisatrice offre une œuvre tout en drôlerie et en finesse sur les angoisses et le bonheur de la vie quotidienne.

Avec Neomanila, le jeune réalisateur philippin de 27 ans Mikhail Red confirme sa place parmi les jeunes réalisateurs les plus prometteurs de l’heure dans le cinéma contemporain. Le troisième long-métrage de ce cinéaste surdoué est un néo polar stylisé d’un réalisme cru. À mi-chemin entre le cinéma de Lino Brocka et celui de Nicolas Winding Refn, ce polar social est un film glauque et sans concession sur le milieu criminel clandestin à Manille. On en sort à la fois vidé et ébahi.

Cinq ans après son excellent drame policier On the Job, le vétéran réalisateur philippin Erik Matti revient au cinéma d’action avec le survolté BuyBust. Sorte de The Raid dans un énorme bidonville labyrinthique, ce film ultraviolent étonne par la maîtrise de sa mise en scène (plans séquences, travail sur les éclairages; travail sonore) et son lot de scènes de fusillades et de combats. À noter les débuts au cinéma de Brandon Vera (un ancien combattant de la UFC) qui forme un duo solide avec la surprenante Anne Curtis qui est tout aussi convaincante dans un rôle musclé à mille lieues des rôles dans les comédies romantiques auxquels elle est habituée.

Basé sur un incident d’une guerre de gang survenue en 2007 à Séoul, The Outlaws est un drame policier mettant en vedette Don Lee (aka Ma Dong-seok, la révélation de Train to Busan) dans le rôle d’un policier peu orthodoxe et acharné à mettre fin à cette guerre de territoires entre Coréens et Chinois. Ça ne révolutionne pas le genre, mais c’est un film rythmé au scénario solide. Le charismatique Don Lee impressionne à nouveau dans ce rôle musclé et taillé sur mesure sur son imposant gabarit.

En attendant Bleach et Inuyashiki qui seront projetés au cours des prochains jours, I am a Hero est un des meilleurs films de zombies des dernières années. Cette adaptation d’un manga d’horreur de l’artiste Kengo Hanazawa offre un mélange habile d’action, de comédie et scènes sanguinolentes. Ça perd un peu de son rythme et de son charme lors du dernier tiers mais ça reste un divertissement de bonne facture qui comblera les attentes des amateurs du genre.

Rendez-vous dans une semaine pour un second résumé de trouvailles et autres découvertes fantasiaesques!

18 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★½ | Satan’s Slaves (Pengabdi Setan)

Fantasia 2018 | ★★½ | Satan’s Slaves (Pengabdi Setan)

Réalisé par Joko Anwar
Une introduction réussie nous permet de découvrir une famille affligée émotionnellement et financièrement par la longue maladie de sa matriarche, une ancienne chanteuse populaire. Hanté par sa musique qui parcourt la maison, chacun des membres de la famille essaie de surmonter son deuil... et Joko Anwar (The Forbidden Door) plonge habilement le spectateur dans un univers troublant à la limite de la terreur. 
Pourtant, malgré ce point de départ réussi et le jeu nuancé des acteurs, Satan’s Slaves ne livre pas les promesses du début. Le scénario dévoile en effet trop de détails qui au final alourdissent l’ensemble. Pour sa part, la mise en scène aurait vivement gagné à jouer sur ses tensions au lieu de tenter de les accentuer avec des effets sonores ou un montage révélateur.
La finale intrigante a le mérite de ne pas trop en dire, mais c’est malheureusement trop peu et trop tard. Malgré quelques qualités en début et en fin de métrage, Satan’s Slaves en laissera plus d’un perplexe.