12 juillet 2019

★★★½ | The Last Black Man in San Francisco

★★★½ | The Last Black Man in San Francisco

Réalisation : Joe Talbot | Dans les salles du Québec le 12 juillet 2019 (TVA Films)
Deux hommes se promènent dans les rues de San Francisco à la recherche d'un endroit, d'une inspiration et surtout pour trouver leur place dans cette ville bien-aimée. Les deux hommes sont liés par le désir de l'un d’eux de retourner vivre dans la maison que son grand-père aurait construite en 1946. C'est sur cette trame de fond que se jouera le destin de nos héros, habités par le doute et les insécurités. Sur leur route, ils croisent des membres de la famille à la dérive, des banquiers malveillants, des gangsters au cœur sensible.
Avec ses images sublimes de la ville et de ses habitants, le premier long-métrage de Joe Talbot met en lumière les nuances de la nature humaine. Alors que les personnages sont présentés comme s'ils se trouvaient sur une scène de théâtre, le scénario prend soin de nous révéler le caractère de chacun sous plus d'une facette. La mise en scène stylisée navigue habilement sur différents tons. On passe du théâtre, au réalisme, du réel à la fantaisie. Le tout est accompagné d’une trame musicale omniprésente. La musique n'est pas utilisée dans le but de nous faire ressentir ce qui se déroule sous nos yeux. Elle est si bien intégrée au récit qu'elle est une extension de la vie intérieure des deux personnages principaux.
The Last Black in San Francisco est une quête à la fois poétique et sensible sur la nécessité de l'appartenance. Un premier long-métrage à voir absolument sur grand écran.

10 juillet 2019

★★½ | Marianne & Leonard: Words of Love (Marianne & Leonard : mots d'amour)

★★½ | Marianne & Leonard: Words of Love (Marianne & Leonard : mots d'amour)

Réalisé par Nick Broomfield | Dans les salles du Québec le 12 juillet 2019 (Entract)
Comme il l'a fait par le passé avec ses documentaires les plus célèbres, le cinéaste anglais Nick Broomfield se focalise, avec son Marianne & Leonard: Words of Love, sur une histoire d’amour entre le musicien Leonard Cohen et sa muse norvégienne Marianne Ihlen.
Le film relate la naissance de cette relation amoureuse qui commence telle une simple idylle en 1960 alors que Leonard Cohen fait la rencontre d’une jeune divorcée à Hydra, une île grecque au sud d’Athènes. Cohen y passe huit années de sa vie. Sa relation sera remplie d’amour, mais également de tumultes avec sa compagne, celle-ci peinant à accepter le mode de vie nomade de son compagnon avant leur rupture définitive. 
Avec ses nombreux documents d’archives, Broomfield réussi à nous replonger au cœur de cette période hédoniste et florissante. En revanche, après leur rupture qui inspirera à Leonard Cohen la célèbre chanson So Long, Marianne, le film emprunte les sentiers classiques du documentaire biographique en exposant la carrière de Leonard Cohen. Avec ses allers-retours dans le passé mais laissant un peu dans les oubliettes certains épisodes de la vie de sa muse, la suite comporte peu de surprises et marque un changement de registre pour Broomfield qui se montre ici plus restreint et moins enclin à nous bouleverser ou à nous provoquer.
Il y a certes quelques moments touchants comme cette lettre d’adieu de Leonard envoyée à Marianne en juillet 2016 alors que cette dernière est gravement malade: un beau moment de cinéma dans un film qui cherche d’abord et avant tout à plaire aux nombreux admirateurs du célèbre chanteur montréalais.
Se situant à mi-chemin entre le documentaire traditionnel et le portrait intimiste de deux âmes tourmentées, le film peine à trouver sa voie et ce qui aurait pu être un événement cinématographique ressemble en réalité à un rendez-vous manqué.

3 juillet 2019

★★★ | Midsommar (Midsommar : solstice d'été)

★★★ | Midsommar (Midsommar : solstice d'été)

