12 juin 2020

★★★★ | It Must Be Heaven

Réalisation : Elia Suleiman | Au Québec : en primeur numérique à partir du 12 juin 2020 (Cinéma moderne et Cinéma du Parc) puis VSD à partir du 19 juin, puis dans les salles à partir du 3 juillet.
It Must Be Heaven refuse de se présenter sous les formes attendues du film politique engagé. Elia Suleiman s’y met en scène, voyageant de la Palestine vers Paris et finalement New York, essayant de faire financer infructueusement un nouveau film. Alors que son projet est déclaré par un producteur comme « trop peu palestinien », on comprend que la critique soulevée pourrait bien être donnée au film qui nous est présentement montré et que Suleiman, avec une certaine fantaisie, commente son statut de cinéaste de la région. Le film s’inspire donc moins du cinéma revendicateur que des comédies silencieuses d’un Mr. Hulot, entre autres. Suleiman s’y place comme un observateur tranquille, avare en paroles, qui ne s’esclaffe que légèrement face aux situations dont il est témoin. Il regarde des tics culturels des lieux visités avec un humour bienveillant, moqueur mais sans condescendance, faisant d’It Must Be Heaven une comédie d'où émane une lucidité tranquille.
Si le caractère d’observateur amusé du film s’oppose à ce que l’on pouvait attendre, comme il est noté dans le film, d’un cinéaste palestinien, ce n’est surtout pas parce qu’It Must Be Heaven est sans préoccupations, bien au contraire. Dans son caractère absurde, Suleiman souligne autant les différences des lieux qu’il visite que leurs inévitables ressemblances : la présence de soldats en Palestine rejoint les parades armées de la France et l’omniprésence des armes aux États-Unis. Les symboles se rejoignent et, même si leurs contextes diffèrent, ils sont habités par des inquiétudes parallèles. La question du « film palestinien » revient alors, et la réponse que Suleiman donne n’est peut-être pas celle voulue par les marchés internationaux, mais c’est la plus sincère : le geste cinématographique se doit d’être libre, dans les mains de son créateur, et peu importent les attentes qui lui sont appliquées.
It Must Be Heaven ne ressemble peut-être pas à un film politique sur la Palestine. Cependant, dans sa liberté de filmer, Suleiman réussi à présenter un regard propre à lui-même et à son expérience.
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