Réalisé par Jeremiah Zagar | Dans les salles du Québec le 7 septembre 2018 (EyeSteelFilm) |
We the animals, premier long-métrage de fiction du réalisateur Jeremiah Zagar est une adaptation fascinante du roman de Justin Torres. En évitant toute forme de voyeurisme, Zagar demeure fidèle à son instinct de documentariste. Il nous invite à observer les tribulations d’une famille dont la destinée semble sans issue. Les problèmes financiers (les deux parents occupent des emplois sous-rémunérés) et familiaux (l’équilibre du couple est des plus vacillants) nous laissent présager le pire pour les enfants qui sont véritablement livrés à eux-mêmes. C’est d’ailleurs sur ces enfants (trois jeunes comédiens non professionnels), que le réalisateur jette son regard bienveillant. Il s’attardera sur le plus jeune des trois (Evan Rosado), qui se retrouve en pleine période de confusion face à sa sexualité.
La mise en scène (montage impressionniste, choix musicaux, direction photo), se retrouve à la hauteur des enfants. Une liberté s’en dégage. Tout en suivant une courbe dramatique, la structure fluide du récit nous permet de constants échappatoires vers l’imaginaire du plus jeune des garçons. Passionné par le dessin, il illustre son quotidien dans un cahier qu’il cache aux autres membres de sa famille. Ce jardin secret est partagé avec le spectateur sous la forme de séquences d’animations qui s’intègrent parfaitement au récit.
Zagar nous propose une œuvre sensible sur la résilience. Ici, les enfants sont les plus forts. Aussi solides (voire plus) que les adultes autour d’eux. Dans le rôle des parents, Sheila Vand et Raoùl Castillo offrent tous deux une interprétation tout en finesse. Malgré les imperfections qui habitent leurs personnages, on arrive tout même à réaliser les nuances et les profondeurs de leurs caractères. Tout n’est pas noir ou blanc. Le film évolue avec aisance dans cette zone de gris. Il est question de pauvreté, de racisme (le père est portoricain), de violence conjugale, de dépression, d’homosexualité. À tout moment, le film nous donne l’impression de glisser vers le mélodrame. Contre toute attente, Zagar parvient à garder un équilibre en traitant ces thèmes avec compassion.
We the animals confronte avec brillance la dure réalité à la poésie de l’enfance.