Réalisé par Ari Aster | Dans les salles du Québec le 3 juillet 2019 (Entract)
Midsommar commence idéalement, avec une tension présente quasi instantanément grâce à une multitude de talents (mise en scène et dialogues irréprochables d'Ari Aster, interprétation délicate de Florence Pugh, photo de Pawel Pogorzelski tout aussi maitrisée que dans Hereditary, etc.). Malheureusement, lorsqu’il quitte son introduction américaine (qui reprend plusieurs éléments classiques du cinéma horrifique) pour occuper un terrain plus rarement exploré, il perd en qualité ce qu’il gagne en ambition.
En allant vers une Suède sans nuit, avec des jeunes filles blondes gambadant dans les champs avec leurs robes blanches, leurs colliers de fleurs et leurs désirs, il parvient à créer de manière convaincante un environnement qui nous semble trop idyllique pour être vrai. Cependant, il est très vite dépassé par son envie de nous faire glisser vers un cauchemar ensoleillé. On pourrait s'interroger sur ses choix graphiques (sur un sujet proche, ceux de Robin Hardy dans The Wicker Man, qui reste LE chef-d’œuvre de l’horreur folklorique, nous semblent plus efficaces). On pourrait se dire au contraire que la volonté d’opposer le fond (un culte païen de plus en plus sanglant) et la forme (une image qui est en osmose parfaite avec la beauté des étendues champêtres estivales) est d’une ambition très louable. Mais au-delà des choix formels, le vrai problème du film réside dans son absence de maitrise scénaristique. Si les dialogues de la première partie étaient irréprochables, le développement narratif de ce qui suit est beaucoup plus problématique. Certes, certains thèmes abordés sont pertinents (le rapport à l'autre, aux traditions, à la nature, etc.) mais Aster désamorce de lui-même ses sources de réflexion en faisant de son film une suite d’intentions de moins en moins plausibles. Au-delà de ses envies théoriques, il multiplie surtout les petites maladresses qui finissent par enlever à son film sa crédibilité, et donc sa force. Nous ne parlons pas ici du culte lui-même, mais d’une multitude de détails (l’usage des langues, la réaction improbable des personnages face aux événements, un usage grandissant d’une forme d’humour qui prend des allures d’arbuste cherchant à cacher une forêt de maladresses narratives, etc.) qui rendent difficile notre acceptation de sa proposition.
Avec son second film, Aster confirme ce qu’on pensait de lui après Hereditary: il possède un véritable talent de metteur en scène (ce qui justifie notre ★★★ malgré toutes nos réserves), mais aussi une confiance en lui qui le pousse à dépasser un peu trop ses propres limites (l’écriture). Pour son troisième long métrage, nous lui souhaiterons donc de garder sa foi en sa mise en scène... tout en collaborant avec un coscénariste à l'esprit critique exacerbé!
Attendons et espérons!

28 juin 2019

★★½ | Yesterday

★★½ | Yesterday

Réalisation : Danny Boyle | Dans les salles du Québec le 28 juin 2019 (Universal)
Un jour, tous les habitants de la planète se réveillent sans avoir aucune notion du groupe de musique The Beatles. Seule une personne, un jeune musicien anglais, se souvient de leurs chansons mythiques. Yesterday établit rapidement les bases de son récit: un musicien plus ou moins raté (Himesh Patel), un coup à la tête (un classique pour expliquer les incohérences qui vont suivre), une jeune et jolie demoiselle en détresse (Lily James) et la fascination pour la célébrité. La prémisse à elle seule est digne d’intérêt et fera naitre quelques situations cocasses. Toutefois, le scénario prévisible ne parvient pas à faire durer le plaisir très longtemps.
La mise en scène de Danny Boyle tente d’insuffler au film un rythme survolté au détriment du récit. Les qualités de la comédie de situation se perdent dans les effets de montage rapide. Les interprétations inspirées d’Himesh Patel et de Lily James arrivent cependant à garder notre intérêt (en dépit de l’apparence vieux jeu de leur romance). Rempli de bons sentiments et de discours sur la persévérance et des effets pervers de la célébrité, le film semble plus préoccupé à nous marteler son point de vue que de questionner ses propres problématiques. Le dernier tiers du film est d’ailleurs une occasion manquée de rétablir l’équilibre pour le personnage féminin qui semble venir d’une autre époque.
Malgré l’aspect convenu de son scénario et de sa finale des plus décevantes, Yesterday est une porte d’entrée intéressante afin de découvrir (ou de redécouvrir) l’incroyable répertoire musical des Beatles.

21 juin 2019

★★★ | Dogman

★★★ | Dogman

Réalisé par Matteo Garrone | Dans les salles du Québec le 21 juin 2019 (Métropole)
Un petit homme au corps fragile; une station balnéaire en pleine déliquescence; des chiens que l'on toilette; de la drogue que l'on vend; un entourage auprès duquel on essaie d’exister; une fille à qui l’on a envie de tout donner… et surtout un ami trop brutal, trop drogué, trop incontrôlable.
Avec tous ces éléments de départ, Matteo Garrone dresse dans la première partie de son film le portrait d’un homme qui peine à s'affirmer dans un environnement où le bonheur ne semble pas avoir sa place. Le cinéaste a dans un premier temps la bonne idée de ne pas trop en dire. Il préfère observer son héros, en saisir la fragilité, la bonté, mais également le paradoxe : c’est parce qu’il cherche à se faire trop aimer de tous qu’il pratique quelques méfaits ou qu’il accepte l’amitié d'un homme qui ne la mérite pas. Mais après en avoir dit beaucoup par petites touches, Garrone se perd ensuite un peu dans sa propre logique.
Lorsque arrive l'humiliation, la trahison, l’isolement; lorsque le petit toiletteur pour chiens (bien meilleurs que les hommes!) décide d'arrêter de subir, lorsqu’il ne veut plus suivre le courant et que vient le temps de prendre les choses en main, Matteo Garrone fait comme son personnage : il semble tellement savoir où il va qu’il finit par perdre le contrôle. Les petits riens laissent la place à une intention unique, sans rien pour la contrebalancer, pour la nuancer. Le film tourne alors un peu en rond dans sa certitude de vouloir nous amener à sa chute.
Alors que la première partie était d'une grande maîtrise dans l'observation de l’humain, la seconde fait perdre au film ce qui en faisait la force. Dogman devient ainsi un film de vengeance prévisible… mais également extrêmement bien filmé, ce qui lui permet fort heureusement de continuer, sur un mode mineur, à susciter l’attention du spectateur.