28 juin 2018

Juin 2018 selon Martin Gignac

First Reformed (Paul Schrader)
Chaque mois, Cinefilic va revenir sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer progressivement dans l'ombre, des salles de cinéma et de notre mémoire.

À la fin de juin, les RIDM+ présentaient The Dead Nation de Radu June (le western inclassable Aferim!, c'était de lui), un documentaire bouleversant sur la façon dont la Roumanie a traité la communauté juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Uniquement composée de photographies oubliées et de la lecture d'un vieux journal intime, l'oeuvre marque au fer rouge, se déposant là où elle ne pourra jamais être oublié.

La première fois qu'on voit First Reformed, on est estomaqué par le retour en forme de Paul Schrader, ses emprunts à la Sainte Trinité  Bresson, Dreyer, Bergman  et les prestations de Ethan Hawke et Amanda Seyfried, les meilleures de leur carrière. La seconde fois, l'opus se dresse différemment, dans sa rigidité pure, sa rage intime, tel un Taxi Driver des temps modernes, d'où s'échappent au moins deux scènes qui feront à elles seules 2018.

Impossible de résister à Juliette Binoche, plus empreinte de magnificence que jamais dans Un beau soleil intérieur. Claire Denis ose la comédie avec mélancolie, enveloppant son héroïne dans un cocon de chaleur, feintant le cinéma populaire à coup de vedettes pour offrir une réflexion profonde sur l'amour. Puis il y a ce visage, ce corps tout entier, qui ravit allègrement.

Sans être sans faute, American Animals de Bart Layton propose une nouvelle façon de raconter une histoire, amenant les bases mêmes du documentaire dans un récit fictif. Le tout en demeurant pleinement cinématographique.

D'où vient cette rage envers le Rodin de Doillon? Pour une fois qu'on n'a pas affaire au biopic usuel... L'idée de création, enracinée dans la mise en scène même, offre un long métrage un peu âpre, certes, mais qui s'élève constamment vers le divin.

De l'autre côté, il y a l'encensement presque généralisé envers Hereditary, premier long métrage du très doué Ari Aster, qui se tourne vers les classiques horrifiques pour rappeler à quel point le mal peut gruger l'être humain de l'intérieur. Un récit efficace, démoniaque à ses heures, mais pas de quoi crier au génie non plus.

On ne l'attendant plus celui-là. Vu au FNC l'année dernière et perdant même les plus fervents admirateurs de Desplechin, Les fantômes d'Ismaël est un film somme, d'une richesse inouïe, qui brouille les pistes avec un malin plaisir. Joyce en aurait été fan, c'est certain.

L'émotion coule à flots dans Hearts Beat Loud, le solide effort classique de Brett Haley, qui rend hommage à la musique et aux rêves d'hier par l'entremise d'une touchante relation père fille entre Nick Offerman, le nounours bourru et Kiersey Clemons, qui véhicule toutes les émotions d'un seul regard. Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas senti aussi bien devant une vue.

Hormis The Day He Arrives, aucun film de Hong Sang-soo n'a bénéficié d'une présentation régulière en sol québécois. Une véritable honte pour un des plus grands cinéastes contemporains. Sorti directement en DVD et en Blu-ray dans une élégante édition américaine, On the Beach at Night Alone se révèle une de ses plus belles réussites, plus sombre qu'à l'accoutumée. Sa musique habituelle est sublimée par la présence de son amoureuse Kim Min-hee (Mademoiselle). Vivement une rétrospective à la Cinémathèque québécoise!
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