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12 décembre 2018

★★★ | Under the Silver Lake (Sous le Silver Lake)

★★★ | Under the Silver Lake (Sous le Silver Lake)

Réalisé par David Robert Mitchell | Dans les salles du Québec le 14 décembre 2018 (Métropole)
Critique rédigée dans le cadre du festival Fantasia 2018

Avec son dernier film, David Robert Mitchell nous rappelle d’emblée qu’il est extrêmement talentueux. Sans la moindre gêne, il multiplie hommages et références, aussi bien à Hitchcock qu’à la comédie adolescente, à la comédie romantique d’antan qu’à David Lynch, tout en redonnant naissance à Marilyn Monroe et en frôlant l’overdose de clins d’œil sous toutes leurs formes (dans l’utilisation d’une musique, la manière de filmer un plan, mais également en multipliant les affiches et extraits de film). Loin de tourner à la bouillie référentielle, sa première partie est un pur bonheur cinéphile qui nous prouve à chaque instant à quel point Mitchell peut tout faire et maîtrise aussi bien sa force comique que son goût pour un cinéma formellement exigeant. 
Pourtant, progressivement, les choses se gâtent. L’humour déraille, le développement narratif aux allures de remplissage bâclé prend le dessus sur la maîtrise formelle, la fantaisie est plus poussive que nonsensique, le rythme s'essouffle, et le talent de David Robert Mitchell semble fondre comme un bonhomme de neige à Los Angeles. Semble… car le cinéaste prend la peine de nous rappeler qu’il reste en contrôle de tout, y compris des maladresses, trop flagrantes pour ne pas être souhaitées: au milieu d’un film qui semble perdre pied, il nous rassure régulièrement avec un plan, une idée, une scène ou un détail. Ce n’est certes pas suffisant pour impressionner, mais ça l’est assez pour maintenir notre attention, notre intérêt, et nous permettre de l’accompagner dans son voyage au cœur d’un vide au gout d'oxymoron: le vide par le trop-plein. C’est d’ailleurs ce voyage qui rend le film à la fois passionnant et complémentaire de ses œuvres précédentes, situées à Detroit. Après avoir filmé (dans It Follows et dans The Myth of the American Sleepover) des lieux qui se vident, des piscines désertes, des stationnements abandonnés et une jeunesse qui s’occupe comme elle peut, il s’intéresse ici à l’inverse: Los Angeles. La ville bâtie sur les rêves, où rien ne peut être quelconque, où tout est possible, où chacun a la certitude d’exister, mais également où tout doit avoir un sens… de la plus insignifiante performance au plus insignifiant détail. C’est ce qui va être à l’origine de la quête de Sam (Andrew Garfield, pour une fois excellent): trouver du sens à ce qui n’en a pas forcément… et donc se perdre dans la vacuité (pour lui insoupçonnée) de tout ce qui l’entoure! Comme David Robert Mitchell est respectueux de son personnage, il se perd lui aussi un peu dans son propre film. La démarche pourrait être louable, mais le fait de perdre son spectateur en route l'est un peu moins.
Contrairement à Sofia Coppola, qui nous a démontré qu’il est parfaitement possible de faire des films sur un sujet similaire (la vacuité (par le néant dans Somewhere et par l’insignifiance dans The Bling Ring)), Mitchell passe à côté. Heureusement, non seulement son talent omniprésent limite la casse, mais sa démarche artistiquement presque suicidaire fascine.
Et si Under the silver Lake était le meilleur film raté depuis des lustres?

13 septembre 2018

★★★ | Mandy

★★★ | Mandy

Dans les salles du Québec le septembre  2018
Critique rédigée dans le cadre du festival Fantasia 2018

