6 juin 2016

Livre: Sortir du noir

(Georges Didi-Huberman; Les éditions de minuit; 64 pages)

Avec ce très court texte (moins de 50 pages) écrit sous la forme d’une lettre à László Nemes, le philosophe George Didi-Huberman revient sur Le fils de Saul, qu’il définit comme «le résultat d’un pari esthétique et narratif extraordinairement risqué.»
De manière simple et accessible (mais malheureusement trop brève), il aborde notamment le rôle de l’image (celles du film, celles réalisées en août 1944 par les membres du Sonderkommando de Birkenau*, celles prises par Saul dans le film), la nécessité du film («Un monstre nécessaire, cohérent, bénéfique, innocent») mais également sa nature même (un «conte documentaire») ainsi que son rapport au personnage de l’enfant mort, véritable moteur du film. Nous ne pouvons d’ailleurs pas résister au besoin de citer la conclusion de l’ouvrage, aussi essentielle que la lecture de ce court livre: «Il y a des fantasmes et des contes dans lesquels un enfant est battu. Il y a des situations, terribles, dans lesquelles un enfant se meurt. Toute l’autorité de Saul - et, partant, de cette histoire, de ce film - tient à ce qu’il crée de toute pièce, à contre-courant du monde et de sa cruauté, une situation dans laquelle un enfant existe, fut-il déjà mort. Pour que nous-mêmes sortions du noir de cette atroce histoire, de ce «trou noir» de l’histoire.»
Avant d’ouvrir le livre, le lecteur est en droit de se demander si un si court texte n’aurait pas eu sa place dans une revue savante, si une telle publication dans un livre (qui coûte tout de même 11 dollars) n’est pas un coup proche de l’arnaque. Finalement, l’auteur a probablement fait le bon choix. Pour sortir du noir, le texte de Didi-Huberman devait probablement être une entité propre!

* Didi-Huberman s’était déjà interrogé sur les questions soulevées par ces photos dans Images malgré tout (Les éditions de Minuit, 2003)
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