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3 mai 2024

★★ | Occupied City (Une ville occupée)

★★ | Occupied City (Une ville occupée)

Réalisation : Steve McQueen | Dans les salles du Québec le 3 mai 2024 (Enchanté Films)
Le problème lorsque l’on voit deux films en un, c’est que parfois, on a le sentiment que chaque film aurait été meilleur que la fusion des deux. Le premier film qu’aurait pu faire Steve McQueen avec Occupied City est un film documentaire de 4h30, sans commentaires, proposant des images d’Amsterdam pendant la COVID. Peut-être même que ce film aurait été fascinant, presque hypnotique, incitant parfois à l’introspection, parfois à la curiosité; nous questionnant sur notre rapport aux autres, à l’importance d’être ensemble. Mais n’insistons pas. Ce film n’existe pas. Il ne constitue que la bande image de Occupied City.
La bande son, elle, compose ce second film imaginaire. Ou peut-être aurait-elle pu former des épisodes d’un podcast de 4h30 consacré à la seconde guerre mondiale, et plus spécifiquement à des dizaines d’histoires consacrées à des personnes pourchassées pendant la seconde guerre mondiale et persécutées par le régime nazi. Adapté d’un livre de Bianca Stigter (l’épouse de McQueen), cette bande son est fascinante grâce à la voix de Melanie Hyams, mais aussi (et surtout) grâce au choix fait de parler de l’histoire sous l’angle de l’individu, pour redonner vie à toutes ces histoires individuelles qui formèrent un drame collectif.
Malheureusement, en fusionnant ce son et ces images, Steve McQueen nous propose un résultat parfois maladroit (l’un fait de l’ombre à l’autre, à moins que ça ne soit l’inverse), parfois carrément abjecte. (Non monsieur McQueen, la privation de liberté n’est pas la même quand on parle de mesure anti COVID et de Shoah, et les policiers qui font respecter les dites mesures n’ont rien de nazi, contrairement à ce que pourrait laisser supposer la superposition de certains commentaires à certaines images.)
Alors comme nous le disions, certaines images méritent d’être vues, le texte du film est passionnant et essentiel, car il redonne de l’humanité à ces individus que les nazis ont tenté de déshumaniser… Mais pour apprécier pleinement Occupied City, il serait préférable de le visionner en deux fois, soit un total de 9 heures (et oui !). La première fois avec des bouchons d’oreilles pour se concentrer sur les images, et la seconde fois avec un bandeau sur les yeux pour se concentrer sur la bande son. 

11 avril 2024

★★¾ | The Old Oak (The Old Oak: Notre pub)

★★¾ | The Old Oak (The Old Oak: Notre pub)

Réalisateur: Ken Loach) | Dans les salles du Québec le 12 avril 2024 (TVA-Films)
Fort d’une carrière plus qu’enviable s’échelonnant sur soixante années, Ken Loach est le cinéaste par excellence de l’indignation et de l’engagement social. S’il faut en croire la rumeur, The Old Oak serait son dernier film. C’est également, malheureusement, un de ses plus faibles.
On retrouve pourtant tout ce qui a fait le charme de son cinéma. Le scénario de son éternel complice Paul Laverty s’articule à nouveau autour d’un combat manichéen entre David et Goliath. Le propriétaire d’un pub qui est menacé de fermer prend le parti des réfugiés syriens, au grand dam d’une communauté raciste et récalcitrante. En tendant la main vers l’Autre, en lui parlant et en l’écoutant, on finit par se rendre compte qu’il nous ressemble comme deux gouttes d’eau…
Ces beaux messages empreints d’espoir sont nécessaires dans un monde de plus en plus sombre et cruel. C’est la manière d’articuler le récit qui fait sourciller. Au début, notre héros ne veut pas trop s’impliquer auprès de ces étrangers. Il les tolère, tout au plus. Mais lorsqu’il perd son principal lien affectif sur terre, que son chien meure tragiquement, il décide de se porter à la défense des nouveaux venus. C’est cette façon de mettre sur un pied d’égalité la vie d’un animal et la souffrance d’un être humain qui offusque au plus haut point, surtout de la part de Loach.
Pour le reste, le long métrage demeure en terrain connu, arpentant pratiquement les mêmes chemins balisés que ses précédents Sorry We Missed You et I, Daniel Blake. La mise en scène démonstrative et le ton moralisateur sont au service d’excellents interprètes, où se démarque particulièrement Dave Turner dans le rôle principal et Ebla Mari en photographe syrienne. Ce sont eux qui portent le film et véhiculent l’émotion. Jusqu’à ce trop-plein qui explose à la fin, qui sera bouleversante ou ridicule selon sa sensibilité.
Ken Loach s’avère plus sentimental que jamais avec The Old Oak, concluant une immense carrière avec un récit naïf et appuyé qui rappelle la nécessité d’être solidaire. Encore là, impossible d’aller contre la vertu. C’est juste que le réalisateur anglais nous avait habitués à beaucoup mieux.

