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2 février 2024

★★★★ | Tótem

★★★★ | Tótem

Réalisatrice : Lila Avilés | Dans les salles du Québec le 2 février 2024 (Enchanté Films)
Tótem fait partie de ces joyaux qui vous prennent par surprise et vous captivent d’emblée grâce à leurs personnages. Dès la première scène, a priori anodine et pourtant captivante, nous ressentons la complicité qui unit une mère et sa fille. Très vite, ensuite, lorsqu’elles arrivent dans la maison familiale où doit se tenir une soirée d’anniversaire, nous mesurons les liens qui unissent les gens, non exempts de petites tensions mais surtout marqués par l’amour. Progressivement, à mesure que nous apprenons à les connaître, apparaissent de nombreux thèmes, sombres ou lumineux (les liens familiaux, le rapport unificateur à une nature discrète, la maladie contre laquelle on ne peut rien, la transmission, l’amour au sens large, la mort trop proche). La force de Lila Avilés est de les traiter avec sensibilité et délicatesse, de manière diffuse, sans nous imposer un discours mais en donnant au contraire plus d’importance à ses personnages qu’à sa propre vision des choses. Elle préfère les laisser jouer le rôle de transmetteurs. Pour cela, elle sait qu’il faut les rendre justes. Heureusement pour nous, elle ne se contente pas de ses certitudes mais s'appuie sur un véritable talent de metteuse en scène et d’observatrice. Elle scrute les enfants (tour à tour joueurs, curieux ou inquiets), les femmes qui s’activent pour préparer la fête tout en s'occupant des enfants, le grand-père qui cherche à maintenir le souvenir au delà de la mort, le père malade qui lutte toute la journée afin de trouver la force nécessaire pour être présent à la fête qu’on organise pour lui, les amis partagés entre les souvenirs émus et le présent festif… et pour chacun, la réalisatrice trouve la hauteur juste, la distance adéquate, l’angle de caméra qui permet à l'image de transmettre une émotion sans avoir recours au verbiage.
Cette force permet à Tótem d'être un véritable hymne à la vie, à l’humain et au monde qui l’entoure, traitant avec force et justesse des thèmes universels à travers le prisme de personnages vivants et authentiques.

18 novembre 2022

★★★ | Bardo, Fausse chronique de quelques vérités / Bardo, False Chronicle of a Handful of Truths (Bardo, falsa crónica de unas cuantas verdades)

★★★ | Bardo, Fausse chronique de quelques vérités / Bardo, False Chronicle of a Handful of Truths (Bardo, falsa crónica de unas cuantas verdades)

Réalisation: Alejandro Gonzalez Inarritu | Dans les salles du Québec le 18 novembre 2022 (Netflix)
Ce n'est un secret pour personne: ce n’est pas la modestie qui étouffe l’œuvre d'Alejandro Gonzalez Inarritu. Parfois pour le meilleur et parfois pour un résultat qui laisse dubitatif. Avec Bardo, le cinéaste suit le voyage introspectif d'un journaliste devenu documentariste à succès, et se questionne en même temps que lui sur le passé et le présent, la vie professionnelle et la vie familiale, la paternité et la filiation, la vie et la mort... et j'en passe (notamment : son identité mexicaine, au centre de sa réflexion).
Malheureusement, le cinéaste finit vite par ne plus savoir sur quel pied danser, à tel point que Bardo ressemble à une suite de scènes tournant chacune autour d'un sujet, mais sans le liant nécessaire à la cohérence de l'œuvre.
Fort heureusement, si l'ambition (certains diront la prétention) d'Inarritu n'est plus à démontrer, son talent de faiseur d'images non plus. Ainsi, il nous offre quelques instants remarquables, parfois d'une beauté à couper le souffle, parfois d'une inventivité folle, parfois générateurs d'une émotion poignante... si bien que l'on est perpétuellement partagé entre l'admiration, l'agacement et la contrariété devant autant de talent mis au service d'un égo qui ne laisse jamais place à la poésie macabre d'un Alejandro Jodorowsky (auquel on pense trop souvent, mais pas que. Beaucoup d'autres ont réussi là où Inarritu s’est pris les pieds dans le tapis).
Alors oui, le film est parfois très beau et certaines scènes méritent d’être vues sur grand écran, mais on ne peut s'empêcher de se demander s’il ne serait pas préférable d’attendre la sortie Netflix pour le regarder à petites doses, à raison de 30 minutes par jour. La proposition peut sembler sacrilège pour un cinéphile... mais pas si extravagante après l'avoir visionné! Il deviendrait ainsi probablement beaucoup plus digeste!

