27 octobre 2023

★★★ | The Killer (Le tueur)

★★★ | The Killer (Le tueur)

Réalisateur: David Fincher | Dans les salles du Québec le 27 octobre 2023 (Netflix)
Les vingt premières minutes de The Killer sont très prometteuses. Un tueur, dans sa planque, face à un hôtel de luxe, attend sa cible, se prépare, se livre à l’introspection, réfléchit à sa condition, à sa pratique. La mise en scène est précise, ne laisse rien au hasard, un peu à l’image du protagoniste. On pourrait presque reprocher à Fincher un excès de voix off, mais celle-ci n’est finalement pas intéressante. Elle ajoute un petit plus au caractère obsessionnel du tueur, à sa volonté de tout contrôler.
Mais après cela, tout s’écroule. Pour le tueur d’abord, car il échoue et doit alors vivre avec les conséquences de cet échec, puis se venger des gens qui lui veulent du mal. Tout s’écroule pour le film également. Progressivement, il perd pied et s’enfonce vers un petit film de vengeance qui n’a pas grand-chose à dire et qui enchaîne les scènes où le héros affronte tour à tour des personnages très différents. Certes, le talent est là, ce qui permet au spectateur de rester dans le film, mais Fincher ne va jamais au-delà du minimum syndical. Le film devient progressivement une petite production Netflix pour les soirées paresseuses et casanières des vendredis soir automnaux. Et comme la vie est bien faite, The Killer est justement un film Netflix et sera disponible sur la plateforme le 10 novembre !

20 octobre 2023

★★★ | Killers of the Flower Moon (La Note américaine)

★★★ | Killers of the Flower Moon (La Note américaine)

Réalisation: Martin Scorsese | Dans les salles du Québec le 20 octobre 2023 (Apple TV+)
À l’évidence, Scorsese est sincère et le sujet de Killers of the Flower Moon lui tient à cœur (suite à la découverte de gisements de pétrole sur les terres de la nation Osage, ses membres meurent les uns après les autres dans l’indifférence générale). Cela se ressent dans sa manière de dépeindre cette communauté autochtone, de la représenter, de la respecter. Il est également sincère dans sa façon de parler de son pays et de certains épisodes sombres du passé, sans la moindre concession ni aucune volonté de simplification manichéenne. Malheureusement, au-delà de ces bonnes intentions, le film n’est pas le plus habile de son réalisateur, comme s’il était étouffé par le poids de son sujet. La mise en place est particulièrement laborieuse (surtout quand on connaît l’habileté habituelle du cinéaste pour installer un sujet et des personnages), ce qui rend la première partie interminable. Heureusement, ici où là, Scorsese nous offre une idée d’écriture ou une fulgurance visuelle (les morts violentes sont filmées avec une froideur et un détachement qui nous glacent le sang, et font partie des images marquantes de la carrière du cinéaste, qui en a pourtant filmées beaucoup).
Par la suite, le processus s’inverse. Une fois les principaux éléments mis en place, le réalisateur semble plus à l’aise dans le développement du récit… même si certains bémols apparaissent. Le principal est le jeu de plus en plus caricatural de Leonardo DiCaprio, pourtant excellent acteur, qui en faut ici des tonnes, à tel point qu’il ferait presque passer De Niro pour un acteur bressonien. (Loin d’être anecdotique, cette remarque pose un réel problème, le jeu de l’acteur nous déconnectant parfois de son personnage, et donc du film, tant l’image de Marlon Brando semble se superposer à celle de DiCaprio dans la dernière demi-heure.) 
En alternant le bon et le moins bon, le cinéaste nous rappelle qu’un grand sujet peut faire un petit film. Un bon petit film, certes, mais un petit film quand même. Et qu’il soit signé du grand Scorsese n’y change rien.