19 janvier 2024

★★★ | The Zone of Interest  (La Zone d'intérêt)

★★★ | The Zone of Interest (La Zone d'intérêt)

Réalisation: Jonathan Glazer | Dans les salles du Québec le 18 janvier 2024 (Entract Films)
Le très attendu Zone of Interest, le dernier film de Jonathan Glazer, a fait l’objet de nombreuses discussions depuis sa première à Cannes et nous arrive avec une forte réputation de Palme d'or bis (de surcroît justifiée par l'obtention du Grand Prix). Le film suit la famille Höss, dont le père commande le camp d’Auschwitz et dont la mère est une maîtresse de maison modèle (maison située à proximité du camp). Glazer adopte une approche unique en se concentrant sur ce qui se passe en dehors du camp, évitant ainsi de montrer directement les horreurs commises à l’intérieur. C’est en adoptant ce point de vue qu’il choisit de traiter deux sujets : la négation et la banalité du mal.
Lorsque Glazer s’intéresse à l’épouse, dont la seule préoccupation est de s’occuper de son logis, le regard du cinéaste est en phase avec ce qu’il veut démontrer : le fait de ne pas voir permet de nier. Cependant, il est difficile d’ignorer ce qui se passe de l’autre côté du mur du camp, en raison des divers éléments que Glazer rappelle continuellement : bruits divers (cris, coups de feu, etc.), éléments visuels lointains mais impossibles à ignorer (fumée, miradors, etc.) mais également souvenirs directs des disparus (chaussures, vêtements ou dents en or qui sortent du camp pour être redistribués). En phase avec la logique du hors-champs mise en avant par Glazer, la démonstration tourne pourtant vite un peu à vide, comme si le cinéaste avait tout dit en 30 minutes et ne parvenait plus, par la suite, à transcender son concept.
Le second sujet, celui de la banalité du mal, est porté par le commandant du camp. Dans une scène parfaitement maîtrisée, Glazer nous dévoile toute la logique de cette banalité, lorsque Höss discute des aménagements qu’il pourrait apporter à l’usine d’incinération pour en augmenter la productivité. Les corps sont alors verbalement réduits à l’état de chargement, et l’augmentation de la capacité d’incinération fait totalement oublier l’horreur qui prend place à proximité des participants à cette réunion qui ressemble à n’importe quelle réunion de productivité de n’importe quelle usine. Cependant, on peut se demander pourquoi le second sujet nécessite la même logique de hors-champs / hors camp. N'est-ce pas uniquement par volonté de la part de Glazer de persister dans une direction artistique dont la justification théorique s’affaiblit pourtant au fur et à mesure du film?
Certes, Glazer montre la médiocrité de ces gens qui ne pensent qu’à réussir, c'est à dire à produire et plaire à sa hiérarchie pour l’un, et à s’occuper de la maison pour l’autre. Ceci ne nous apporte rien d’autre que nous n’imaginions déjà. Du haut de sa froide démonstration conceptuelle, le cinéaste ne dérange pas, ne fait pas douter, ne déstabilise pas, tout simplement car cette démonstration ressemble plus à une fausse bonne idée qu’à un réel point de vue. (Et là, forcement, on pense au Fils de Saul.)
Malgré ses ambitions, Zone of Interest ne parvient pas à dépasser les limites de son concept. Il reste néanmoins une œuvre d’un cinéaste dont le talent ne fait aucun doute, mais également un film qui soulève des questions importantes sur la nature humaine et la capacité de l’homme à nier l’horreur qui l’entoure. C'est déjà ça, mais de la part de l'auteur du sublime Under the Skin, nous étions en droit d'attendre beaucoup mieux.

