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28 janvier 2022

★★★ | Médecin de nuit

★★★ | Médecin de nuit

(Réalisation : Elie Wajeman | Déjà en VOD au Québec ; au "cinéma Beaubien en ligne" depuis le 27 janvier 202 (FunFilm)
Un médecin de nuit parisien passe d’appartement en appartement pour visiter des patients, aide comme il peut les toxicomanes, fait du trafic d’ordonnances pour son cousin pharmacien, essaie de sauver son couple tout en couchant avec la future femme dudit cousin et commence à se mettre à dos les trafiquants de médicaments. Voilà beaucoup pour un seul homme. On pourrait même se demander si cela ne serait pas également trop pour un (court) film. Pourtant, Wajeman, que nous aimons beaucoup, est un habitué du mélange des genres.
Son précédent film, Les anarchistes, était un mix de film d'infiltration, de romance et de reconstitution historique. Son premier, Alyah, voyait se côtoyer polar, film de famille et film sentimental. Malheureusement, pour Médecin de nuit, Wajeman ajoute à ces trois derniers genres l’observation sociale et finit par se prendre les pieds dans ses fils narratifs pourtant ténus. Certes, son talent lui permet de limiter la casse, mais nous avons la constante impression que chaque intrigue annihile la force de l’autre au lieu de la renforcer (comme c’était le cas pour ses deux premiers films). Ceci est d’autant plus regrettable que le poids de la tragédie qui pèse à l’évidence d’emblée sur les épaules du personnage-titre convient parfaitement à un Vincent Macaigne, magistral en faux calme complexe qui manie le stylo et la compassion aussi bien que les coups de poing dans la gueule. Il n’est d’ailleurs pas le seul à rendre le film très fréquentable malgré nos réserves. La photo de David Chizallet (qui avait déjà signé celle de Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan) épaule parfaitement la mise en scène de Wajeman, et lui permet de recréer une vie nocturne qui nous ferait presque oublier un scénario maladroit.
Mais, probablement trop court, le film ne parvient jamais à assumer ses pérégrinations nuiteuses qui auraient pu le rendre si beau (et probablement plus signifiant)! Il faudra donc se contenter d’un film agréable, qu’on oubliera probablement vite dans sa globalité, mais dont resteront gravés un plan, un regard, une démarche, une explosion de violence Macaignienne, et la sensation renouvelée que Wajeman est un cinéaste dont il faut absolument voir les films, y compris celui-ci, notamment en raison de sa capacité à filmer les êtres avec sensibilité. On aurait toutefois envie, à l’avenir, de le voir oser une forme plus épurée ! Juste par curiosité…

20 janvier 2022

★★★½ | Un Héros (Ghahreman)

★★★½ | Un Héros (Ghahreman)

Réalisation: Asghar Farhadi | En VOD au Québec le 11 janvier 2022 (Amazon Prime Video)
Les créations d'Asghar Farhadi se suivent et se ressemblent. Les protagonistes pleins de bonne foi se font tous aspirer par les spirales implacables d'un système gangrené, d'une société déshumanisée où les règles sont impossibles à suivre sans se dérober.
Un héros (Grand prix à Cannes en 2021) ne fait pas exception, interrogeant la notion d'héroïsme à une époque complexe et ambiguë où la cupidité et les réseaux sociaux mènent le monde. En prison pour ne pas avoir épongé une dette, Rahim voit l'occasion de se racheter et de laver son nom en rendant une large somme d'or à son propriétaire. Le plan ne se déroule évidemment pas comme prévu…
Après son tiède Everybody Knows qui se déroulait en sol étranger, l'homme derrière le magnifique Une séparation retrouve ses repères en retournant chez lui. Construisant à nouveau son récit comme un suspense insoutenable, il propose un le long métrage qui électrocute les fondements d'une nation en troquant la subtilité pour l'efficacité. Le scénario riche de rebondissements fait fi d'invraisemblances tardives pour faire réagir, y arrivant aisément.
S'il n'y a rien de véritablement inédit sous le soleil et que son traitement pourrait paraître misanthrope, le créateur de l'oscarisé Le Client se démarque dans sa façon de développer son héros. Tout sourire, l'acteur Amir Jadidi laisse son charme naturel ressortir, finissant par manipuler son entourage comme le cinéaste manipule allègrement le cinéphile, multipliant de fausses joies en lui posant constamment des lapins.
Une certaine humanité transparaît pourtant à l'horizon, prenant la forme de l'honneur bafouée de Rahim et de son humiliation quotidienne. Face aux regards d'un fils bègue, il fera l'impossible pour ne pas boire complétement la tasse et bien paraître à ses yeux. Une moralité presque retrouvée pour une relation qui n'est pas sans rappeler celle, légendaire et universelle, qui s'établissait au cœur même du Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica.
Même s'il utilise encore et toujours le même canevas pour transcrire les dédales d'une société qui finit par broyer ses individus, Asghar Farhadi s'affiche au sommet de son art, signant avec Un héros son film le plus réussi depuis Le Passé. À découvrir si possible en doublé avec l'Ours d'Or 2020, Le diable n'existe pas de Mohammed Rasoulof, pour se rappeler que tout ne tourne peut-être pas rond en Iran.

