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3 novembre 2018

Octobre 2018 selon Martin Gignac

Octobre 2018 selon Martin Gignac

An Elephant Sitting Still (Hu Bo)
Chaque mois, Cinéfilic revient sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer dans l'ombre des salles de cinéma et de notre mémoire.

Sur le strict plan cinématographique, octobre fut le plus beau mois de 2018. Et il faut d'ailleurs remonter à très, très loin pour trouver un Festival du nouveau cinéma plus intéressant que celui de cette année. Tant d'œuvres marquantes, dont la plupart risquent de ne jamais sortir au Québec. Parmi les plus importantes se trouvent An Elephant Sitting Still, un gigantesque film choral de quatre heures du regretté Hu Bo (c'est son premier et unique long métrage), le majestueux Season of the Devil qui permet à Lav Diaz de mélanger tragédie et drame musical, et le fascinant Burning de Lee Chang-dong qui joue sur tellement de registres qu'il mérite plusieurs visionnements afin de mieux saisir son impact.

Octobre fut également l'occasion d'enfin revoir l'immense Félicité d'Alain Gomis, une des fresques les plus mémorables du FNC de 2017. Pensons à un opus des frères Dardenne à la sauce africaine, comportant la plus belle des héroïnes dans une quête transcendante parsemée de véritables moments de grâce. Frissons garantis. (Lire également la critique de Miryam Charles.)

Plus cérébral est le First Man de Damien Chazelle qui s'offre un anti-biopic sur Neil Armstrong où il confronte perpétuellement la vie au souffle de la mort et de la mélancolie, l'infiniment grand à l'intimité la plus intrinsèque. Un objet de haut calibre, dont le soin sonore dépasse l'entendement. (Lire également la critique de Miryam Charles, d'un avis très différent.)

L'aventure humaine se poursuit également du côté de The Sisters Brothers, un faux western de Jacques Audiard qui, contre toute attente (tournage anglophone, stars américaines, il n'est pas l'instigateur du scénario), livre un de ses récits les plus personnels. Dans ce film, il y a des plans qui marquent. (Lire également la critique de JM Lanlo)

Impossible de ne pas dire quelques mots sur Au poste! (lire la critique de JM Lanlo), nouveau récit hilarant et absurde de Quentin Dupieux qui signe probablement son meilleur effort cinématographique en carrière, ou sur Mid90s qui donne naissance à un improbable cinéaste en la personne de Jonah Hill. Comme petit frère de Skate Kitchen, il ne se fait rien de mieux.

Mais bon, novembre dévoile déjà ses charmes, par l'entremise du Festival Cinemania, et du percutant Les salopes ou le sucre naturel de la peau de Renée Beaulieu, que nous aborderons plus en détails dans le prochain numéro...

5 octobre 2018

Septembre 2018 selon Martin Gignac

Septembre 2018 selon Martin Gignac

Assassination Nation (Sam Levinson)
Chaque mois, Cinéfilic revient sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer dans l'ombre des salles de cinéma et de notre mémoire.

Après l'apothéose d'août, septembre fut un mois beaucoup plus tranquille (accusons le TIFF pour ça). Cela n'a pas empêché quelques œuvres d'hypnotiser et de traumatiser allègrement. Ce fut le cas de Mandy de Panos Cosmatos, qui conclut d'une magnifique façon son diptyque sur la foi et le contrôle entamé avec Beyond the Black Rainbow. On y retrouve cette même fascination pour les univers tordus, qui se définissent au sein d'une mise en scène étonnante, parsemée de lumière et de fureur. En plus, cela a permis à Nicolas Cage de faire revivre sa carrière. Un délire à vivre sur grand écran.

C'est le cas également de Assassination Nation, sans doute la fresque la plus bluffante et pertinente sur l'Amérique de l'ère Trump. Malgré sa provocation facile et sa grande violence, on est soufflé par tant de virtuosité technique, surtout dans cette première partie qui emporte tout sur son passage. Le cinéaste Sam Levinson s'est enfin fait un prénom, plaçant son film dans la lignée des Spring Breakers, Carrie et The Purge et offrant une nouvelle façon de concevoir la narration au cinéma.

Beaucoup plus subtil est le premier long métrage de Jeremiah Zagar, We the Animals, qui transcende un sujet classique  le récit d'initiation  à grand coup de lyrisme, d'animation et de musique vibrante. Même si on reconnaît les influences (Terrence Malick, Lynne Ramsay, Beasts of the Southern Wild), il est impossible de ne pas se laisser prendre au jeu tant tout sonne juste, à commencer par les performances des trois jeunes comédiens non professionnels.

On pourra résumer le reste du mois à des beaux documentaires sensibles et émouvants comme Primas de Laura Bari qui permet la guérison du corps et de l'âme par le biais de l'art, ou encore Pauline Julien, Intime et politique de Pascale Ferland qui offre la chance de découvrir différemment une des figures québécoises les plus inspirantes des dernières décennies. Impossible de clore le tout sans aborder Fahrenheit 11/9, le retour en forme de Michael Moore après plusieurs années de galère, qui est encore capable de susciter la réflexion et soutirer des larmes.

