30 août 2018

★★★ | Nico, 1988

Réalisé par Susanna Nicchiarelli | Dans les salles du Québec le 31 août 2018 (EyeSteelFilm)
En s’attardant sur les deux dernières années de la vie de Nico, la réalisatrice renverse consciemment l’attente créée par le format biopic. La chanteuse allemande, Christa Päffgen de son vrai nom, est alors loin de sa carrière de mannequin ou de sa collaboration avec The Velvet Underground. À la fin de sa quarantaine seulement, Nico voit déjà la fin et s’efforce d’être en paix avec un passé ultimement irréconciliable.
C’est pourtant sur des images d’enfance que Nicchiarelli ouvre son film : Christa, en Allemagne, voit au loin Berlin qui brûle. C’est la fin de la guerre qui n’annonce rien de bon. La thèse est placée : la chanteuse vit toujours dans l’appréhension, dans la peur de la souffrance à venir, mais c’est aussi cette impression qu’elle essaiera éternellement de recréer dans sa musique. Dans le film, Nico évoque même qu’elle n’aurait jamais été heureuse «alors qu’elle était belle», dans ce qu’on considérerait probablement comme ses meilleures années.
Formellement, Nico, 1988 prend la forme d’un road movie assez confus. Voyageant avec sa troupe pour une dernière tournée, les péripéties que la chanteuse rencontre ne forment pas, a priori, de ligne directrice. Le film ne tient seulement qu’à la présence de son personnage principal. Loin de vouloir l’élever au rang de mythe, Nicchiarelli la présente à son plus vulnérable et, souvent, à son plus détestable. Jouée avec abandon par Trine Dyrholm, qui réinterprète des morceaux de la chanteuse avec un mimétisme frappant, Nico est un personnage foncièrement antipathique.
L’ensemble prend en quelque sorte une forme épisodique dont l’intérêt varie grandement. Le tempérament imprévisible du personnage principal est souvent exploré sans toutefois arriver à un résultat probant. Les scènes de crises deviennent rapidement répétitives et, sans ligne directrice pour les soutenir, mènent rapidement nulle part. Le film prend un peu de forme alors que Nico commence à renouer avec son fils, mais le point narratif, même s’il apporte de beaux moments, est trop peu approfondi pour prendre complètement forme.
Malgré son caractère confus, Nico, 1988 réussit en tant que portrait impressionniste de son personnage. Nicchiarelli évite les poncifs structurels des biopics. Il n’y a pas, dans son film, d'ascension vers la gloire avant la descente dans l’oubli. Lorsque, dans des flash-backs, Nico est présentée à son sommet, c’est à partir d’images filmées par Jonas Mekas. L’avant-gardiste filmait déjà le présent comme un souvenir éphémère. Nicchiarelli dans son film fait un contrepoint à l’histoire qui tend à différencier la chanteuse lors de sa gloire et après celle-ci. Le film ne s’attarde que sur la fin de sa vie mais démontre que dans toute celle-ci, Nico était une figure tragique qui imposait l’admiration malgré l’antipathie qu’elle inspirait.
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