En 1944 à Auschwitz-Birkenau, Saul est chargé comme tous les autres membres du Sonderkommando d’effectuer certaines tâches d’extermination au service des nazis. Lorsqu’il croit voir son fils parmi les victimes des chambres à gaz, il se met en tête de le sauver de la crémation pour lui offrir une sépulture.
Réalisateur: László Nemes | Dans les salles du Québec le 15 janvier 2016 (Métropole Films)
Après avoir reçu le Grand Prix à Cannes en 2015, Le fils de Saul vient de permettre au néophyte László Nemes de remporter un Golden Globe à quelques jours de sa sortie québécoise. Espérons que cette récompense très populaire permette au film de trouver son public au Québec, malgré un sujet difficile et un parti pris visuel risqué. Le réalisateur choisit en effet de se focaliser intégralement sur son personnage principal, faisant de lui le sujet unique de l’image, à l’exception des rares moments où il regarde un événement extérieur. Ce qui aurait pu n’être qu’un procédé de mise en scène proche de l’exercice de style est en réalité un choix pertinent qui permet au réalisateur de ne faire qu’un avec le héros. Il montre bien qu’à l’exception de rares moments, Saul se focalise entièrement sur lui-même, essayant au maximum de faire abstraction de ce qui l’entoure et des tâches qui lui sont confiées (conduire les prisonnier à la chambre à gaz, se débarrasser des corps et récupérer bijoux et dents en or). Non seulement cela apporte une traduction visuelle au choix fait par Saul pour faire face à l’horreur, mais cela permet également à Nemes de montrer juste assez pour faire comprendre l’enfer sans sombrer dans le voyeurisme morbide.
En plus de ce choix de mise en scène, le réalisateur opte pour une narration tout aussi risquée. Il décide en effet de faire naître un suspens (Saul parviendra-t-il à offrir une sépulture à celui qu’il imagine être son fils?) dans un univers où la répétition des actions et l’issue fatale ne devraient laisser planer aucun doute sur l’issue du drame. En agissant ainsi, il trouve une bonne excuse pour nous montrer les rouages de cette véritable usine de destruction humaine (le héros parcourt différentes unités pour mener à bien sa mission), tout en nous montrant que face à une telle horreur, le repli excessif sur soi (seul moyen a priori pour échapper à la folie) n’est en fait qu’un autre moyen pour y arriver: à force de se focaliser sur lui et de faire abstraction de ce qu'il l'entoure, il finit par s’inventer une fausse lueur d’espoir (enterrer un fils qu’il n’a pas).
Si les actions de Saul, destinées à lui faire oublier l’inévitable (tous les membres du camp sont destinés à la mort), peuvent le faire passer pour un lâche si on le compare à ceux qui choisissent la lutte (un groupe de prisonniers cherche au contraire à s’échapper), la force de Nemes est de nous montrer qu’arrivé à un certain degré de barbarie, plus rien ne semble avoir de sens. Se réfugier dans la lutte ou dans le repli sur soi est tout aussi illusoire. Face à une entreprise d’extermination aussi parfaitement mise en place, l’humain n’est déjà plus rien… Nemes regarde ses personnages choisir leurs illusions sans les juger. Quoi qu’ils choisissent, ils sont déjà condamnés!
À n'en pas douter, avec ce premier long métrage aussi intelligemment conçu que parfaitement maîtrisé, Nemes s'affirme d'emblée comme un cinéaste majeur.
L'avis de la rédaction :
Jean-Marie Lanlo: ****
Sami Gnaba: ***½
Martin Gignac:****½