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26 février 2021

★★★★ | Chers camarades! / Dear Comrades (Дорогие товарищи)

★★★★ | Chers camarades! / Dear Comrades (Дорогие товарищи)

Réalisation : Andreï Konchalovski | Disponible au Québec en VSD et en salle le 26 février 2021 (EyeSteelFilm)

Le cinéma russe ne cesse de puiser à même son histoire afin d'exposer les failles d'un système austère et gangrené. Ce fut le cas récemment de l'hallucinant Leto de Kirill Serebrennikov, du puissant Conference d'Ivan Tverdovsky et maintenant de l'excellent Chers camarades! de l'expérimenté Andreï Konchalovski, récompensé à la Mostra de Venise et qui pourrait très bien se retrouver aux Oscars.
Se déroulant à l'été 1962 dans une ville de l'URSS, le récit plonge dans le quotidien d'une bureaucrate prête à vilipender tout sentiment anticommuniste. Elle finit toutefois par désenchanter lorsqu'une séance de protestation tourne au massacre et que sa propre fille disparaît dans la foulée...
C'est la fin des illusions pour l'héroïne, incarnée royalement par la sublime et impériale Julia Vysotskaya, dont le personnage fait d'abord l'effet d'une mégère avant d'être confirmé comme victime. Manipulée à l'image de ses semblables par un système implacable, elle est en perpétuelle quête de liberté. Mais cela paraît impossible tant les mains invisibles se dressent pour l'arrêter et l'attraper. L'absurdité règne et si elle n'est pas aussi caustique que dans The Death of Stalin, un certain humour noir en émane... jusqu'au moment où la tragédie sonne.
S'attendre alors à une variation du chef-d'œuvre La grève d'Eisenstein serait bien mal connaître le cinéaste à la feuille de route complétement imprévisible, qui a écrit les scénarios des premières fresques d'Andreï Tarkovski et dirigé Sylvester Stallone! À 83 ans, Konchalovski adhère plutôt au calme méthodique, faisant beaucoup avec un budget limité. Sa mise en scène quelque peu statique se veut réfléchie et minutieuse, alors que ses exposés rhétoriques demeurent empreints de considérations morales et, ultimement, émotionnelles.
Sur une belle lancée depuis Les nuits blanches du facteur, le réalisateur tranche avec le côté âpre de son précédent Michel-Ange en renouant avec une superbe photographie en noir et blanc déjà exploitée dans Paradise. Mais son utilisation est ici beaucoup plus ingénieuse. Le cinéphile assiste à un combat permanent entre l'ombre et la lumière, cette dernière tentant de lever le voile opaque du silence et des mensonges. Puis il y a l'élaboration du cadre de l'image, plus serré que d'habitude, qui semble continuellement étouffer les êtres et même aspirer leur âme.
À l'image de Dostoïevski avec le bagne et de Soljenitsyne avec les goulags, Konchalovski tente avec ce qui est l'un de ses plus grands opus en carrière de faire œuvre utile en révélant ce qui fut longtemps tût. Porté par son titre ironique, Chers camarades! devient ainsi un important effort de mémoire qui éclaire autant hier qu'aujourd'hui et qui rappelle que le septième art russe est en pleine vitalité, entre la vision de ses maîtres (Sokourov, Zvyagintsev) et celle d'élèves ultra doués qui proposent des œuvres fortes comme Beanpole et DAU. Natasha.

20 février 2020

★★¾ | Une grande fille / Beanpole (Дылда)

★★¾ | Une grande fille / Beanpole (Дылда)

