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24 novembre 2023

★★★½ | L'amour et les forêts

★★★½ | L'amour et les forêts

Réalisation: Valérie Donzelli | Dans les salles du Québec le 24 novembre 2023 (Axia Films)
L’amour et les forêts aborde un sujet très lourd : celui de la violence conjugale. Filmé comme un thriller, le film nous fait découvrir une enseignante magnifiquement interprétée par Virginie Efira, qui tombe sous l’emprise d’un pervers narcissique.
Blanche Renard, professeur de français, s’éprend de Grégoire Lamoureux, un nom prédestiné pour une histoire qui commence bien, faite de belles promesses d’un avenir heureux. Pourtant, cette femme deviendra une épouse prisonnière de la jalousie de son mari.
La mise en scène de Valérie Donzelli, associée à direction photo de Laurent Tangy confère au film un aspect irréel, comme si cette relation toxique projetait l’héroïne pourtant éduquée et équilibrée en dehors de la réalité. Plus le film avance, moins Blanche maîtrise les événements et plus elle est enfermée dans une relation qui ressemble à un cauchemar.
Elle décide de s’échapper de sa vie d’épouse rangée en faisant une rencontre de passage. Cette scène permet à Donzelli de prolonger intelligemment l’univers irréel dans lequel elle nous plonge. Mais ici, ce qui pourrait ressembler à un cauchemar forestier prend progressivement des allures de rêve éveillé, notamment grâce à la photo qui se fait beaucoup plus lumineuse. Est-ce cette petite parenthèse qui permettra à Blanche d’avoir le courage de confronter son mari ?
La réalisatrice réussie ensuite, de manière intelligente et délicate, à nous faire ressentir la nouvelle réalité de sa protagoniste. Des gros plans sur son visage l’isolent enfin symboliquement de l’emprise de son mari, réduit à l’état de voix hors champ, voué à disparaître.
Au-delà de tout cela, la force principale du film est de nous montrer comment une relation toxique peut isoler un individu qui croit avoir une vie sociale mais dont l’omniprésence du conjoint l’isole et l’étouffe. Rien que pour cela, ce film est à ne pas manquer.

12 mai 2023

★★¾ | La petite bande

★★¾ | La petite bande

Réalisation: Pierre Salvadori | Dans les salles du Québec le 12 mai 2023 (Axia Films)
La petite bande de Pierre Salvadori est un ersatz des aventures pour enfants et jeunes adolescents d’Enid Blyton. Chacun des personnages vit des difficultés. Que ce soit le nouveau conjoint de maman, le papa contrôlant, le papa prisonnier ou encore le papa immigré qui travaille fort. On voit Cat, Antoine, Fouad et Sami vivre dans un cadre magnifique, la Corse. Quant au cinquième personnage, Aimé, c’est un enfant seul, rejeté et différent. On comprendra avec ce dernier l’ingratitude de l’enfance.
La petite bande se trouvera une mission. Faire sauter une usine, celle qui pollue la rivière de leur village depuis des années. Par hasard, ou dépit, Aimé sera intégré à la bande, ce qui amplifiera les désaccords fréquents entre les préadolescents. Défilent alors des dialogues maladroits et surtout une aventure qui ne décolle pas. Alors que nous aurions pu être plongés dans le monde de l’enfance avec ses codes et sa réalité qui n’est pas forcément la nôtre, Salvadori nous entraîne plutôt dans une suite d’événements peu crédibles qui défilent sous nos yeux et qui ne nous accrochent pas.
Heureusement, il y a le jeu d’Aimé. Magnifiquement interprété par Paul Belhoste. Ses grands yeux bleus et son vilain visage crèvent l’écran. Régulièrement filmé en gros plan, c’est ce personnage qui arrive à nous faire un peu vibrer. Alors que le réalisateur n’arrive pas à nous toucher avec les autres de la bande, ce petit Aimé, tout frêle et sensible, nous faire vivre une partie de sa souffrance et surtout sa folie. Ses cheveux, objet de sa différence, seront détruits par la pollution. Ce sera par le fait même l’occasion pour Salvatori de montrer comment Aimé se libérera de sa souffrance. C’est finalement lui, la brebis galeuse, la pièce rapportée de la bande, qui sauve le film.

2 février 2023

★★★★ | Close

★★★★ | Close

Réalisation : Lukas Dhont | Dans les salles du Québec le 3 février 2023 (Sphère Films)
Léo et Rémi partagent une amitié inébranlable, une amitié tendre que l’on découvre par des prises de vues délicatement filmées, des gros plans sur les personnages qui nous donnent l’impression d’être immergés dans leur monde. Nous sommes avec Rémi et Léo dans tous les instants. Leurs jeux, leurs rires, les repas partagés nous présentent une vie quotidienne d’adolescents.
Les deux amis ont des personnalités différentes. D’une part Léo parle plus, est charismatique, a une imagination florissante et aime pratiquer le hockey. D’autre part Rémi est calme, silencieux presque effacé, préfère le hautbois au sport de contact. Malgré leur conception différente de la vie, ils restent inséparables. À tel point qu’un jour des camarades se moquent d’eux à la cantine de l’école en demandant s’ils sont amoureux. Ces paroles anodines provoqueront un détachement graduel de la part de Léo.
À partir de ce moment, on voit un glissement : Léo se détache et Rémi en souffre beaucoup sans explicitement exprimer sa détresse. Le cinéaste cerne avec subtilité l’éloignement qui se crée entre les deux amis et nous permet de deviner à travers le jeu juste et délicat des jeunes acteurs comment chaque personnage vit cet effritement. La grande souffrance ressentie par Rémi devient palpable lors d’une scène autour d’un repas de famille. Sans un échange de paroles, on comprend que Rémi ne va pas bien. C’est cette capacité du cinéaste à partager avec nous la souffrance qui émeut (les plans sur les yeux, ceux avec l’apparition des larmes, etc.).
Un drame, vibrant témoignage sur la fragilité de l’amitié, surgira. Mais une des forces de Lukas Dhont est de parvenir à nous montrer avec justesse que les épreuves de la vie peuvent être sources de résilience. Cela fait de Close un film bouleversant.

