11 mars 2022

★★★½ | After Yang

Réalisation : Kogonada | Dans les salles du Québec le 11 mars 2022 (Entract Films)

After Yang nous entraîne rapidement dans un univers de science-fiction inhabituel. La technologie y est en effet à la fois omniprésente et très discrète, ce qui permet au film de représenter un futur si proche qu'il pourrait être demain matin. Cependant, dans ce futur, les androïdes de compagnie sont nombreux (rassurons les allergiques au cinéma de genre, ils n'ont rien à voir avec ceux d'un Big Bug de Jean-Pierre Jeunet !) et le rôle qui leur est accordé est ambigu. Ils ne sont pas considérés comme des domestiques capables de travailler sans relâche, ni même comme de simples compagnons, mais presque comme des membres de la famille. Malheureusement, dans After Yang, l'androïde (Yang, donc) connaît une défaillance technique qui plonge la famille dans le deuil (After, redonc).
Pour aborder son sujet, Kogonada opte pour la lenteur. Le rythme est lent, les gestes des personnages également, leur débit verbal aussi. Cela pourrait nous entraîner dans un univers digne d'Ozu (rappelons que le pseudonyme choisit par le cinéaste ressemble étrangement à Kōgo Noda, nom du scénariste attitré du maître japonais). Cependant, lenteur ne veut pas toujours dire retenue, et Kogonada fait des choix visuels à l'opposé de l’univers d’Ozu. Ici, les images ne s’effacent pas devant les personnages, mais semblent lutter contre eux dans un déluge d'effets esthétisants qui ne sont jamais très loin de nuire au film. Et pourtant… progressivement, l'alchimie finit par prendre lorsque nous ne nous y attendions plus, au moment même où le film nous permet de plonger dans les souvenirs virtuels de l'androïde disparu. Le film se transforme alors en réflexion poétique sur le deuil, la perte, la famille, l'héritage… et les souvenirs, qui se situent d’ailleurs, pour nous aussi, pauvres humains du XXIe siècle, peut-être plus dans les disques durs ou les clouds que dans les matières grises.
Alors oui, malgré une mise en route qui laisse perplexe, le film finit par convaincre… et même par nous toucher ! Sera-ce suffisant pour hanter nos souvenirs ? L'avenir, qui se trompe rarement, nous le dira.
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