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22 janvier 2024

★★★★½ | Les filles d'Olfa

★★★★½ | Les filles d'Olfa

Réalisation : Kaouther Ben Amid | Dans les salles du Québec le 19 janvier 2024 (Métropole Films distribution)
Classer Les filles d’Olfa dans la section documentaire serait de réduire le film à sa plus simple expression. Récompensé de l’Œil d’or du meilleur documentaire au dernier Festival de Cannes, ce sixième long métrage de la Tunisienne Kaouther Ben Hania relate le parcours difficile d’une femme qui a acquis une notoriété internationale en 2016 lorsqu’elle a rendu publique la radicalisation de ses deux filles aînées. Le film est interprété par la mère elle-même (Olfa Hamrouni) et par deux de ses filles, mais également par des actrices professionnelles (dont l’actrice célèbre Hend Sabri) qui incarnent ces trois personnages pour les scènes plus difficiles. Avec cette proposition, la réalisatrice nous offre une expérience inoubliable d’une rare puissance émotionnelle. Ce film inclassable et très original se présente à la fois comme un processus de psychanalyse familiale et une réflexion sur le deuil.
Le film cherche à recréer  la dynamique familiale au moment où les deux filles aînées ont quitté le foyer pour aller combattre aux côtés de Daech en Libye. Cette expérience cathartique et profondément humaine permet un voyage intime et bouleversant rempli de souvenirs aussi heureux que douloureux. La réalisatrice utilise intelligemment tout le potentiel formel et narratif à sa disposition afin de livrer une réflexion sur les relations mère/fille dans une société patriarcale et son engrenage infernal qui musèle toute forme de liberté. Avec son mélange d’improvisation, de répétitions, d’images d’archives, de making-of et grâce à la puissance du cadre, on atteint ici le summum de ce que peut être l’essence même du cinéma et son pouvoir de transcender la réalité. Les protagonistes se révèlent tous à la fois émouvantes et attachantes. Leur complicité et leur sororité rehaussent l’intensité émotionnelle à la hauteur de l’intensité dramatique du récit. En raison de la situation actuelle au Moyen-Orient et des nombreux conflits dans le monde, ce film essentiel et déchirant risque d’être ancré dans vos mémoires pendant longtemps.

3 juillet 2020

★★★ | Un fils (Bik Eneich)

★★★ | Un fils (Bik Eneich)

Réalisé par Mehdi Barsaoui | Dans les salles du Québec à partir du 3 juillet 2020 (Axia)
Le cinéaste Mehdi Barsaoui ne manque surtout pas d'ambition dans ce premier long métrage en tentant de faire cohabiter drame familial, tragédie politique et suspense infernal. Il y arrive plus souvent, même si le résultat devient moins harmonieux lorsqu'il tente d'en mettre plein la vue'
La première partie d'Un fils tient étonnamment bien la route. Dès la scène d'ouverture, on découvre une famille tissée serrée alors qu'un père apprend à conduire à son jeune fils en lui « cédant » le volant. Un acte symbolique comme il y en aura de nombreux pas la suite et une introduction en guise de paradis avant que l'enfer s'abatte sur ceux. Il prendra la forme d'un attentat où l'enfant, sérieusement blessé, devra subir une importante opération s'il veut survivre. Cette course contre la montre ébranlera la cellule familiale, surtout lorsque des révélations empêcheront la bonne tenue des opérations...
Tout ce qui arrive possède des connotations politiques et identitaires qui transcendent ce qui arrive. En déroulant l'action dans la Tunisie instable et tumultueuse de 2011, le réalisateur et scénariste se permet de lier les personnages à des enjeux qui les dépassent. Cette progéniture à l'article de la mort devient ainsi le symbole du pays en crise, coincé entre des questions de religion, de libération et d'inégalités sociales, alors que le passé  du père et de la mère  agit comme une imperturbable épée de Damoclès.
N'importe qui aurait pu se satisfaire de cette superbe matière première. Surtout avec des personnages aussi complexes campés par des acteurs à la hauteur (Sami Bouajila s'avère en très grande forme) et quelques séquences d'une intensité peu commune, qui permettent à l'émotion de déferler.
Malheureusement, Barsaoui se sent obligé de jouer la totale en ouvrant la porte au thriller rocambolesque, surtout lorsqu'il quitte l'hôpital pour embrasser des terrains plus escarpés. S'il fait preuve de bon sens dans sa mise en scène sobre et réaliste, dont la caméra à l'épaule enlace la quête des personnages sans leur donner trop d'espace pour respirer, son scénario troque la subtilité pour l'efficacité, sacrifiant pratiquement l'essence même de ses interrogations au profit de rebondissements tirés par les cheveux et de scènes d'action un peu plaquées.
Un fils n'en demeure pas moins un premier film plus que satisfaisant et redoutable à bien des égards, qui ratisse sans doute trop large pour son propre bien mais qui affiche déjà de solides qualités cinématographiques. Comme « nouveauté » à prendre l'affiche pour la réouverture des cinémas québécois, il s'agit certainement d'une des plus intéressantes.

17 septembre 2017