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14 juin 2024

★¾ | La ligne

★¾ | La ligne

Réalisation: Ursula Meier | Dans les salles du Québec le 14 juin 2024 (Axia films)
La ligne ne démarre pas aussi bien que l'aurait probablement souhaité sa réalisatrice Ursula Meier. Dès sa séquence pré-générique, le film passe à côté de sa cible. Cette scène de violente dispute familiale, filmée au ralenti sur fond de musique classique, ressemble à une fausse bonne idée de mise en scène, en réalité sans grande force ni brio. La suite n'est pas plus convaincante, portée par des dialogues mal écrits dont les actrices semblent avoir le plus grand mal à se dépêtrer.
Heureusement, par moments, quelques instants presque réussis laissent espérer une reprise en main, mais cela n'est qu'illusion. La photographie, digne d'un morne téléfilm (pourtant signée Agnès Godard), et les personnages hautement caricaturaux (une artiste exaltée borderline, une artiste marginale, la bonne mère de famille et l'ado qui essaie de fuir en s'en remettant à Dieu) finissent par annihiler tous nos espoirs. Cette histoire de famille dysfonctionnelle avait pourtant du potentiel. De plus, la volonté de se limiter au présent, sans expliquer dans le détail les raisons de la discorde, est courageuse et permet d'éviter les pièges psychologisants.
Malheureusement, ces rares qualités ne suffisent pas à compenser les nombreuses faiblesses du film. Le manque de profondeur des personnages et la direction d'acteurs approximative plombent l'ensemble. Les tentatives de créer des moments de tension ou d'émotion tombent souvent à plat, laissant le spectateur, au mieux, indifférent, au pire, agacé.
En fin de compte, La ligne échoue à trouver son équilibre et à nous intéresser à ses personnages. Les intentions étaient louables, mais la réalisation n'est pas à la hauteur et les faiblesses finissent par prendre le dessus, faisant de ce film une déception. Ursula Meier, connue pour son talent à capturer les nuances des relations humaines, semble ici avoir manqué sa cible, nous laissant avec un sentiment de potentiel inexploité et de frustration.

31 mai 2024

★★★ | Bonnard, Pierre et Marthe

★★★ | Bonnard, Pierre et Marthe

Réalisation: Martin Provost | Dans les salles du Québec le 31 mai 2024 (Sphère Films)
Le réalisateur du sublime Séraphine dresse un portrait vibrant de la relation entre le peintre Pierre Bonnard et Marthe de Méligny, la femme qui deviendra sa muse. En choisissant de ne pas idéaliser la figure de l’artiste, Provost met en scène ce couple dans toute sa complexité, aussi bien dans la vie que dans le travail.
Le film nous happe visuellement par ses choix artistiques et par l’importance accordée à l’acte de peindre. Même un public qui ne connaît pas Bonnard ou qui a peu de connaissances en histoire de l’art pourra y trouver son bonheur. Bonnard, Pierre et Marthe est une œuvre qui prend son temps, nous présentant avec patience le peintre, l’homme, la femme, la muse et surtout les peintures, sans oublier le contexte historique soigneusement dépeint. Le film ne nous montre pas un artiste en vase clos, mais le situe en relation avec ses contemporains, faisant bien ressentir le désir de révolution artistique qui habitait Bonnard. À travers le film, on passe beaucoup de temps à voir un homme peindre, nous permettant de découvrir ou redévouvrir le grand talent de l’artiste.
Le lien fort et trouble entre Bonnard et sa muse est magnifiquement interprété par Vincent Macaigne et Cécile de France, qui traversent le film tout en nuances.
Malgré les éléments plus dramatiques, il émane de Bonnard, Pierre et Marthe une certaine douceur, probablement liée à l’acte de création. Le film nous laisse avec une envie de nous entourer d’art, une envie d’aimer.

24 mai 2024

★★¾ | Daaaaaalí !

★★¾ | Daaaaaalí !

Réalisateur: Quentin Dupieux | Dans les salles du Québec le 24 mai 2024 ( Métropole Films Distribution)
Comment réaliser un biopic d’un artiste aussi improbable que Dalí, qui a presque réussi à éclipser aux yeux du grand public son propre génie créatif au profit du personnage extravagant qu’il s’est forgé ? Quentin Dupieux répond à cette interrogation par une démarche originale : en concevant un anti-biopic, et en fragmentant son personnage principal à travers l’interprétation de cinq acteurs différents. Cette approche est non seulement ingénieuse mais s’harmonise parfaitement avec l’esthétique de Dupieux. L'autre bonne idée est que le réalisateur n’a pas tenté de recréer les œuvres emblématiques du maître, mais plutôt de capturer un univers qui lui serait fidèle. Pour ce faire, il puise autant dans son propre imaginaire que dans un éventail de références culturelles, dont Luis Buñuel est la plus évidente.
Malheureusement, Dupieux paie ici le prix de sa boulimie de réalisateur hyperprolifique. Ses idées sont en effet parfois un peu bâclées, comme si, à force de tourner vite, il n’avait jamais vraiment la tête au projet qu’il est en train de filmer. Certes, le film regorge de trouvailles (la plus irrésistible est probablement, au tout début du film, ce couloir d’hôtel interminable). Néanmoins, le rythme s’essouffle plus rapidement que de coutume. Malgré sa brièveté (1 h 18), le film peine à maintenir son élan, et la boucle narrative finale que nous propose Dupieux ressemble plus à du surplace artistique qu’à une réelle proposition pertinente. De plus, la performance inégale des acteurs incarnant Dalí est flagrante, et fortement nuisible : si Edouard Baer et Jonathan Cohen brillent par leur talent, Pio Marmaï et Gilles Lellouche ne sont jamais à la hauteur de leur personnage.
En somme, Daaaaaalí ! n’est pas dénué de charme, mais il s’agit d’une œuvre mineure dans la filmographie de Dupieux. Cependant, l’espoir demeure : son prochain film sera probablement à la hauteur de nos attentes. Et si ce n’est pas le cas, il y aura toujours le suivant.

