(Thomas Pillard; Joseph K.; 352 pages)
Lorsque l’on pense au film noir français, on aurait tendance à penser à certains films d’avant-guerre ayant plus ou moins influencé le film noir hollywoodien (Pépé le Moko, Le Quai des brumes, etc.). Avec cet ouvrage, Thomas Pillard préfère s’intéresser aux films d’après-guerre, généralement moins considérés.
Il divise pour cela son travail en trois parties: Le «réalisme noir» (de 46 à 58, avec des films comme Les portes de la nuit, Manèges ou Panique); la «série noire pour rire» (de 49 à 60) avec des films interprétés par Raymond Rouleau (Méfiez-vous des Blondes), Eddie Constantine (La môme vert de gris) et, plus surprenant, Fernandel (qui a abordé le genre avec L’ennemi public numéro 1 et L’homme à l’imperméable); le film de gangsters (54 à 56, avec des films majeurs comme Touchez pas au Grisbi, Bob le Flambeur ou Du rififi chez les hommes).
Cette étude fait ressortir plusieurs éléments intéressants. Elle nous permet d’abord de constater que les films qui ont influencé le film noir français d’après-guerre ne sont pas uniquement les films noirs hollywoodiens, contrairement à ce qui a été souvent dit. Elle met également en évidence la spécificité de ce genre qui, loin d’être une pâle copie de plusieurs influences, nous en dit beaucoup sur les conséquences de la guerre dans l’évolution de la société française (rôle de la femme, tendance à l’américanisation du pays avec le développement de la société de consommation, etc.). Finalement, malgré les différences apparentes entre ces trois sous-genres, on constate une cohérence dans le message que délivrent ces films.
Très documenté sur le plan historico-social, mais également très poussé dans son analyse des films (voire de certaines séquences ou de certains plans), cet ouvrage de très grande qualité est passionnant d’un bout à l’autre (même si, peut-être par souci d’équilibre structurel, la partie consacrée à la «série noire pour rire» nous semble un peut trop développée!). Il est à conseiller d’urgence aux amateurs du genre, à ceux qui s’intéressent à l’évolution de la société française d’après-guerre, ou tout simplement à ceux qui souhaitent voir à quel point le cinéma peut être le passionnant reflet de son époque!