Réalisation : Kantemir Balagov | Dans les salles du Québec le 21 février 2020 (Cinéma Du Parc)
Une grande fille, second film du réalisateur russe Kantemir Balagov, est revenu du dernier Festival de Cannes avec l’admiration de la critique internationale (il a remporté le Prix FIPRESCI pour la section Un certain regard), du jury (il a remporté le Prix de la mise en scène dans cette même section) et d’un grand nombre de cinéphiles. Malheureusement, nous ne partageons pas cet enthousiasme, même si nous le comprenons en partie.
Nous reconnaissons en effet à Kantemir Balagov d’évidentes qualités de cinéaste. La plus impressionnante est sa capacité à donner vie à un personnage en quelques plans, notamment par sa manière de filmer la fébrilité d’un visage, la fragilité d’un corps, l’inconfort oppressant d’un décor d’après-guerre (hôpital, rue, appartements, etc.). Malheureusement, son talent de metteur en scène est amoindri par un effet pervers. Balagov semble si confiant dans ses capacités qu’il finit par en faire un peu trop, aux dépens de ses personnages, et donc de son film. Certes, il sait nous fait comprendre des choses de manière non explicite, mais il finit par transformer cet atout en faiblesse lorsqu’il filme des silences avec une telle insistance qu’ils finissent par perdre leur sens, leur force, leur intérêt. Ainsi, la plupart des interactions entre les personnages sont transformées en exercices plus conceptuels qu’autre chose, qui transforment des protagonistes potentiellement passionnants (mais aussi les multiples enjeux abordés dans le film) en de simples faire-valoir au service d’un metteur en scène persuadé de son talent.
Alors bien sûr, les récalcitrants aux notes trouveront probablement notre ★★¾ un peu sévère. Ils pourraient même citer quelques plans d’une beauté infinie ou quelques scènes qui contrediront les lignes qui précèdent (parfois, en effet, Balagov nous offre des silences qui servent les personnages, comme ce regard troublant du personnage de Masha à travers les vitres sales d’un transport en commun). Pour notre part, nous voyons surtout dans ce Дылда un gaspillage de talent. Mais parce que son réalisateur est extrêmement doué, nous le conseillerons toutefois aux purs cinéphiles !

17 mai 2019

★★★★ | Leto (L’été)

★★★★ | Leto (L’été)

Réalisé par Kiril Serebrennikov | Dans les salles du Québec le 17 mai 2019 (MK2│Mile End)
Inspiré de la carrière Viktor Tsoï et de son entrée dans la scène musicale underground russe des années 80, Leto se libère avec aisance du film autobiographique classique. Dès l’entrée en matière, la mise en scène fluide se calque sur la nature de ses personnages, des situations vécues ou des émotions ressenties. La musique, point central du récit, nous porte tout au long du film. Les chansons (en russe, sous-titrées pour le spectateur), se greffent parfaitement à la structure narrative de l’histoire.
Au centre de celle-ci, un triangle amoureux entre Viktor (Teo Yoo), un jeune chanteur talentueux, Natalia (Irina Starshenbaum), femme de Mike (Roma Zver), idole et mentor de Viktor. Malgré la tension ou l’aspect dramatique qui pourrait ressortir du triangle amoureux, le film fait le pari de l’aborder avec nuance. Ici, pas de crises, pas de scènes explosives. Tout passe par la musique, les chansons et la mise en scène assumée. Dans le cadre qui nous transporte au gré des situations, on aura souvent l’impression d’un chaos contrôlé. On bouge, on danse, on boit, on joue ou on écoute de la musique. Le besoin de liberté qui fait vibrer les personnages à travers leur musique est en contradiction totale avec l’austérité du régime soviétique de l’époque. Dans la salle de spectacle où se produisent les musiciens, les spectateurs sont gentiment assis en rang. Ils n’ont pas le droit de se mettre debout, de danser ou de se laisser emporter par la mélodie. Calmement et avec retenue, ils tapent des pieds en signe d’appréciation. Le film échappe à cette austérité par des scènes ludiques où le temps d’une chanson, la ville et ses habitants chantent et dansent au rythme de la musique.
Viktor et Mike sont des amoureux de musique. Les références à des groupes ou à des compositeurs connus internationalement parsèment le film (Blondie, Lou Reed, The Beatles, etc.). Malgré ces influences, le film propose de nous faire découvrir avec fierté un groupe russe qui aura marqué son époque. La distance de langue ou de culture n’est pas un obstacle car en dernier lieu, la musique dépasse toutes les frontières. Leto est une œuvre puissante, qu’il faut écouter et regarder avec attention.

21 février 2018

5 mai 2015

DVD: Black Sea (Mer Noire) **

DVD: Black Sea (Mer Noire) **

(Réalisateur: Kevin MacDonald | Disponible en DVD au Québec à partir du 5 mai 2015 chez Séville)

Kevin MacDonald est en train de devenir un habitué des sorties québécoises directement en DVD. Après le très beau (et passé trop inaperçu) How I Live Now, c’est au tour de Black Sea de connaître le même sort.