Mais on se plonge déjà dans le Festival du nouveau cinéma, qui offre sa programmation la plus alléchante depuis une décennie. Et avec l'ouverture du Cinéma Moderne et du Cinéma du Musée, les cinéphiles gardent espoir de découvrir du septième art qui sort des sentiers battus.

3 septembre 2018

Août 2018 selon Martin Gignac

Août 2018 selon Martin Gignac

Happy Hour (Ryûsuke Hamaguchi)
Chaque mois, Cinéfilic revient sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer dans l'ombre des salles de cinéma et de notre mémoire.

Août a débuté et s'est conclu avec deux immenses opus cinématographiques. D'abord avec Happy Hour, la fresque de plus de cinq heures (!) de Ryûsuke Hamaguchi sur le quotidien parfois difficile de quatre amies. Une œuvre majeure et essentielle sur la condition humaine qui trônerait dans n'importe quel palmarès. Mais oserions-nous la mettre dans le nôtre pour un long métrage de 2015 qui vient seulement de prendre l'affiche en territoire francophone? Certainement! En espérant qu'on puisse découvrir la nouvelle création du réalisateur (Asako I & II) au prochain FNC...

Puis le mois s'est terminé en apothéose avec une version restaurée du classique Andrei Rublev d'Andreï Tarkovski. Tout a déjà été dit et écrit sur ce chef-d'œuvre, probablement le plus grand biopic et le meilleur second film de l'histoire du cinéma. Mais le redécouvrir sur grand écran est une joie incommensurable. Le cinéphile est à nouveau porté par la charge divine qui n'a toujours aucun équivalent, mais il peut palper encore davantage le génie plastique de son auteur et son talent de musicien. En effet, tout est musical dans ce sommet, alors que les éléments et le silence bercent l'ouïe comme jamais. On met quiconque au défi de trouver un son d'eau et de pluie aussi juste et profond (hors de son Solaris, évidemment).

Entre ces deux nirvanas, plusieurs titres de grande qualité se sont côtoyés, dont le plus foudroyant est certainement En guerre de Stéphane Brizé. Une déflagration sociale qui fait mal, alliant parfaitement son message nécessaire à sa forme souvent renversante.

Pour le reste, gardons seulement à l'esprit ces fulgurants instants de grâce...

- La fillette perdue du déchirant Eighth Grade.
- Le sentiment de liberté totale qui émane de Skate Kitchen.
- La finale bouleversante de BlacKkKlansman.
- Cette sensation d'être dans le feu de l'action en découvrant le documentaire This is Congo.
- La photographie à couper le souffle de Ciello.
- La danse de l'année, gracieuseté de Gaspard va au mariage.
- Les frissons hallucinants de The Crescent.
- Le bonheur de se plonger 1945, un surprenant drame hongrois que pratiquement personne n'a vu... car personne n'en a parlé lors de sa sortie en salle au Québec.

1 août 2018

Juillet 2018 selon Martin Gignac

Juillet 2018 selon Martin Gignac

Mission: Impossible - Fallout (Christopher McQuarrie)
Chaque mois, Cinefilic revient sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant des les laisser s'engouffrer dans l'ombre des salles de cinéma et de notre mémoire.

Juillet rime avec Fantasia, ce festival doté de centaines de longs-métrages à découvrir pour le meilleur comme pour le pire. Cette année on retiendra le jouissif Tokyo Vampire Hotel de Sion Sono et ses visions de l'apocalypse, la bouleversante animation Maquia: When the Promised Flower Blooms de Mari Okada sur l'amour maternel, le fort en bouche Microhabitat de Jeon Go-woon qui ressemble à tout sauf à une production de Fantasia dans sa façon de traiter de la marginalité et l'itinérance.
Surtout, il y a eu le colossal Hanagatami de Nobuhiko Obayashi (House), une œuvre testamentaire qui ne ressemble à rien d'autre et dans laquelle il faut absolument s'abandonner pour atteindre le nirvana. Plusieurs personnes sont sorties de la projection. Les autres étaient en extase devant cet incroyable pensum sentimental et mélancolique qui bouleverse la moindre règle cinématographique.

Ce fut également ce moment de l'année où quelques-unes des meilleures créations de Sundance sont arrivées sur le territoire québécois. Stupéfaction totale devant Sorry to Bother You (de Boots Riley), un récit inclassable et contestataire sur l'ordre établi: une sorte de Get Out encore plus cinglé et total.
D'une rare intimité est cette magnifique histoire père/fille racontée dans Leave No Trace, où le social se heurte à la sphère familiale. La trop rare Debra Granik (Winter's Bone) est décidément la cinéaste américaine la plus intéressante du moment!
Davantage surprenant fut Three Identical Strangers (de Tim Wardle), un documentaire plus étonnant qu'une fiction dans lequel le spectateur se sent aussi manipulé que ses sujets.

