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28 juin 2018

★★★★ | Gina

★★★★ | Gina

Réalisé par Denys Arcand (1975)
En 1970, Denys Arcand tourne On est au coton. Ce documentaire important qui traite des conditions de travail déplorables et difficiles des travailleurs de l’industrie textile au Québec est interdit de projection par l’ONF. Cinq ans plus tard, après La maudite galette (son premier film de fiction) et Réjeanne Padovanni, oeuvre colossale mais amèrement reçue à Cannes en 1973, Arcand entreprend une quête vengeresse avec Gina. Dans ce film de fiction où il règle notamment ses comptes avec l’industrie cinématographique de l’époque, spécialement l’ONF, le réalisateur emploie des jeux d’oppositions (ici le cinéma direct se mêle avec le cinéma d’exploitation pur et dur) qui mènent ce drame de mœurs distancié vers une tout autre sphère que le simple cinéma de genre. La maîtrise du montage en parallèle juxtapose les scènes de tournage d’un documentaire sur l’industrie textile à Louiseville aux démêlés d’une danseuse de club avec une bande de motoneigistes. Le tournage du documentaire  incluant un extrait censuré par l’ONF de son toujours inédit On est au coton  cède sa place à une fiction dont le climat très dur vers la fin évoque la température froide et enneigée d’un hiver québécois qui nous plonge dans les mœurs typiques de l’époque (le jeu de confrontation lors de l’importante et longue scène de billard; la danse inoubliable de Céline Lomez avec la musique rock de Michel Pagliaro).
On retrouve toute la verve d’un cinéaste enragé et en pleine possession de ses moyens dans cette variation sur le thème de la violence et de la vengeance personnelle. À l’instar de La maudite galette, c’est dans le cinéma d’exploitation que le film se dirige tout en déviant habilement les codes du genre. Ainsi, la séquence de viol collectif est filmée sans complaisance et avec une économie de moyens autant dans sa description que sa démonstration. Dans son meilleur rôle au cinéma, Céline Lomez, qui  interprète à la fois l'humiliation et le désir de vengeance, fait preuve de nuance et de complexité.
Cette vengeance personnelle qu’exerce Gina (et sa bande de bandits menée par un étonnant Donald Lautrec) sur ses nombreux agresseurs se conclut par une finale jouissive et ultraviolente d’une rare efficacité... avant qu'Arcand ne boucle son film avec cet épilogue cynique en forme de réflexion sur l’industrie et l’avenir du cinéma québécois.

25 juin 2018

★★ | La chute de l’empire américain

★★ | La chute de l’empire américain

Réalisé par Denys Arcand | Dans les salles du Québec le 28 juin 2018 (Séville)

Les valeurs québécoises (judéo-chrétiennes) ont été progressivement remplacées par les valeurs américaines (le triomphe de l’argent, qui était le titre initial de ce projet). Arcand l'a notamment constaté  à l'émission Tout le monde en parle en mai dernier et en fait le sujet de son dernier film. Cependant, s’il le déplore dans ses interventions publiques («L’omnipuissance de l’argent en est un des symptômes. Trouverons-nous des antibiotiques assez puissants pour combattre cette gangrène ?»), le message de son dernier film est plus ambigu. Avec ses personnages qui font des choix immoraux pour s'enrichir, mais qui s'achètent une bonne conscience en utilisant une partie de la somme volée pour aider les nécessiteux, il semble prendre position aux côtés de ceux qui ont opté pour une fusion entre ces deux valeurs (argent facile + rédemption = bonne conscience. Mais est-ce vraiment une fusion? N’est-ce pas un retour aux valeurs américaines d'antan?). Ce parti pris assez surprenant, qui permet à Arcand de remplacer son cynisme par un optimisme inhabituel, est-il sincère ou n’est-il qu’une concession accordée dans le but de plaire et de retrouver le succès? Le changement de titre du film (qui fleure bon l’opportunisme malhabile en faisant référence à un ancien succès), nous donne un élément de réponse.
Mais finalement, qu’importe tout cela. Quelles qu’en soient les raisons, Arcand peut bien faire les constats qu’il veut, même s’il nous semble avoir été déjà plus pertinent pas le passé. Ce qui inquiète surtout, c’est la perte de son cinéma. Certes, La chute de l’empire américain est nettement supérieur à son précédent film Le règne de la beauté, mais ce n’est pas une référence... et les faiblesses restent nombreuses.
En optant pour la comédie assumée, le cinéaste semble vouloir prendre des distances avec un certain réalisme, mais va un peu trop loin dans cette logique. Avouons cependant que certains choix sont pourtant intéressants, notamment en ce qui concerne les seconds rôles, très justes dans la caricature de ce qu’ils représentent: l’homme d’affaires respectable à l’extérieur, sans scrupule à l’intérieur, interprété par Pierre Curzi avec une rigidité bienvenue; l’escroc jadis au service d’un gang de motards, tout droit de prison et incarné par un Rémy Girard plus Rémy Girard que jamais; le duo de policiers très «série américaine», incarné par le couple le plus classe et sexy de l’année cinématographique québécoise: Louis Morissette et Maxim Roy. Malheureusement, en allant un peu plus loin dans la caricature avec les deux rôles principaux (Maripier Morin en pute intello au grand cœur et Alexandre Landry en docteur en philo «trop intelligent» pour s’intégrer à notre triste monde), Arcand trébuche et entraîne tout le film dans sa chute. Il semble vouloir obéir à une logique de comédie romantique (l’amour entre deux personnes que tout oppose), mais ne prend pas le temps de créer le terrain propice à leur rapprochement. Comme s’il avait oublié que la comédie réussie doit prendre le temps de créer un univers qui permet au spectateur d’en accepter les improbabilités, Arcand semble tout se permettre sans effort. Pour enfoncer le clou, le film souffre de la même faiblesse avec son pendant plus «polar»: les choses vont si vite, et de manière si improbable, que la facilité prend le dessus sur la fantaisie: plus le film avance, moins les incohérences multiples passent. Les petites touches personnelles (des références intellectuelles à l’arrière-plan social), ne font qu’aggraver le tout et accentuer le grand écart irréconciliable entre le cinéaste qui semble vouloir rester lui-même et celui qui cherche visiblement à plaire au plus grand nombre avec son mélange de caricature, de facilités scénaristiques et d’optimisme peu convaincant.
Le cinéaste avait touché le fond avec Le règne de la beauté… il remonte un peu, mais il n’est pas encore arrivé à la surface. Tant s’en faut!

15 mai 2014

★ | Le règne de la beauté

★ | Le règne de la beauté

Réalisateur: Denys Arcand | Dans les salles du Québec le 15 mai 2014 (Séville)
Un architecte (Éric Bruneau) croise une femme qui fût sa maîtresse quelques années auparavant. Il se souvient!
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