Dès les premières scènes, Mandy de Panos Cosmatos, plonge le spectateur dans un univers visuel unique et envoûtant. En 1983, Mandy (une interprétation brillante d’Andrea Riseborough) et Red (Nicolas Cage) habitent une maison isolée en pleine forêt. Heureux, ils vivent un amour fusionnel sans se douter que les forces du mal rodent non loin d’eux. Ces moments de leur quotidien sont sans doute les plus intéressants du film. La vie commune du couple nous permet d’entrevoir la profondeur du personnage Mandy. Ses illustrations représentant un monde de science-fiction sont transposées à l’écran de manière inspirée. D’ailleurs, l’aspect visuel du film est l’une de ses plus belles qualités. La photographie ainsi que les effets spéciaux nous rappellent un cinéma d’une époque. De plus, la fascinante trame sonore du compositeur Jóhann Jóhannsson renforce habilement l’atmosphère troublante qui se dévoile lentement. Mais la transition entre la vie paisible et l’histoire de violence qui suivra ne se fera pas sans heurts. Le traitement autour du culte religieux nous laisse sur notre faim. L’introduction trop longue de ses membres ainsi que de leur maître n’apporte rien de plus au scénario si ce n’est que de justifier certaines motivations douteuses. La seconde moitié du film se déroule comme une suite logique d’événements. Red, le cœur brisé et sous le choc, se fait un point d’honneur de venger la mort de sa douce. Il part donc à la chasse contre les hommes (et les femmes) qu’il sait coupables. Aidé d’une formule spéciale de LSD, notre héros sans peur et sans reproches infligera de terribles souffrances à ses opposants. Dans une logique d’œil pour œil, le sang coulera à flots. Tel un tigre sortit de sa cage, Red pourra finalement exprimer sa rage. Les amateurs des films de John Carpenter ou de Walter Hill trouveront leur bonheur. D’ailleurs, de nombreuses références au cinéma des années 70 procurent un charme certain à Mandy.
Cependant, on aurait aimé une certaine prise de risque chez le réalisateur (qui est également coscénariste). Pourquoi ne pas transcender l’hommage et offrir une alternative aux films du genre. Andrea Riseborough est resplendissante dans son interprétation du rôle de Mandy. En quelques scènes, elle parvient à nous démontrer la force intérieure de son personnage. Toutefois, cette force n’est pas traduite en action et Mandy devient rapidement la victime à sauver. Torturée, maltraitée, elle n’est plus maîtresse de sa destinée et sera reléguée au rôle de moteur de vengeance pour le personnage masculin. On se demande comment aurait été le film si le réalisateur avait pris un risque et choisi d’inverser les rôles, avec Mandy en héroïne et non en victime. 
Soyez sans crainte, le film fonctionne tout de même très bien. L’histoire est prenante (surtout le premier tiers), les scènes d’action sont bien chorégraphiées, la trame sonore transporte le spectateur dans un état de transe et visuellement l’ensemble est inspirant. Panos Cosmatos réussi bien son hommage au cinéma, à la musique et à la littérature qui l’ont marqué. Il aurait juste été intéressant de voir Mandy se lancer à la poursuite des responsables de la mort de son amoureux. Ce sera pour une prochaine fois!
★★½ | Madeline's Madeline

★★½ | Madeline's Madeline

Réalisé par Josephine Decker | Dans les salles du Québec le 14 septembre 2018 (Cinéma du Parc)
Critique rédigée dans le cadre du festival Fantasia 2018

L'adolescente Madeline (Helena Howard, révélation que l'on espère revoir très bientôt) s'éveille petit à petit au désir, doit faire face à une mère un peu trop protectrice et passe par la case théâtre, activité qui semble aussi importante sur le plan créatif que pour l'aider à améliorer sa vie (accepter celle de demain et régler ses comptes avec celle d'hier et des problèmes de santé mentale). Avec un tel point de départ, et de tels sujets abordés (passage à l'âge adulte, rôle quasi thérapeutique de la création, environnement familial pesant, etc.), Josephine Decker aurait facilement pu tomber dans le piège de la sur-explication narrative et du recours excessif à la psychologie. Sa grande force est d'avoir tourné le dos à ces passages obligés du cinéma mainstream. Elle préfère nous présenter son héroïnes et les enjeux de son récit par petites touches qui viennent progressivement former en ensemble cohérent, composé de personnages dont on sait assez peu de choses, mais qui finissent par être toutefois suffisamment définis.
Malheureusement, elle va un peu trop loin dans sa démarche, en optant pour un angle qui aurait pourtant pu ne pas nous déplaire: utiliser le plus possible les armes du cinéma, en jouant sur le son, le cadrage, la mise au point, dans le but (trop) évident de traduire les sentiments de son héroïne, son rapport au réal, son imprévisibilité, sa fragilité… Malheureusement, tous les effets dont (ab)use Decker ne parviennent jamais à nous faire ressentir une émotion. Ils ne sont rien d'autre que des artifices au service d'intentions trop visibles. Ainsi, jamais le spectateur doit se contenter de subir des effets de cinéma destinés à traduire cette émotion. Par conséquent, l'envie de cinéma de Decker étouffe constamment son héroïne et, avec elle, son propos.
Pourtant, dans une scène magnifique qui permet à Madeline de régler ses comptes avec sa mère sous couvert d'une performance scénique, le cinéma de Decker se fait plus subtil, ses effets moins ostensibles: le résultat est d'une grande force. Certes, ce moment où Decker se libère de l'usage de ses effets trop maladroits correspond à celui où l'héroïne se libère de la chape maternelle. Si on comprend la volonté conceptuelle, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si elle était vraiment indispensable. Decker n'aurait-elle pas pu nous faire ressentir des émotions, au lieu de nous montrer par quel moyen elle souhaitait y parvenir?

