2 août 2019

★★★½ | La Flor

★★★½ | La Flor

Réalisation: Mariano Llinás | Dans les salles du Québec le 2 août (Acéphale)
Tourné sur une période de dix ans, La Flor, film-fleuve du cinéaste argentin Mariano Llinás, est une œuvre fascinante. Véritable hommage au cinéma, le film s'approprie différents genres qui ont marqué l'histoire du cinéma. On navigue donc entre le film de série B, le film musical, le cinéma muet, le film français, etc. tout en tentant de suivre un groupe de quatre femmes prêtes à tout pour être maîtresses de leurs destinées. Ce voyage cinématographique ne se fait pourtant pas sans heurts. Les nombreux changements de tons et de genres ainsi que la multitude d'intrigues (et de sous intrigues) pourront facilement nous faire tourner la tête ou nous faire perdre notre intérêt. Toutefois, dès les premières scènes, on s'attache rapidement aux quatre personnages féminins... assez pour avoir envie de continuer l'aventure!
La mise en scène construit volontairement un labyrinthe duquel il semble impossible de sortir. Le point d'ancrage demeure l'exceptionnel quatuor d'actrice (Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa, Laura Paredes) qui nous empêche de sombrer dans la plus totale des confusions. Elles évoluent à travers l'histoire (et les années) pour gagner en force et en résilience. Si l'on devait retenir une seule chose du film de Llinás (qui contient autant de forces que de faiblesses), ce serait cette détermination sans failles (autant chez lui à la réalisation que chez ses personnages).
Il ne faudrait donc pas se laisser décourager par la durée du film qui fait treize heures trente. Pour un public de plus en plus conditionné à regarder des saisons complètes de séries sur Netflix (ou l'une des autres plateformes en ligne), la durée n'est d'ailleurs plus un obstacle valable. De plus, La Flor est un exploit cinématographique; quoi de mieux que de le vivre dans une salle de cinéma et non dans son salon.

31 juillet 2019

Fantasia 2019 | ★¾ | Aquaslash

Fantasia 2019 | ★¾ | Aquaslash

Réalisateur: Renaud Gauthier
Fantasia n'est pas le lieu de prédilection pour le cinéma québécois. Pourtant, parmi les rares bonnes surprises fleurdelisées de ces dernières années figurait le très référentiel et plutôt réussi Discopath (présenté à Fantasia 2013, mais que nous avions vu aux RVCQ l'année suivante) de Renaud Gauthier.
Nos attentes étaient donc réelles avec Aquaslash... et elles ont été grandement déçues. Le film ne fait certes qu'1h20, mais il est interminable. Autant le déluge référentiel de Discopathe alimentait la créativité du cinéaste, autant il semble le brider ici et lui imposer des pistes sur lesquelles il se perd: l'humour tombe à plat de manière quasi systématique (on rit tout de même 2 ou 3 fois), le cinéaste n'arrive jamais à s'élever au-dessus de sa potacherie, les scènes gores tant espérées se font attendre pendant une éternité (et manquent d'inventivité), les passages obligés narratifs sont des impasses... 
Heureusement, pour sauver son film du désastre, Gauthier peut compter sur son talent: subrepticement, à l'occasion de petites parenthèses narratives, il nous rappelle son sens de l'image, des couleurs, des formes: une minute par-ci, trois minutes par là, un plan ici, un autre là... mais rien de plus.
Le cinéaste aurait probablement eu assez de matière pour un bon court-métrage. Il a préféré le noyer dans une cascade d'insignifiance qui semble ne plus finir. Dommage.

• Signalons que nous avons vu la director's cut. Nous serions presque curieux de voir la version producteur... Quoi que! En aurions-nous vraiment l'envie?

