13 février 2015

3 Cœurs ***½

Marc (Benoît Poelvoorde) rencontre Sylvie (Charlotte Gainsbourg) dans une ville de province, alors qu’il vient de rater son train. À l’aube, ils se donnent rendez-vous à Paris quelques jours plus tard. Victime d’un malaise cardiaque, Marc ne s’y rendra pas. Les semaines et les mois passent puis un jour il rencontre une autre femme, Sophie (Chiara Mastroianni), sans savoir qu’elle est la sœur de Sylvie.

Réalisateur : Benoît Jacquot | Dans les salles du Québec le 13 Février 2015  (Métropole)

En pleine nuit, après avoir raté son train, Marc rencontre Sylvie. Ce moment hasardeux qui aurait pu être banal en d’autres circonstances fait éclater un coup de foudre entre ces deux âmes esseulées. En quelques minutes, Marc se dévoile en confidences sous le regard rieur et complice de son interlocutrice. Dès la première séquence du film, Benoît Jacquot nous emporte dans la fièvre sentimentale de son protagoniste, interprété par un Benoît Poelvoorde d’une beauté suprême. Lorsque son personnage confesse le plaisir trouvé dans la compagnie des femmes et l’émotion bouleversante ressentie à explorer leur intimité, nous avons l'espace d’un moment l'impression que Jacquot parle à travers lui. On prêterait d'ailleurs plus volontiers ces confessions à un cinéaste (avec des nombreuses fictions féminines au compteur) qu’à un inspecteur des impôts!
3 Cœurs demande à son spectateur une part de foi très élevée en unissant d'abord cet homme avec deux sœurs, mais surtout en cherchant à préserver le mystère sur le lien qui unit les deux femmes. L'improbabilité de voir ces deux sœurs aimer le même homme (l’une secrètement, l’autre en épouse) ne pose pas réellement problème. Par contre, le pari d'étirer sur deux ans le moment de la révélation semble plus risqué, même si l'une des deux est partie vivre à New-York.
Pourtant, l’attachement pour cette histoire d’amour passionnelle demeure intact. En ravivant avec autant de passion et d’élégance le mélodrame sentimental, auquel il infuse une bonne dose de tension digne d’un thriller, Jacquot amène son cinéma à une densité émotionnelle inédite. On sent son film parfois se perdre (la piste du maire corrompu « qui triche » trop lisible dans ses intentions) mais au final, ses qualités, indéniables, priment et dominent sur l’ensemble. Que ce soit la solidité de son casting (Gainsbourg, Deneuve, Mastroianni, Poelvoorde..) ou la noirceur tragique avec laquelle son récit s’arrime sur les vertiges de la passion amoureuse, forcément irrationnelle, 3 Cœurs s’impose comme une œuvre terriblement forte et bouleversante sur la dictature obsédante du désir.
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