3 août 2018

 Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 3/3

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 3/3

Bodied (Joseph Kahn)
À en juger par la qualité des nombreux films visionnés au cours des trois dernières semaines, la 22e édition du festival international de films Fantasia ne passera pas à l’histoire. Est-ce le reflet de la pauvreté du cinéma de genre actuel? Probablement, mais cela vient peut-être aussi de la difficulté pour les organisateurs de trouver de bons films à temps pour le festival. Cependant, malgré une programmation décevante en général, certaines œuvres ont retenu mon attention lors de la dernière semaine.

Après son passage au TIFF en septembre l’an dernier, il reste impensable qu’un an plus tard ou presque, le sulfureux et délicieux Bodied de Joseph Khan (Torque, Detention) n’ait toujours pas trouvé preneur auprès des distributeurs. Véritable hymne à la liberté d’expression, cette virulente critique de la société américaine sur l’art de performance qu’est le battle rap trouve sa cible en s’attaquant ouvertement à la rectitude politique de plus en plus présente sur les médias sociaux et sur toutes les sphères en général. Le scénario frappe dans le mille et la mise en scène dynamique suscite l’intérêt d’un bout à l’autre.

Modeste mais bien construit, le film d’épouvante The Witch and the Window de Andy Mitton est le genre de film qu’on aimerait voir plus souvent. Le réalisateur privilégie l’atmosphère aux effets-chocs ou sanglants et le film gagne au change avec cette progression dramatique plus senti que dans la moyenne des films du genre. Une belle réussite comme on en a peu vu au festival cette année.

Sept ans après son documentaire satirique The Ambassador, le danois Mads Brügger passe à la fiction avec le drôlissime St. Bernard Syndicate. Tout en gardant un style proche du documentaire, cette satire subversive sur le capitaliste mondial offre un curieux mélange d’épisodes ironiques et de situations étranges. Bien que la finale laisse un peu à désirer, on se laisse charmer par ce mélange d’ironie et d’observations sociales qui renvoie au True Stories de David Byrne revu et corrigé par Christopher Guest.

31 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★★ | Tokyo Vampire Hotel

Fantasia 2018 | ★★★ | Tokyo Vampire Hotel

Réalisé par Sion Sono
Initialement, Sion Sono a développé Tokyo Vampire Hotel comme une série pour Amazon studios. Il a ensuite réduit son montage pour en faire un film du tiers de sa durée. Tokyo Vampire Hotel gagne beaucoup dans cette transition mais, finalement, perd tout autant. Malgré toute l'énergie déployée par Sono, son projet reste toujours brouillon et donne l’impression de ne pas être complètement abouti.
On passera rapidement sur le récit qui mélange prophéties, romances et politicailleries de vampires immortels sans trouver pied. Si l’absurdité de certains éléments fait sourire, le tout ne reste qu’un prétexte pour orchestrer des scènes dont l’intérêt varie grandement. En multipliant les personnages caricaturaux et les enjeux, le film perd rapidement son spectateur dans un capharnaüm d’idées.
Sono est tout de même toujours capable de fulgurances. Elles sont peut-être plus rares ici que dans ses meilleures œuvres, mais lorsque Tokyo Vampire Hotel prend complètement forme, le résultat est bluffant. Le réalisateur mélange, à son habitude, le plus grotesque au plus sublime.
C’est dans son dernier tiers que le film prend vraiment forme. Le récit laisse alors place à un long affrontement où le réalisateur peut jouer allègrement avec ses idées formelles. Toutefois, loin de perdre le cœur émotionnel de son film, c’est plutôt à ce moment que Sono le trouve enfin. Entrecoupant des scènes de combats sanguinolents, le réalisateur installe un sentiment de mélancolie au travers de la violence. Si, en jouant sur les extrêmes, il lorgne souvent vers le mélodrame, la surenchère assumée permet aux éléments disparates d’exister ensemble dans une sorte de chaos esthétique.
Sur la série, le film a l’avantage de se perdre moins longtemps dans les dédales de son récit improbable. Très peu de temps est perdu à expliquer des particularités finalement sans intérêt. Par contre, la dernière partie de la série, sa plus belle, a ici été complètement évacuée au profit d’un récit plus linéaire. Le caractère épisodique qui permettait cette finale fait que, peut-être, celle-ci n’aurait tout simplement pas fonctionné à l’intérieur d’un film déjà trop brouillon. Il est regrettable que le cinéaste n’ait pas trouvé le moyen d’incorporer ces passages magnifiques à son film. 
Pendant longtemps Sono donne l’impression de ne pas savoir où il s’en va. En soi, Tokyo Vampire Hotel, le film, est loin des plus grands films de Sono, mais définir comme un film mineur serait ignorer que, dans de très courts moments, le réalisateur atteint un état de grâce et est vraiment à son meilleur.