Réalisateur: Johnnie To
À plus de 60 ans, le relativement prolifique Johnnie To nous revient avec un film d'action qui ne figure pas parmi ses œuvres maîtresses, mais qui n'en est pas moins passionnant. Celui qui nous avait subjugués avec son action immobile (The Mission) nous offre ici de l'action qui se fait attendre longuement, puisque la seule scène du genre arrive après 1h10 d'un film qui dure moins d'une heure et demie.
Ce qui est fascinant dans Three est justement la manière dont To nous fait patienter: un truand avec une balle dans la tête refuse l'opération en attendant l'arrivée de ses complices qui souhaitent le libérer, alors que la police est sur les dents et que la neurochirurgienne doit faire face à des opérations qui se déroulent moins bien que souhaitées. La force de To est de parvenir à faire attendre le spectateur en jouant de sa maîtrise de l'espace et d'une mise en scène plus qu'habile, tout en offrant au public des éléments typiques du cinéma commercial (des personnages secondaires trop typés), dont certains sont poussés à leur paroxysme (l'attente qui précède l'action est si longue qu'elle devient presque le sujet du film!). Dans un excès de cohérence extrêmement risqué mais finalement réussi, il traite l'action comme l'attente: en en faisant trop.
LA scène devient presque un exercice graphique confinant à l'abstraction en raison d'effets visuels trop synthétiques (les éclaboussures de sang, la suspension dans le vide, etc). Bizarrement, le résultat convainc. Celui qui ne cherchait dès le début pas le réalisme assume totalement son choix: il n'essaie pas de faire croire qu'il crée du vrai à partir du faux... mais il se complaît dans le faux, ce qui lui permet de jouer avec la configuration des lieux, l'étirement du temps (certains ralentis sont magnifiques) et les formes.
Le résultat est un objet fascinant... un pur exercice de style qui ne cherche pas à se faire passer pour autre chose. C'est probablement ce qui le sauve!