16 janvier 2022

★★★¼ | The Tragedy of Macbeth

★★★¼ | The Tragedy of Macbeth

Réalisation: Joel Coen | En VOD au Québec depuis le 14 janvier 2022 (AppleTV)

Pour son premier film sans son frère Ethan après plus de 35 ans de carrière, Joel Coen s’est tourné vers Shakespeare avec cette énième adaptation au cinéma de sa célèbre tragédie de Macbeth. Tournée entièrement sur scène avec une économie de décor (construit spécialement pour le film), cette nouvelle adaptation constitue un défi que remplit honorablement le cinéaste. (Précisons que seul le dernier plan du film a été tourné à l’extérieur.)
En utilisant un format standard (d’un rapport de 1,37:1), Coen ajoute une dimension claustrophobe aux événements qui se jouent à l’écran. Fidèle au texte et à la langue de Shakespeare, et ne cherchant pas à la moderniser, le film s’appuie sur ses formes et ses choix esthétiques. Très dépouillée, jusqu’à l’épure, la mise en scène renvoie essentiellement à l’esthétique du cinéma expressionniste allemand tout en truffant le tout de nombreuses références autant à a peinture qu’au cinéma d’antan (Dreyer et Hitchcock notamment). Avec son jeu d’ombre marqué, la magnifique photo en noir et blanc de Bruno Delbonnel occupe une place essentielle et ses nombreux contrastes ajoutent une dimension cauchemardesque et brumeuse à la pièce d’origine. Nous sommes donc bel et bien dans un univers filmique par opposition à la notion du théâtre filmé. D’un point de vue purement esthétique, le film est irréprochable, tout comme l’interprétation d’ailleurs : Denzel Washington et Frances MacDormand forment un beau couple vieillissant de antihéros tragiques.
En revanche, on sent parfois l’artifice derrière la mise en scène et malgré la progression dramatique et les enjeux palpables qui se déroulent à l’écran, un certain ennui s’installe. Contrairement aux adaptations passées de Kurosawa et de Polanski, cette nouvelle vision peine à aller au-delà de la virtuosité et à outrepasser le pur exercice de style, et cela malgré le dernier plan (mémorable) du film.

3 décembre 2021

★★★★ | La main de Dieu / The Hand of God (È stata la mano di Dio)

★★★★ | La main de Dieu / The Hand of God (È stata la mano di Dio)

Réalisation: Paolo Sorrentino | Dans les salles du Québec le 3 décembre 2021 | En VOD le 15 décembre (Netflix)