21 juillet 2023

★★★¼ | Oppenheimer

★★★¼ | Oppenheimer

Réalisation: Christopher Nolan | Dans les salles du Québec le 21 juillet 2023 (Universal)
Quelques années après Tenet, qui nous plongeait dans un grand n’importe quoi avec un immense talent, Christopher Nolan nous entraîne maintenant dans un épisode de notre histoire, mais également dans son film le plus bavard, aux côtés de l’inventeur de la bombe atomique. Cela lui permet d’aborder de manière frontale bon nombre de sujets passionnants. Parmi eux, celui qui occupe la première partie du film est principalement l’obsession scientifique qui pousse à résoudre un problème qui devient plus importante que les conséquences de la résolution dudit problème. S’ensuit alors, après deux heures, un des moments les plus marquants de l’œuvre de Nolan. On y voit Oppenheimer confronté aux conséquences de sa réussite scientifique, seul face à une foule en délire, mais incapable d’en partager la ferveur, enfin conscient du caractère destructeur de son exploit. La suite, composée d’un mélange de culpabilité, de convoitises et de scènes de procès vient compléter le tout. Le talent du cinéaste permet à l’ensemble d’être passionnant et parfois impressionnant. Il est toutefois regrettable que Nolan se laisse prendre à son propre jeu en abusant de certains de ces effets préférés, qui ne semblent pas toujours ici à leur place. Parmi les plus préjudiciables, notons les effets sonores pas toujours maîtrisés (dans le genre, Nolan était clairement plus à l’aise avec Dunkirk) et la structure du récit qui aurait probablement gagné à être plus sobre, et donc un peu plus linéaire (nous ne sommes pas dans Tenet, et la partie de ping-pong temporelle n’est pas toujours pertinente).
Donc, beaucoup de talent (on le savait), parfois un peu trop envie d’en faire l’étalage (on le savait aussi), mais le sujet passionnant finit par prendre le dessus sur la tendance de Nolan à se prendre les pieds dans un excès d’ambition. Par contre, pour ce qui est du constat et de ce que l’avenir peut nous réserver, il faut avouer que le délire Kubricko-Folamourien avait au final plus de force. Comme quoi la farce est parfois plus glaçante que la prétention.

8 avril 2022

★★★¾ | Cow

★★★¾ | Cow

Réalisation: Andrea Arnold | Dans les salles du Québec le 8 avril 2022 (Cinéma du Parc)

Andrea Anold, réalisatrice notamment de Fish Tank et de American Honey, nous revient avec un documentaire qui délaisse l’adolescence au profit du monde animal. Cow met la vache au cœur de sa démarche. Peut-être devrions nous d’ailleurs plutôt dire : avec Cow, Andrea Arnold met sa caméra au cœur du troupeau. Elle y suit en effet une vache laitière (à l'exception d'une petite parenthèse avec un de ses veaux jusqu’à son départ de la ferme qui l’a vu naître), en restant toujours au plus près d’elle. Cette expérience hautement immersive, presque sans paroles (à l’exception des rares échanges des fermiers), nous fait vivre des bribes de vie d’une vache laitière pendant 94 minutes, de l’accouplement à la traite quotidienne, en passant par l’arrachement des petits et de rares moments de repos au champ (dont nous retiendrons un regard vers le ciel aux allures de méditation bovine particulièrement troublante). La force de Arnold est de nous montrer sans trop chercher à diriger notre regard. Ainsi, contrairement à Gunda (pour lequel j’ai plus de réserve que mon collègue, lire sa critique), Cow n’est pas une manipulation déguisée en expérience visuelle. Chez Armold, les images sont simples, jamais esthétisantes… et surtout, elle essaie de ne pas sombrer dans la facilité anthropomorphique (même si elle n’y parvient pas toujours totalement, ce qui est probablement la petite faiblesse du film). Elle se contente d’être au milieu des vaches, aux côtés de son sujet d’étude, avec la distance qui convient. Le trouble vient donc de notre observation de cette réalité plus que d’un message imposé, ce qui en augmente la force.
Ce sentiment trouve son apogée à la fin. Nous ne la raconterons pas, même si l’issue d’un animal de ferme est souvent la même pour une grande majorité. Pourtant ici, la fin de vie de la vache n’est pas celle qu’on anticipe. Une fin certes éprouvante pour le spectateur mais presque belle pour elle, très éloignée de celle de ses congénères qui connaîtront le stress de l’abattage à la chaîne. C’est la force du film : nous laisser comprendre la dureté des conditions d’élevage sans nous montrer le pire. Arnold n’impose pas un brûlot vegan simpliste, mais choisit de nous montrer juste ce qu’il faut pour nous donner envie de nous interroger sur notre rapport au monde animal.