Réalisé par László Nemes | Dans les salles du Québec le 12 avril 2019 (Métropole) |
L'arrière-plan est plus distinct que celui du Fils de Saul, ce qui permet de comprendre l'environnement, l'époque (le début du XXe), l'opulence… mais aussi de ressentir progressivement ce petit côté «fin de siècle» qui va se traduire par la boucherie de la Première Guerre mondiale. Si celle-ci n'est évoquée qu'en toute fin de film, László Nemes nous y prépare en filmant la montée du mal et de la violence à sa manière: celle d'un cauchemar éveillé. Certes, la mise en scène devient oppressante à force de ne jamais donner de répit à son personnage principal, mais ce n'est pas tout: la progression narrative volontairement incertaine, presque labyrinthique, nous perd autant qu'elle nous fait avancer. La bande sonore, magnifique, contribue également à ce sentiment d'inquiétante étrangeté qui habite le film (mixage son impressionnant, avec une amplification parfaitement dosée et troublante de certains éléments, usage intelligent des musiques tour à tour intra et extra-diégétiques (les deux se chevauchant parfois, comme dans cette séquence remarquable d'un concert en plein air qui se transforme en tuerie), etc.).
Un film d'époque au scénario faussement confus, à la mise en scène qui n'est jamais loin du procédé, au mixage sonore irréel… Avec Sunset, László Nemes n'a pas peur de prendre des risques. Heureusement, sa maîtrise presque insolente lui permet de créer un cauchemar cinématographique qui accompagne parfaitement le cortège funéraire d'un XIXe siècle bientôt enseveli dans les tranchées putrides de la Grande Guerre!