17 décembre 2021

★★ | Nightmare Alley (Ruelle de cauchemar)

★★ | Nightmare Alley (Ruelle de cauchemar)

Réalisation : Guillermo del Toro | Dans les salles du Québec le 17 décembre 2021 (Fox Searchlight Pictures)

En préambule, signalons que l'auteur de ces lignes n'est pas le plus grand fan de Guillermo del Toro, dont la qualité des films est à ses yeux inversement proportionnelle à leur ambition. Cela passait encore pour les deux précédents (le très beau visuellement Crimson Peak et le très surcoté The Shape of Water), mais ici, en s’éloignant pour la première fois du fantastique, le cinéaste passe totalement à côté de son film. Pourtant, l’idée même de faire un film qui montre comment tout élément fantastique n’est qu’illusion ressemblait à un pied de nez amusant à sa carrière. (Nous suivons en effet un prétendu medium, qui n’est rien d’autre qu’un charlatan, ce qui est d’ailleurs le titre français de la première version de Nightmare Alley réalisée par Edmund Goulding en 1947). Voir un passionné de cinéma comme Del Toro s’engouffrer dans le genre noir (le film de 1947 était un pur film noir) nous laissait également espérer quelque chose de visuellement intéressant. Malheureusement, le cinéaste ne fait que tourner autour de l’esprit du noir sans en retrouver l’essence. Le personnage incarné par Cate Blanchett est certes l’archétype de la femme fatale, mais Del Toro ne fait rien d’autre avec le genre qu’il borde. Le début est trop poussif pour donner le sentiment que l’ombre de la fatalité plane sur ses héros (ce qui est très perceptible, et très réussi, dans le film de 1947), mais ce qui fait surtout défaut est le scénario, une nouvelle fois chez Del Toro d’une grande faiblesse et surtout d’une maladroite (et illusoire) complexité. Le résultat est sans appel : au lieu d’aller à l’essentiel, le cinéaste scénariste complexifie mise en scène et scénario comme s’il voulait régulièrement noyer le poisson ! Mais c’est son film qui prend l’eau… et encore bien plus que The Shape of Water, qui avait au moins le mérite d’avoir un certain charme.
Ici, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Bien sûr, ici ou là, un plan ou une idée rappelle que le cinéaste a du talent ! On aimerait juste qu’il se souvienne plus souvent comment l’utiliser ! Alors en attendant, vous pouvez toujours regarder les photos extraites du film. Certaines sont très belles. C’est déjà ça !

28 mai 2021

★★★½ | New Order (Nuevo orden)

★★★½ | New Order (Nuevo orden)

