Gary (Tahar Rahim) est embauché dans une centrale nucléaire. Gilles (Olivier Gourmet) le met en garde contre les dangers inhérents à son nouveau travail, mais le néophyte semble plutôt préoccupé par Karole (Léa Seydoux), la femme d’un de ses collègues (Denis Ménochet).
Réalisatrice: Rebecca Zlotowski | Dans les salles du Québec le 6 décembre 2013 (K-Films Amérique)
En situant l’action de son film dans le milieu du nucléaire, Rebecca Zlotowski nous offre une multitude de personnages travaillant dans des conditions particulières (la solidarité dont fait preuve le personnel de la centrale est proportionnelle à la dangerosité de ses fonctions), mais interagissant également dans le cadre privé (les missions étant ponctuelles, tous résident dans le même terrain de camping et fréquentent les mêmes lieux de loisir). Cela permet à la réalisatrice de donner naissance à quatre environnements distincts (la centrale, le terrain de camping, le saloon et les bords du lac), avec quatre univers différents, tous dépeints avec une même acuité. Intelligemment, en faisant franchir une limite à deux protagonistes (Gary va entretenir une relation clandestine avec la femme d’un de ses collègues), elle brouille progressivement les frontières de ces quatre espaces en montrant comment le sentiment amoureux va, à partir d’un espace clairement défini (les bords du lac), finir par contaminer tous les autres un peu à la manière d’une fuite radioactive dont les effets d’abord invisibles se mettraient à avoir des conséquences de plus en plus grandes.
Pour mener à bien son exercice Rebecca Zlotowski s’appuie sur plusieurs forces: un scénario bien maîtrisé, des personnages parfaitement définis et une grande capacité d’observation (des lieux, des gens, de leurs gestes, de leurs regards). Pour compléter le tout, elle s’entoure d’une multitude de comédiens en état de grâce (des premiers rôles Léa Seydoux et Tahar Rahim aux seconds rôles, Olivier Gourmet et Denis Menochet en tête), et renforce efficacement la puissance de ses images par la musique de Rob (avec qui elle avait déjà travaillé sur Belle Épine).
Avec Grand Central la réalisatrice ne cherche pas à nous livrer un pamphlet antinucléaire simpliste mais préfère s’attaquer au plus profond des sentiments, un peu à la manière de ses personnages qui se jettent au cœur du réacteur. Non seulement elle y parvient magnifiquement, mais elle le fait avec une force qui n’est pas sans rappeler le meilleur du cinéma français des années 30. On s’attendrait presque à voir débarquer Gabin ou Carette. Mais Grand Central, même s’il a les qualités de ses aînés, colle à son époque! Il n’est signé ni Renoir (même si un personnage se prénomme Toni!), ni Duvivier, mais Rebecca Zlotowski… qui est déjà devenu bien plus qu’une simple promesse! Après seulement deux films, elle vient clairement d’entrer dans la cour des grands!