19 juillet 2018

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 1/3

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 1/3

Microhabitat
Déjà une semaine de complétée à Fantasia et comme d’habitude, le festival nous a présenté son lot de surprises, de curiosités, de déceptions et des navets. Mais heureusement, il n’y a pas que du mauvais dans ce festival qui se consacre essentiellement sur le cinéma de genre (sous toutes ses formes). Le meilleur se situe souvent du côté des films inclassables ou singuliers qui détonnent du reste de la programmation.

Véritable coup de cœur à date, Microhabitat est le premier film de la réalisatrice Jeon Go-woon. Mettant en vedette l’actrice et top modèle Esom, cette comédie dramatique offre une bouffée d’air frais dans le paysage du cinéma coréen actuel. Avec son mélange de comédie et de pathos, ce film tout à fait irrésistible dresse un portrait poignant d’une réalité sociale à laquelle sont confrontés les moins nantis et les marginaux. En évitant les effets dramatiques, la réalisatrice offre une œuvre tout en drôlerie et en finesse sur les angoisses et le bonheur de la vie quotidienne.

Avec Neomanila, le jeune réalisateur philippin de 27 ans Mikhail Red confirme sa place parmi les jeunes réalisateurs les plus prometteurs de l’heure dans le cinéma contemporain. Le troisième long-métrage de ce cinéaste surdoué est un néo polar stylisé d’un réalisme cru. À mi-chemin entre le cinéma de Lino Brocka et celui de Nicolas Winding Refn, ce polar social est un film glauque et sans concession sur le milieu criminel clandestin à Manille. On en sort à la fois vidé et ébahi.

Cinq ans après son excellent drame policier On the Job, le vétéran réalisateur philippin Erik Matti revient au cinéma d’action avec le survolté BuyBust. Sorte de The Raid dans un énorme bidonville labyrinthique, ce film ultraviolent étonne par la maîtrise de sa mise en scène (plans séquences, travail sur les éclairages; travail sonore) et son lot de scènes de fusillades et de combats. À noter les débuts au cinéma de Brandon Vera (un ancien combattant de la UFC) qui forme un duo solide avec la surprenante Anne Curtis qui est tout aussi convaincante dans un rôle musclé à mille lieues des rôles dans les comédies romantiques auxquels elle est habituée.

Basé sur un incident d’une guerre de gang survenue en 2007 à Séoul, The Outlaws est un drame policier mettant en vedette Don Lee (aka Ma Dong-seok, la révélation de Train to Busan) dans le rôle d’un policier peu orthodoxe et acharné à mettre fin à cette guerre de territoires entre Coréens et Chinois. Ça ne révolutionne pas le genre, mais c’est un film rythmé au scénario solide. Le charismatique Don Lee impressionne à nouveau dans ce rôle musclé et taillé sur mesure sur son imposant gabarit.

En attendant Bleach et Inuyashiki qui seront projetés au cours des prochains jours, I am a Hero est un des meilleurs films de zombies des dernières années. Cette adaptation d’un manga d’horreur de l’artiste Kengo Hanazawa offre un mélange habile d’action, de comédie et scènes sanguinolentes. Ça perd un peu de son rythme et de son charme lors du dernier tiers mais ça reste un divertissement de bonne facture qui comblera les attentes des amateurs du genre.

Rendez-vous dans une semaine pour un second résumé de trouvailles et autres découvertes fantasiaesques!

18 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★½ | Satan’s Slaves (Pengabdi Setan)

Fantasia 2018 | ★★½ | Satan’s Slaves (Pengabdi Setan)

Réalisé par Joko Anwar
Une introduction réussie nous permet de découvrir une famille affligée émotionnellement et financièrement par la longue maladie de sa matriarche, une ancienne chanteuse populaire. Hanté par sa musique qui parcourt la maison, chacun des membres de la famille essaie de surmonter son deuil... et Joko Anwar (The Forbidden Door) plonge habilement le spectateur dans un univers troublant à la limite de la terreur. 
Pourtant, malgré ce point de départ réussi et le jeu nuancé des acteurs, Satan’s Slaves ne livre pas les promesses du début. Le scénario dévoile en effet trop de détails qui au final alourdissent l’ensemble. Pour sa part, la mise en scène aurait vivement gagné à jouer sur ses tensions au lieu de tenter de les accentuer avec des effets sonores ou un montage révélateur.
La finale intrigante a le mérite de ne pas trop en dire, mais c’est malheureusement trop peu et trop tard. Malgré quelques qualités en début et en fin de métrage, Satan’s Slaves en laissera plus d’un perplexe.
★★ | Don't Worry, He Won't Get Far on Foot (Pas de panique, il n'ira pas loin à pied)

★★ | Don't Worry, He Won't Get Far on Foot (Pas de panique, il n'ira pas loin à pied)

Réalisé par Gus Van Sant | Dans les salles du Québec le 20 juillet 2018 (Entract Films)
Gus Van Sant a mis plus de vingt ans pour lancer ce projet de film sur la vie du dessinateur handicapé John Callahan. Non ne saurons jamais à quoi aurait ressemblé le film s’il avait été réalisé plus tôt (nous savons juste que Robin Williams souhaitait le produire et l'interpréter), mais en le visionnant, nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’il aurait difficilement pu être moins bon. Décidément, la carrière cinématographique de Gus Van Sant semble derrière lui (pour l’instant… pourvu que ça ne dure plus trop longtemps), et l’excellent Paranoid Park commence à dater.
Le réalisateur prend de moins en moins de risques, et son biopic / hommage semble faire tous les efforts du monde pour ne pas déranger, être bien lisse et sans aspérités… et finalement être très éloigné du dessinateur à qui il rend hommage, adepte d’un humour très noir et politiquement plus qu’incorrect. Van Sant cherche avant tout à mettre son personnage sur un piédestal. Du looser alcoolique des débuts, il devient progressivement, après une phase plus difficile au début de son handicap, une figure exemplaire, rédempteur intégral, petit ami trop parfait… et personnage finalement bien insipide.
Il n’y a évidemment rien de mal à vouloir honorer la mémoire d’un homme à qui la vie n’a pas fait de cadeaux (abandonné par sa mère, victime d’un grave accident qui le laisse paralysé, mais trouvant la force de gagner sa lutte contre l’alcoolisme et de devenir un dessinateur à succès), mais l’approche clairement hagiographique de Van Sant semble si peu coller à l’esprit de provocation de Callahan qu’elle en devient non seulement ridicule, contre productive, mais également presque indécente.
Reconnaissons toutefois des qualités qui permettent au film d’éviter de sombrer totalement. Van Sant ne tombe jamais dans le piège de la facilité de la tentation lacrymale. De plus, il est servi par d’excellent acteurs (mentions spéciales pour Joaquin Phoenix, qui compense comme il peu l’absence de finesse du scénario, et pour Jonah Hill, dont la prestation contribue aussi à limiter le naufrage).
Cependant, s’il n’était pas signé par un cinéaste qui fut jadis digne d’intérêt, ce film serait déjà oublié. Sur un sujet proche (suite à un accident dont il est en partie responsable, un homme devient handicapé mais trouve un sens à sa vie grâce à la création), nous avons même envie de conseiller un autre film, certes imparfait, mais qui donne vie à des personnages beaucoup plus incarnés et convaincants: Patients.
Quand on conseille un film signé Grand Corps Malade au détriment d’un film de Gus Van Sant, on se dit qu’il y a comme un petit problème!