Réalisation: Michel Franco | Dans les salles du Québec le 28 mai 2021 (Entract films)
Le cinéaste mexicain Michel Franco, un habitué du Festival de Cannes, a présenté Nuevo orden à Venise en 2020, où il a reçu le Grand prix du jury. Il arrive au Québec cette semaine, et ne devrait pas laisser indifférent!
Le film s’ouvre avec quelques plans mystérieux, qui laissent imaginer une situation hors de contrôle et difficilement concevable. Mais très vite, le cinéaste nous propose un retour au confort d'une grande maison et à la promesse d'un avenir heureux, puisque le gratin local est réuni pour un mariage. Les invités célèbrent, les domestiques servent, tout semble bien aller. Pourtant, progressivement, un dérèglement s’installe jusqu'à l'irruption de contestataires armés qui volent et tuent. D'emblée, même si l’arrogance des nantis fait face à la souffrance des miséreux, Franco ne nous met pas aveuglément du côté des pauvres, dont certains agissent de manière disproportionnée. Le reste du film est à l'avenant. Jamais le cinéaste n’oppose un camp à l’autre. Il filme des hommes et des femmes qui voient le monde s’écrouler, quelle que soit leur condition sociale. Mais si la souffrance et la douleur peuvent toucher tout le monde, le mal aussi peut se glisser partout, y compris (surtout?) du côté de ceux censés protéger les populations.
Ce point de départ, et son refus de la facilité, est renforcé par les choix de mise en scène. Loin de suivre la voie de certains de ces compatriotes (nous pensons par exemple au Escalente de Heli), le cinéaste montre bien évidemment l'horreur d'une situation qui devient hors de contrôle, mais il refuse les images trop chocs et laisse assez de place au hors-champ. Avec ce choix, il rend aussi plus prégnante l'idée de la perte de contrôle, et colle parfaitement avec la logique du film (plusieurs protagonistes, séparés par les événements, ne savent pas ce qui se passe ailleurs!)
Malgré ses qualités, et peut-être en raison d'une absence de maîtrise totale de ses choix, le film n'a peut-être cependant pas toujours l'impact souhaité: certes, il refuse le coup de poing au visage, mais sa volonté de créer le malaise (sa recherche du coup de poing à l’estomac?) est parfois atténuée par une application trop visible. Ces petites réserves empêchent Nuevo orden de devenir un des grands films sur le dérèglement d'une société qui ne laisse que des perdants (sauf ceux qui avaient déjà le pouvoir des armes). Il n'en demeure pas moins un film paradoxalement dérangeant et courageux dans sa volonté de traiter ce dérèglement avec une (relative) retenue.

2 septembre 2020

Fantasia 2020 | ★★★ | Perdida

Fantasia 2020 | ★★★ | Perdida

Réalisation : Jorge Michel Grau
Perdida possède tous les éléments d’un bon thriller. De belles personnes (selon les standards de l’industrie), des triangles amoureux (pourquoi se limiter à un) ainsi qu’une mystérieuse intrigue à résoudre. Du jour au lendemain, la femme d’un chef d’orchestre disparaît sans laisser de trace. S’agirait-il d’un meurtre ? Hanterait-elle la maison dans laquelle vivent toujours son mari et sa toute nouvelle conquête ? S’ensuivra un véritable jeu de miroirs entre un passé pas si lointain (la disparition remonte à dix jours) et le présent (de plus en plus inquiétant). Le film tient en haleine en jouant sur ses multiples suppositions.
De plus, il est intéressant de constater la déviation du récit qui débute avec l’histoire d’un homme infidèle, imbu de lui-même, obsédé par son métier. Alors qu’on pourrait croire que le film est centré autour ce personnage, ce sont les femmes de sa vie qui occupent l’espace. Entre sa femme disparue, celle plus jeune qui vit désormais avec lui et le spectre d’une maîtresse (qui n’est jamais très loin), Perdida manque une belle occasion de rendre justice à la complexité de ses personnages féminins. Quelques précisions scénaristiques autour du dialogue impossible entre ces trois femmes (trahies par le même homme) auraient été bénéfiques. De plus, le film ne fait pas honneur à ces femmes qui subissent même lorsqu’il est trop tard. Lorsqu’il faudrait se battre et confronter. 
Il y a également une dimension politique sous-exploitée (les personnages vivent dans l’ancienne maison d’un homme d’État) qui au final ne sert à rien. Perdida demeure un thriller efficace à voir ne serait-ce que pour l’utilisation habile de l’imagerie soignée et de la musique. Un film à regarder et à écouter.