13 octobre 2023

★★★ | Vampire humaniste cherche suicidaire consentant

★★★ | Vampire humaniste cherche suicidaire consentant

Réalisation: Ariane Louis-Seize | Dans les salles du Québec le 13 octobre 2023 (h264)
Voilà un premier long-métrage qui, à défaut d'être majeur, nous fait bien plaisir en parvenant à concilier le produit de consommation courante (un petit film de vampires / coming of age) avec des qualités que l'on retrouve rarement dans le cinéma québécois commercial. On aurait d'ailleurs presque envie de dire qu'il a des qualités dignes d'un bon film commercial américain (et oui, ça existe). La plus efficace est la capacité à reprendre des ingrédients peu originaux (la difficulté à trouver sa place dans un milieu dont on ne partage pas les valeurs, les ados marginaux, les relations avec leur famille ou les autres ados, les jobs d'ados, les partys d'ados, les scènes dans le gymnase ou dans l'autobus scolaire, etc.), d'y ajouter une petite spécificité (la vampire humaniste, une image ténébreuse), et de mélanger comédie et enjeux plus profonds avec un certain savoir-faire.
Le résultat est techniquement irréprochable. Mais c'est peut-être aussi un peu la limite du film. Trop propre, presque trop convenu malgré sa proposition de départ, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant ne transcende jamais son modèle, justement parce que chaque enjeu est traité de manière assez superficiel (le thème du suicide traité à la va-vite, l'histoire d'amour abordée sans émotion, l'impression de non-appartenance utilisée comme un passage obligé du genre).
Malgré tout cela, dans un contexte de cinéma commercial québécois, ce constat a priori négatif serait presque à mettre à l'avantage de ce film qui ne cherche pas à trop en dire sur tous les sujets du moment avec la volonté de cocher les cases destinées à satisfaire les subventionnaires. Probablement pour cela, et pour le charme de Sara Montpetit (parfaite dans son rôle de vampire trop humaniste), nous prenons un vrai plaisir devant ce petit film sitôt vu, sitôt oublié... mais qui aura au moins le mérite de nous faire passer un agréable moment tout en nous berçant de belles promesses quant à la suite de la carrière de sa réalisatrice Ariane Louis-Seize.

6 octobre 2023

★★½ | Testament

★★½ | Testament

Réalisation : Denys Arcand | Dans les salles du Québec le 6 octobre 2023 (TVA Films)

Si Testament avait été réalisé par n’importe qui d’autre que Denys Arcand, son réalisateur aurait probablement été lapidé en place publique, tant ses propos vont à l’encontre de la bien-pensance ambiante. Bien évidemment, la référence à la lapidation est peut-être excessive… mais on peut ici se le permettre. Le tout nouvel Arcand ne fait en effet pas dans la demi-mesure, et sa charge antiwoke possède la finesse d’un tir de lance-flamme. Les premières minutes sont à ce titre consternantes de bêtise. Nous vous épargnerons les blagues dignes de celles d’un mononc’ en fin de soirée… mais il est difficile de rire à ce premier quart d'heure, probablement car nous n’appartenons pas à la catégorie des vieux cons réacs auxquels le film s’adresse à l’évidence. Et pourtant, au fur et à mesure que le film avance, il se passe de belles petites choses entre Rémy Girard et Sophie Lorain, les visites de Marie-Mai (en madone aux allures de putain, à moins que ce ne soit l'inverse) sont touchantes, quelques instants/idées subreptices font mouche et nous rappellent que Denys Arcand n’est pas devenu ce qu’il est pour rien. Mais tout ceci est bien peu. Nous aurions préféré une charge contre les excès du wokisme plus constructive dans sa critique, et non ce jeu de massacre qui oppose deux camps irréconciliables, qui, pour faire aussi simpliste que le film, se résume à l’opposition entre les vieux cons et les jeunes cons.
Ce constat d’une société clivée pourrait être un triste et pertinent constat sur notre société qui n'aime à l'évidence pas la voie de la pondération, mais le fait qu’Arcand choisisse si grossièrement son camp désamorce cette possibilité. Pourtant, presque in extremis, le cinéaste nous livre un message d’amour et d’apaisement qui pourrait passer pour de la mièvrerie. Mais cette dernière provocation a presque quelque chose de touchant. Elle permet surtout au film d’éviter le naufrage. Car si Arcand n’est à l'évidence plus le bon cinéaste qu’il a été, ce film aura au moins le mérite de ne pas être aussi pitoyable que ses œuvres les plus récentes. (Il faut dire que, faire pire que Le règne de la beauté  ne doit pas être chose facile !)