Après des incursions récentes dans le monde des séries et les épopées vaticanes et politiques (The New Pope, Loro et The Young Pope), le cinéaste italien Paolo Sorrentino revient au cinéma dans tous les sens du terme et dans sa Naples natale avec La Main de Dieu. Récompensé par le Grand prix du jury de la Mostra de Venise plus tôt cette année, ce film à saveur autobiographique nous plonge dans la ville de Naples en 1984 alors que le destin d’un adolescent mal dans sa peau va basculer à jamais.
Avec ce huitième long métrage, le réalisateur de La grande beauté réalise son film le plus personnel et ambitieux à ce jour, une œuvre à la fois intimiste et grandiose où se mêlent la famille, le cinéma et le sport. La venue du légendaire joueur de foot Diego Maradona y constitue le pivot de ce drame sur le passage à l’âge adulte à la rude…où le rêve est éclipsé par des événements dramatiques avant l’inévitable quête de sens et la découverte de sa propre identité.
Sous l’apparence d’un récit fourre-tout et anecdotique, le cinéaste joue habilement avec les émotions et fait preuve d’une grande chaleur humaine. Il touche au sacré et au profane de façon habile, les deux éléments alimentant les pensées et les sentiments d’un adolescent pubère et imaginatif (l’excellent nouveau venu Filippo Scotti, dont l’émotion passe d’abord par son regard sur ce qui l’entoure). Grand admirateur de Fellini depuis toujours, Sorrentino raconte ainsi ses souvenirs d’enfance comme un conte magico-réaliste peuplé de personnages colorés, où le réel et l’imaginaire se chevauchent dans un esprit subversif. Avec sa mise en scène détaillée aux allures pittoresques et ses images somptueuses et nocturnes, Sorrentino signe un grand film nostalgique rempli d’une douceur ironique qui, en quelque sorte, est son Amarcord à lui.
À voir absolument sur grand écran avant qu’il ne débarque sur Netflix le 15 décembre.

19 novembre 2021

★★★ | The power of the Dog (Le pouvoir du chien)

★★★ | The power of the Dog (Le pouvoir du chien)

Réalisation: Jane Campion | Dans les salles du Québec depuis le 17 novembre | Sur Netflix à partir du 1 décembre

Après plus de dix ans d’attente, Jane Campion nous revient enfin avec un nouveau long métrage ! Elle y explore un univers très viril (celui du western), en suivant dans un premier temps la confrontation de deux frères aux personnalités diamétralement opposées. Très vite, un personnage féminin fera son entrée dans la danse, tout comme celui de son fils, jeune adulte éduqué et artiste, à des années-lumière du héros de western.
La cinéaste continue alors son petit jeu de confrontation des contraires entre ses différents personnages, mais également entre les grands espaces et les intérieurs, associés à des référents westerniens très signifiants (le masculin et le féminin), en prenant un malin plaisir à brouiller les cartes pour permettre aux contraires de se rapprocher (?), à certains liens de s’étioler, et surtout aux certitudes de se déliter.
Les enjeux multiples qu’aborde Campion avec une grande intelligence (car avec un refus de la facilité et un sens de la nuance parfaitement maitrisée), son indéniable sens de la mise en scène (la valse des personnages entre intérieur et extérieur) et ses qualités de direction d’interprètes (Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst et Jesse Plemons ont rarement été aussi excellents!) auraient pu contribuer à faire de The power of the Dog un très grand film. Il ne l’est malheureusement pas, comme il n’est pas la meilleure relecture d’un genre par Campion (nous préférions sa relecture du film noir avec le pourtant malaimé In the Cut, que nous conseillons plus que jamais de revoir).
La faute en revient probablement à sa durée, trop courte (malgré ses 2 h 06) pour aller en profondeur dans l’exploration du concept mis en place par la réalisatrice. La succession de confrontations qu’elle construit (les deux frères, les futurs époux, le fils et son oncle par alliance, etc.) qui n’a pas le temps de rendre compte de leur richesse, de leur complexité, de leur évolution. Le rythme aurait probablement gagné à être plus lent, le temps plus étiré, le film plus long. Pour cette raison, le film manque de “vie” et se transforme régulièrement en exercice certes intelligent et bien construit, mais rendu abstrait par des personnages qui ressemblent plus à des portevoix d’une intention de cinéaste qu’à des vecteurs de la complexité des sentiments et des relations.