20 février 2020

★★¾ | Une grande fille / Beanpole (Дылда)

Réalisation : Kantemir Balagov | Dans les salles du Québec le 21 février 2020 (Cinéma Du Parc)
Une grande fille, second film du réalisateur russe Kantemir Balagov, est revenu du dernier Festival de Cannes avec l’admiration de la critique internationale (il a remporté le Prix FIPRESCI pour la section Un certain regard), du jury (il a remporté le Prix de la mise en scène dans cette même section) et d’un grand nombre de cinéphiles. Malheureusement, nous ne partageons pas cet enthousiasme, même si nous le comprenons en partie.
Nous reconnaissons en effet à Kantemir Balagov d’évidentes qualités de cinéaste. La plus impressionnante est sa capacité à donner vie à un personnage en quelques plans, notamment par sa manière de filmer la fébrilité d’un visage, la fragilité d’un corps, l’inconfort oppressant d’un décor d’après-guerre (hôpital, rue, appartements, etc.). Malheureusement, son talent de metteur en scène est amoindri par un effet pervers. Balagov semble si confiant dans ses capacités qu’il finit par en faire un peu trop, aux dépens de ses personnages, et donc de son film. Certes, il sait nous fait comprendre des choses de manière non explicite, mais il finit par transformer cet atout en faiblesse lorsqu’il filme des silences avec une telle insistance qu’ils finissent par perdre leur sens, leur force, leur intérêt. Ainsi, la plupart des interactions entre les personnages sont transformées en exercices plus conceptuels qu’autre chose, qui transforment des protagonistes potentiellement passionnants (mais aussi les multiples enjeux abordés dans le film) en de simples faire-valoir au service d’un metteur en scène persuadé de son talent.
Alors bien sûr, les récalcitrants aux notes trouveront probablement notre ★★¾ un peu sévère. Ils pourraient même citer quelques plans d’une beauté infinie ou quelques scènes qui contrediront les lignes qui précèdent (parfois, en effet, Balagov nous offre des silences qui servent les personnages, comme ce regard troublant du personnage de Masha à travers les vitres sales d’un transport en commun). Pour notre part, nous voyons surtout dans ce Дылда un gaspillage de talent. Mais parce que son réalisateur est extrêmement doué, nous le conseillerons toutefois aux purs cinéphiles !
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