Suivant un chemin un peu plus balisé  celui des frères Dardenne et de Jia Zhangke  Vivian Qu accouche  néanmoins avec Les anges portent du blanc  d'une métaphore puissante sur la corruption et la difficulté des femmes à faire entendre leurs voix. On y voit cette image, inoubliable, d'une immense statue de Marilyn Monroe qui dévoile des dessous moins enchanteurs que prévu. À regarder en doublé avec le très coloré Ciao Ciao de Song Chuan pour prendre le pouls du rare cinéma chinois qui arrive jusque chez nous.

Impossible de passer sous silence le brio de Mission: Impossible - Fallout. Dans un été hollywoodien complètement abject, il s'agit sans aucun doute de l'unique superproduction américaine à voir sur grand écran. Le réalisateur Christopher McQuarrie se prend momentanément pour Christopher Nolan avec ses scènes d'action hallucinantes et Tom Cruise éclipse les quelques défauts en place grâce à son charisme légendaire. Voilà un film qui fait un bien fou pendant la chaude saison estivale!

28 juin 2018

Juin 2018 selon Martin Gignac

Juin 2018 selon Martin Gignac

First Reformed (Paul Schrader)
Chaque mois, Cinefilic va revenir sur les films qui ont fait... le mois, justement. Une façon de conserver à jamais ces moments marquants, de ramener vers la lumière des images avant de les laisser s'engouffrer progressivement dans l'ombre, des salles de cinéma et de notre mémoire.

À la fin de juin, les RIDM+ présentaient The Dead Nation de Radu June (le western inclassable Aferim!, c'était de lui), un documentaire bouleversant sur la façon dont la Roumanie a traité la communauté juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Uniquement composée de photographies oubliées et de la lecture d'un vieux journal intime, l'oeuvre marque au fer rouge, se déposant là où elle ne pourra jamais être oublié.

La première fois qu'on voit First Reformed, on est estomaqué par le retour en forme de Paul Schrader, ses emprunts à la Sainte Trinité  Bresson, Dreyer, Bergman  et les prestations de Ethan Hawke et Amanda Seyfried, les meilleures de leur carrière. La seconde fois, l'opus se dresse différemment, dans sa rigidité pure, sa rage intime, tel un Taxi Driver des temps modernes, d'où s'échappent au moins deux scènes qui feront à elles seules 2018.

Impossible de résister à Juliette Binoche, plus empreinte de magnificence que jamais dans Un beau soleil intérieur. Claire Denis ose la comédie avec mélancolie, enveloppant son héroïne dans un cocon de chaleur, feintant le cinéma populaire à coup de vedettes pour offrir une réflexion profonde sur l'amour. Puis il y a ce visage, ce corps tout entier, qui ravit allègrement.

Sans être sans faute, American Animals de Bart Layton propose une nouvelle façon de raconter une histoire, amenant les bases mêmes du documentaire dans un récit fictif. Le tout en demeurant pleinement cinématographique.

D'où vient cette rage envers le Rodin de Doillon? Pour une fois qu'on n'a pas affaire au biopic usuel... L'idée de création, enracinée dans la mise en scène même, offre un long métrage un peu âpre, certes, mais qui s'élève constamment vers le divin.

De l'autre côté, il y a l'encensement presque généralisé envers Hereditary, premier long métrage du très doué Ari Aster, qui se tourne vers les classiques horrifiques pour rappeler à quel point le mal peut gruger l'être humain de l'intérieur. Un récit efficace, démoniaque à ses heures, mais pas de quoi crier au génie non plus.

On ne l'attendant plus celui-là. Vu au FNC l'année dernière et perdant même les plus fervents admirateurs de Desplechin, Les fantômes d'Ismaël est un film somme, d'une richesse inouïe, qui brouille les pistes avec un malin plaisir. Joyce en aurait été fan, c'est certain.

L'émotion coule à flots dans Hearts Beat Loud, le solide effort classique de Brett Haley, qui rend hommage à la musique et aux rêves d'hier par l'entremise d'une touchante relation père fille entre Nick Offerman, le nounours bourru et Kiersey Clemons, qui véhicule toutes les émotions d'un seul regard. Cela fait longtemps qu'on ne s'est pas senti aussi bien devant une vue.

Hormis The Day He Arrives, aucun film de Hong Sang-soo n'a bénéficié d'une présentation régulière en sol québécois. Une véritable honte pour un des plus grands cinéastes contemporains. Sorti directement en DVD et en Blu-ray dans une élégante édition américaine, On the Beach at Night Alone se révèle une de ses plus belles réussites, plus sombre qu'à l'accoutumée. Sa musique habituelle est sublimée par la présence de son amoureuse Kim Min-hee (Mademoiselle). Vivement une rétrospective à la Cinémathèque québécoise!