7 juin 2024

★★★★ | L’enlèvement / Kidnapped: The Abduction of Edgardo Mortara (Rapito)

Réalisation: Marco Bellocchio | Dans les salles du Québec le 7 juin 2024 (Métropole Films Distribution)
Rapito aborde un sujet incroyable qui s'est réellement déroulé en Italie au XIXe siècle : un enfant de huit ans est enlevé à sa famille pour être élevé selon la foi catholique... une servante l'ayant, lorsqu'il était nourrisson et malade, baptisé pour lui éviter d'errer dans les limbes en cas de décès. À partir de ce point de départ, Bellocchio et ses coscénaristes nous proposent un scénario précis et dépouillé qui évite les excès de pathos. Les faits s'enchaînent avec une précision et une fluidité impressionnantes, abordant avec justesse et intelligence des enjeux individuels, familiaux, religieux, voire historiques (la difficile et lente unité italienne).
Le classicisme de la mise en scène, loin de rebuter, parvient à nous plonger dans une époque pas si lointaine et une rigidité dogmatique effrayante (qui semble pour sa part encore moins lointaine). Elle sert également de terreau très fertile au personnage principal, ce jeune enfant arraché à ses parents, qui grandira atteint d'une sorte de syndrome de Stockholm avant l'heure, le poussant à devenir prêtre et à essayer de convertir sa famille plutôt que d'essayer de la rejoindre.
La musique, composée par Fabio Massimo Capogrosso, tour à tour discrète ou au contraire très présente, et la photographie, dirigée par Francesco Di Giacomo, tout en clair-obscur, contribuent également à l'atmosphère générale du film, à la fois captivante et inquiétante.
Au final, Rapito subjugue en nous rappelant, sans caricature, le danger de s'en remettre aveuglément à des dogmes qui se battent plus pour leur propre survie que pour l'intérêt des humains. Surtout, Bellocchio, à 84 ans, nous propose un de ses films majeurs et une des œuvres marquantes de cette année.
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