28 juillet 2019

Fantasia 2019 | ★★★½ | Idol

Fantasia 2019 | ★★★½ | Idol

Réalisateur: Lee Su-jin
Décidément, Lee Su-jin est en train de devenir le nouveau chouchou de Fantasia. Il y a cinq ans, Han Gong-ju (son premier film) était sur toutes les lèvres; cette année, le cinéaste remporte le prix Cheval noir du meilleur film du festival avec Idol.
En deux films, le cinéaste se place déjà dans le club des excellents cinéastes coréens tant sa maitrise impressionne. Le point de départ du film est simple: un homme politique découvre que son fils est à l'origine d'un délit de fuite. À partir de cela, les personnages se multiplient en prenant tour à tour le rôle principal et nous entraînant dans une multitude d'univers permettant au cinéaste d'aborder un grand nombre de thèmes (enjeux électoraux, lutte des classes, immigration, etc.). L’intrigue assez complexe menace d’entrainer le spectateur dans un tourbillon qui pourrait le perdre, mais il n’en est rien, Lee Su-jin parvenant à trouver le liant qui permet au tout de ne jamais s’effriter. Une mise en scène précise (soutenue par une direction photo très sombre) semble en effet servir de moteur à des personnages très rigoureusement définis. Cela évite au film de partir dans tous les sens: il tisse ainsi un lien entre ses personnages appartenant à cette Corée contemporaine qui semble empreinte d’une grande noirceur (à en croire le cinéma local de ces dernières années).
En complexifiant une intrigue qui devient progressivement de plus en plus difficile à résumer en quelques mots, Lee Su-jin nous livre en fait un instantané distancié et pessimiste. Mais il s’agit plus de l'instantané d’une époque que celui d’une société précise. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu'Idol touche autant... et de manière si universelle!

26 juillet 2019

★★½ | Once Upon a Time in Hollywood (Il était une fois à Hollywood)

★★½ | Once Upon a Time in Hollywood (Il était une fois à Hollywood)

Réalisateur : Quentin Tarantino / Dans les salles du Québec le 26 juillet 2019
Quentin Tarantino a du talent. Nous n’en doutons pas. Il sait filmer (les gens qui parlent pour ne rien dire, l’action, les blagues plus ou moins potaches, les clins d’œil cinéphiles en tout genre…), il aime le cinéma, il aime ses acteurs (souvent très bon, comme Leonardo DiCaprio, une fois de plus excellent dans son double exercice de cabotinage parfaitement maîtrisé)… Bref, il a beaucoup pour nous plaire. Malheureusement, sa roublardise lui joue souvent des tours, surtout lorsqu’il s’imagine que tout ce qui est énoncé plus haut suffira à nous charmer. Avec Once Upon a Time in Hollywood, nous sommes face à l’exemple parfait.
La conséquence ne se laisse pas attendre. À force de vouloir exploiter toutes ses petites recettes trop bien huilées, il tourne en rond. Bien sûr, ici ou là, il fait mouche (la visite du personnage de Brad Pitt dans le ranch de Manson, quelques touches d’humour, etc.), mais le cumul de moments tarantinesques faits pour plaire à tout prix (même lorsqu’ils sont intrinsèquement réussis, ce qui arrive assez souvent) fait durer un peu trop un film qui aurait mérité d’être plus court.
On n’est même pas loin de penser que Once Upon a Time in Hollywood est le Tarantino le plus faible… et puis intervient la toute fin. En trois ou quatre minutes, le cinéaste parvient à nous toucher. Juste après un déluge de violence tout sauf en finesse (un des ingrédients de la recette qui manquait jusque-là!), il nous livre une conclusion délicate et sensible aux allures de chant d’amour au cinéma. Et si, en effet, le cinéma avait, l’espace d’un instant, le pouvoir de changer le cours des choses? Certes, il s’est déjà posé cette question par le passé (Inglourious Basterds). Mais cette fois, en s’attaquant au fait divers plus qu’à la grande Histoire, il se fait plus humble et fait mouche. Rien que pour ça, on aurait envie d’aimer ce Once Upon a Time in Hollywood.

23 juillet 2019

Fantasia 2019 | ★★★ | Bliss

Fantasia 2019 | ★★★ | Bliss

Réalisé par Joe Begos
Une jeune peintre en manque d’inspiration goûte à une drogue qui la fait progressivement plonger dans une transe vampirique sanglante particulièrement propice au retour de son inspiration…
Avec un tel sujet, le très sexe/drogue/ rock’n’roll Joe Begos pouvait aller un peu partout et nulle part. Probablement contre son gré, il va plutôt nulle part en enfilant les banalités et lieux communs et prend la direction d’une fin très convenue. Cependant, malgré ses limites et une première moitié de film particulièrement poussive, nous devons reconnaître que ce Bliss mérite qu’on oublie son surplace narratif et sa symbolique lourdingue pour retenir ce qui semble particulièrement intéresser son réalisateur : son crescendo impressionnant de propositions formelles aussi brillantes qu’éprouvantes. Sa capacité à nous projeter entre réel et cauchemar et à rendre la violence fascinante est en effet particulièrement bluffante.
De son côté, l’actrice Dora Madison, qui ajoute un soupçon d’humanité en perdition grâce à sa performance d'écorchée vive dépassée par son regain de création (auto) destructrice, est tout aussi fascinante que les meilleurs moments de ce Bliss.
Très imparfait, un peu long malgré ses 1h20, mais à voir pour quelques poignées de minutes qui font oublier ses faiblesses!