19 mai 2023

★★★ | Master Gardener (Les racines de la violence)

Réalisation: Paul Schrader | Dans les salles du Qubec le 19 mai 2023 (VVS Films)
Le scénariste et réalisateur américain Paul Schrader n’a pas besoin de présentation. Depuis près de cinquante ans d’une carrière élogieuse mais inégale, ce rebelle d’Hollywood semble a priori toujours revisiter ces deux thèmes réguliers: l’amour et la notion de pardon et de rachat. Avec Master Gardener, sa vingt-troisième réalisation, le scénariste de Taxi Driver raconte une histoire d’amour naissant en apparence simple mais qui bifurque vers une sombre histoire de passé trouble, chemin vers une rédemption impitoyable. Entamé par le sublime First Reformed (qui marquait un retour en grande forme après un passage à vide) en 2017 et suivi de The Card Counter en 2021, Master Gardener marque la fin d’une trilogie sur des personnages masculins marginaux à la conscience morale destructrice et prenant le chemin du pardon. C’est à nouveau sous la forme de la jeunesse (la nièce afro-américaine de sa patronne) que le chaos et les douleurs anciennes vont ressurgir pour ce personnage d’un jardinier expert en art floral, mais toujours tourmenté par les horreurs de son passé de néonazi. Sous cet éternel fardeau de la culpabilité (révélé par des rêves et flash-back), le protagoniste campé par Joel Edgerton (méconnaissable sous son faciès ressemblant étrangement à Conan O’Brien) est confronté à nouveau à ses propres démons.
On reconnaît la touche Schrader dans cette peinture de personnages marginaux moralement ambigus. Le racisme est au cœur de l’intrigue et sa nature controversée est à nouveau présentée avec la sécheresse et la cruauté propre à son cinéma, au détriment des préférences du public. Il se dégage de ce récit au rythme lent et délibéré une noirceur intrinsèque empreinte de mélancolie (présente également dans ses deux films nommés plus haut). À 76 ans, Schrader se dissocie peu à peu de son nihilisme antérieur et de ses êtres désespérés au bord de la désolation. Cette maturité émotionnelle est évidente, mais pas toujours crédible car l'incertitude de cette nouvelle romance improbable semble être le fruit de l’imagination de son auteur vers une lumière potentielle qui relève davantage du concept amoral que d’un ultime bonheur épanoui.
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