23 janvier 2023

★★★½ | Aucun ours / No Bears (Khers nist)

★★★½ | Aucun ours / No Bears (Khers nist)

Réalisation: Jafar Panahi | Dans les salles du Québec le 20 janvier 2023 (Enchanté Films)
Avec Aucun ours, le réalisateur de la nouvelle vague iranienne Jafar Panahi nous plonge dans deux histoires parallèles. La première est celle dont il est lui-même protagoniste en tant que réalisateur; la seconde est une histoire d’amour, celle du film dans le film qu’il dirige.
Panahi se met en scène en train de réaliser un film à distance. Ceci donne aux spectateurs la possibilité de comprendre sa situation de cinéaste dans un pays ou l’exercice de sa profession lui est interdit. Cela permet également à Panahi de se laisser embarquer dans une tragédie fictive dont il est l’instigateur en raison d’une photo qu’il aurait prise — la photo d’un couple de villageois ne respectant pas les traditions. Cette partie du film est à mettre en parallèle avec l’histoire du réalisateur qui vit dans un pays où la production des images vient souvent avec conséquences graves.
À travers ses acteurs et actrices, on devine un réalisateur qui utilise presque l’improvisation, pour un résultat teint d’un réalisme frappant. Les drames qu’il filme sont poignants, spécialement celui d’un couple qui désire partir en Europe clandestinement — la seconde histoire, celle du film dans le film. Panahi les dirige à distance en brouillant les frontières entre la fiction et le réel. La tirade de l’épouse apprenant que son mari n’obtient pas de faux passeport comme elle, est bouleversante. Poussée par le désespoir à l’idée de partir seule, la femme mettra fin à ses jours en se noyant dans la mer. Malgré une prise de vue magnifique sur la station balnéaire, on devine ici le parallèle avec tous les migrants qui meurent chaque semaine en mer sans jamais pouvoir se sauver de leur terre sans avenir.
Partant d’un drame personnel (le cinéaste, qui n’a plus le droit de tourner depuis plus de 12 ans, est contraint à la clandestinité), Panahi parvient avec ce film tourné dans des conditions précaires, à toucher à l’universel.

25 novembre 2022

★★★½ | Les Fableman (The Fablemans)

★★★½ | Les Fableman (The Fablemans)

Réalisation: Steven Spielberg | Dans les salles du Québec depuis le 23 novembre 2022 (Universal)
Est-ce possible de comprendre ce qui donne naissance à un cinéaste ? Avec The Fablemans, Stephen Spielberg nous présente une semi-autobiographie qui raconte la jeunesse de Sam (Sammy) Fableman. Un Sammy qui, comme lui, découvre le cinéma, enfant, jusqu’à devenir un adulte enregistrant cinématographiquement le monde autour de lui afin de donner un sens à la pellicule.
L’enfance de Sammy est douce. Une enfance avec une famille omniprésente, importante, soudée. Spielberg nous fait découvrir peu à peu la vie de cette famille aussi dysfonctionnelle dont les parents joueront un rôle déterminant dans l’avenir de Sam. D’une part, un père qui vit dans le désaveu, absorbé par son travail d’ingénieur. Qui accepte les promotions et qui amèneront la famille à travers le pays, en Arizona puis en Californie. D’autre part, une mère absorbée par sa musique et son monde imaginaire. Une mère et épouse, magnifiquement interprétée par Michelle Williams, qui n’entre pas dans le rôle conventionnel de la femme américaine des années 60. Ce sera elle qui ouvrira la voie à son fils, c’est elle qui lui offre sa première camera…
À partir de ce moment Sammy filme tout. Les jeux avec ses sœurs, les sorties avec les scouts, les vacances familiales au camping. Ce sera lors de ces vacances qu’il filmera sa mère danser sous la lumière des phares avec sa robe transparente. Malgré lui, Sammy devient témoin de l’idylle de sa mère avec son prétendu oncle. Dès lors, on découvre comment le cinéma est un prisme qui permet de cacher ou encore de révéler les secrets, les émotions. Est-ce le film de Sammy qui donnera le courage à sa mère de quitter la famille ? Peut-être le montage fait par son fils lui dévoile-t-elle ce qu’elle ne voulait pas voir, l’amour naissant qu’elle porte à son amant. Peu importe, ici encore ce sont les émotions qui comptent. Finalement, on aime la scène du bal de graduation où Sammy présente ses camarades de classe dans un montage touchant. À travers celui-ci, ses camarades embrasent la vie. On découvre le pouvoir du cinéma de Sammy et on pleure. Sammy sait maintenant mettre en valeur, cacher, ridiculiser... Réels ou imaginaires, ses personnages font alors partie intégrante de son art. Les Fableman est un hommage à la famille mais aussi au cinéma qui nous permet de rêver et, de se souvenir…