10 mai 2024

★★½ | Le retour

★★½ | Le retour

Réalisation : Catherine Corsini | Dans les salles du Québec le 10 mai 2024 (Axia Films)
Après avoir défrayé les manchettes l’an dernier à Cannes et créé une polémique, le drame familial Le Retour de la cinéaste française Catherine Corsini débarque sur nos écrans près d’un an après la controverse. Un tohu-bohu engendré par les conditions de tournage difficiles et par des allégations anonymes de membres de la production à propos d’une scène à caractère sexuelle (finalement supprimée au montage) impliquant des mineurs de moins de 16 ans. Malgré l’enquête menée par le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), la polémique a tout de même fait du tort et nui au film.
Coécrit par la réalisatrice et Naïla Guignet, le film est le récit d’apprentissage de deux adolescentes le temps d’un été en Corse. Reconnue pour son approche subtile dans la représentation des relations humaines de même que pour sa générosité à présenter des personnages féminins forts à l’écran, la réalisatrice de La fracture déçoit avec ce nouveau film. En voulant mêler plein de sujets graves (le clivage social, le racisme ordinaire, le deuil, l’intégration et j’en passe) à son récit initiatique, tout demeure en surface et manque de profondeur. Il en va de même pour le déroulement de l’intrigue. Le départ précipité de la mère et de ses filles de la Corse est un mystère, mais le secret est abandonné et relégué aux oubliettes pendant un long moment avant d’être enfin révélé lors d’un dénouement banal qui peine à convaincre malgré la sincérité de la démarche.
Malgré ces défauts, il faut reconnaitre au film certaines qualités, notamment quelques scènes empreintes de sensibilité. Corsini filme également les corps féminins avec un naturel qui rappelle un peu le cinéma de Catherine Breillat, notamment dans sa présentation d’une idylle saphique entre l’aînée de la famille et la fille du patron de sa mère. De plus, les jeunes comédiennes sont très bien dirigées et la talentueuse Esther Gohourou (remarquée dans Mignonnes) se distingue particulièrement.

26 avril 2024

★★★★ | Linda veut du poulet !

★★★★ | Linda veut du poulet !

Réalisation: Sébastien Laudenbach et Chiara Malta | Dans les salles du Québec le 26 avril 2024 (Cinéma du Parc)
Sébastien Laudenbach nous avait éblouis en 2016 avec La jeune fille sans main, une animation qui sortait largement des sentiers battus par ses dessins uniques qui semblaient littéralement vivre à l’écran. Pour son délirant nouveau projet Linda veut du poulet !, César du meilleur film d’animation plus tôt cette année, il s’adjoint les services de la réalisatrice italienne Chiara Malta (Simple Women) qui décuple sa folie.
Débutant sur des sujets sombres et balisés (le deuil de père, la difficulté d’une mère de se rapprocher de sa fille), le récit ne tarde pas à trouver sa lumière et sa vitesse de croisière en empruntant des chemins de traverse. L’intrigue extrêmement simple — difficile de trouver un poulet un jour de grève — est propice à des gags hilarants. Comme dans Zazie dans le métro de Louis Malle, l’obsession de la jeune héroïne est source de comédie et elle fera la rencontre de personnages colorés qui rappellent la force du collectif. Et à l’image des chefs-d’œuvre de Buster Keaton, les situations incroyables se succèdent, jusqu’à faire boule de neige. On ajoute à cela une satire de la société façon Jacques Tati et des chansons à la Jacques Demy et on obtient un opus intemporel qui résiste aux modes.
L’anarchie mène le bal et elle s’exprime autant dans cette façon des protagonistes de résister à l’ordre établi (la police en prend pour son rhume) que dans ce désir de s’échapper des diktats de l’industrie. Loin des standards des Disney, Pixar et compagnie, l’animation peut évoluer autrement. Tout ce dont elle a besoin, c’est de l’imagination, de la poésie et de l’émotion. Cela tombe bien, ces ingrédients sont partout dans Linda veut du poulet !, un projet familial qui plaira autant aux jeunes enfants qu’aux adultes en quête d’émerveillement.