6 décembre 2013

Out of the Furnace (Au cœur du brasier)***

Après quatre années passées en prison, Russel (Christian Bale) retrouve sa liberté et sa famille. Mais son bonheur est de courte durée.

Réalisateur : Scott Cooper | Dans les salles du Québec le 06 Décembre (VVS Films)

Avec son premier film, Crazy Heart, Scott Cooper plantait le décor d’un drame musical campé dans une Amérique tout droit sortie de l’imaginaire de Kris Kristofferson ou de Johnny Cash. Avec Out of the Furnace, son successeur, c’est à celle de Bruce Springsteen qu’il semble emprunter. Tout y est : le décor rural, les ouvriers travaillant d’arrache-pied, le spectre de la guerre et de la crise, l’usine et ses nuages de fumée toxique, ou encore les amours brisées… Avec ces réminiscences springsteeniennes et l’étrange sentiment de se retrouver à nouveau dans le Deer Hunter de Michael Cimino, l’évidence s’impose de soi : Cooper est un héritier nouvellement arrivé du Nouvel Hollywood. Son amour pour les acteurs crève l’écran et il excelle à transfigurer avec finesse les situations les plus convenues (la retrouvaille de Russel et Lena / Zoe Saldana, furtive et bouleversante), du moins la plupart du temps (le personnage de Woody Harrelson malheureusement trop poussé vers la caricature).
À son bord, Scott Cooper récupère l’un des plus beaux castings de l’année. Nommons d'abord Christian Bale, incroyable comme toujours. Tout passe par son regard d’amoureux irréconciliable, son visage inquiet, rongé par les salissures d’une réalité qui ne lui ménage que trop peu de ces idéaux et de cette prospérité que les politiciens promettent à loisir, en pleine campagne présidentielle (Killing Them Softly n’est pas très loin). Scott Cooper nous parle également des sacrifiés d’un système où la loi du plus fort règne, à travers le personnage instable du frère hanté par la guerre en Iraq. Dans ce rôle, Casey Affleck fait preuve d’une maturité de jeu jusque-là inédite dans sa jeune carrière (pour preuve, cette explosion de rage dans la cuisine familiale). À eux, s’ajoute la présence de Williem Dafoe (très juste) ou celle, évanescente et pourtant imposante, de Sam Shepard qui depuis quelques années, et à travers une série de micro-rôle, s’est imposé comme figure emblématique d’un certain cinéma américain récent (The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford, Brothers, Blackthorn). Ici, il interprète un oncle (personnage pas éloigné de celui qu’il jouait dans Mud) infusant une bienveillante autorité autour de ses neveux rongés par la violence et la tragédie. Cette tragédie, Scott Cooper la tisse tout en douceur‒ sans bruit ou grands effets, toujours posé à la hauteur de ses personnages confrontés à la moralité de leurs choix ‒ avant qu’elle contamine tout le film, jusqu’à son tout dernier plan, implacable.
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