29 septembre 2023

Les jours

Les jours

Réalisation: Geneviève Dulude-De Celles | Au Québec le 29 septembre 2023 (Maison 4:3)
Je ne rédigerai pas de critique du film Les jours, parce que son sujet est le genre de sujet inattaquable, et que je n’aurais donc pas grand-chose à dire si je devais m’abstenir de l’attaquer. Certes, ce qui est arrivé à la jeune femme au centre de ce documentaire est terrible : la découverte d’un cancer du sein avant même d’avoir 30 ans. Son traitement a été lourd, les effets secondaires traumatisants, le soutien de la famille sans bornes… tout ceci est vrai. Mais nous ne pouvons nous empêcher de nous questionner sur les choix de Geneviève Dulude-De Celles (qui nous avait notamment offert les jolis Bienvenue à F.L. et Une colonie). Nous avons en effet toujours le sentiment que la cinéaste était trop intimidée par son sujet pour donner une orientation discrète mais nécessaire à son film.
Pour être en accord avec la première ligne de ce texte, je n’écrirai pas de critique, mais me contenterai de dire que Les jours est à peu près tout ce que le magnifique Over My Dead Body n’était pas. Le film de Poupart était un vrai film de cinéma qui abordait une multitude de sujets, traités avec une force rare. Nous ne sommes pas non plus chez Sébastien Lifshitz, qui aurait choisi un autre traitement... ni chez tel ou tel (la liste pourrait être longue). Mais arrêtons d'imaginer ce qu'aurait pu être le film si... et contentons-nous d'un constat: Les jours est le témoignage très respectable d’une femme tout aussi respectable confrontée à un événement douloureux. Il est important de libérer la parole à propos de certains sujets, mais un témoignage seul, sans le travail d'un cinéaste pour le sublimer, est-il suffisant pour constituer un film ? On voit maintenant des milliers de témoignages sur les médias sociaux, parfois à propos d’événements ou de situations encore plus traumatisants. Ils sont parfois poignants. Ce ne sont pas des films pour autant.

22 septembre 2023

★★¼ | Simple comme Sylvain

★★¼ | Simple comme Sylvain

Réalisation : Monia Chokri | Dans les salles du Québec le 22 septembre 2023 (Immina Films)
Pour son troisième long métrage, l’actrice et réalisatrice québécoise Monia Chokri aborde le sujet de l’amour et des relations humaines et amoureuses avec la comédie romantique Simple comme Sylvain. Moins stylisé que ces deux précédentes réalisations, mais joliment mis en images par le vétéran André Turpin, il y a un je-ne-sais-quoi d’agaçant dans sa conception qui nous empêche de nous investir émotionnellement dans cette idylle entre une professeure de philosophie pour les aînés et un entrepreneur indépendant des Laurentides. Cette rencontre nourrie d’espoir et de changements donne lieu à un éventuel conflit de valeurs et de culture qui malheureusement ne dépasse jamais le stade du déséquilibre de pouvoir et de savoir.
Pourtant, la chimie passe bien au début entre une Magalie Lépine-Blondeau, plus sensible, et Pierre-Yves Cardinal, moins bien cerné car son personnage ne dépasse guère le stade de la caricature du gars des bois qui s’expriment mal, mais qui a le cœur à la bonne place. Dès que la première dispute survient, une scène plutôt maladroite qui sonne terriblement faux, le film dérape pour ne jamais retrouver le droit chemin. Si certains dialogues font mouche, d’autres sont plaqués dans la bouche de personnages secondaires qui ne semblent exister que pour meubler et nourrir les divers enjeux moraux et culturels. Le mariage entre la comédie romantique et la réflexion sur le concept d’amour à travers divers philosophes célèbres cités à coups d’exemples dans le cours de philosophie que donne la protagoniste se révèle vain.
Jamais cette bluette d’amour ne parvient à s’élever au-dessus d’une banale histoire de coup de foudre pour une femme à la croisée des chemins. Mais comme tout bon coup de foudre, le plaisir du visionnement est aussi éphémère et s’estompe le temps de le dire.