La montagne, dans les salles du Québec le 14 juillet 2023 (Axia Films)
Thomas Salvador, réalisateur et acteur de La Montagne |
L’acteur et cinéaste Thomas Salvador avait séduit les cinéphiles en 2014 avec
Vincent n’a pas d’écailles, un film de super-héros qui sortait largement des
sentiers battus. Le voici de retour avec La montagne, un nouvel ovni où il
incarne un homme qui plaque tout pour s’installer à flanc de montagne.
Rencontre avec son réalisateur.
Qu’est-ce qui vous a amené vers La montagne ?
Adolescent, je voulais être cinéaste et guide de hautes montagnes. J’ai depuis
très longtemps une idée d’un personnage qui va en montagne et qui ne veut plus
en redescendre.
On sent dans la première partie du film une sorte de clivage entre la nature
et la civilisation, avec ce héros qui se transforme au contact de la
montagne.
Pierre redécouvre son rapport au temps. Il redevient curieux et il regarde les
choses autrement, tout en douceur. Je tenais à ce que ça soit une forme de
révolution pour lui. C’est parce qu’il fait tout ce chemin qu’il peut aller
plus loin et à un moment, quand il est prêt, il y a la dimension fantastique
qui arrive.
Un fantastique qui prend une dimension minimaliste.
Oui. J’ai envie que l’aspect un peu surnaturel arrive de manière la plus
naturelle et organique possible.
À l’instar de votre précédent long métrage Vincent n’a pas d’écailles, vous
abordez le genre pour mieux le détourner…
J’essaye de faire des choses que je ressens profondément. C’est pour ça aussi
que je mets du temps à faire des films et que je joue dans mes films. J’ai
besoin de trouver une justesse, d’éprouver physiquement le pourquoi. Parce que
je fais des films comme des aventures, comme des rencontres.
La conclusion laisse plusieurs questions en suspens.
Ce qui m’intéresse, c’est que les spectateurs ressentent des choses et des
sensations. Mon rêve, c’est que les gens soient traversés et nourris par le
film, mais sans qu’ils ne sachent trop pourquoi… Je ne sais pas tout du film
que je fais. Il y a plein de choses sur sa signification profonde qui
m’échappent et que je découvre après. Je fais en sorte d’en savoir le
moins possible d’un point de vue philosophique, sociologique. C’est ce qui
fait qu’il y a une forme de naïveté ou de fraîcheur et que le spectateur vit
avec le personnage.
Un humour particulier baigne vos créations et il peut rappeler le cinéma d’Aki
Kaurismäki ou d’Elia Suleiman.
Je ne m’interdis pas des gags ou des choses drôles. Mais à condition que ce
soit logique ou cohérent avec ce que le personnage traverse. La dimension
fantastique et la simplicité des dialogues finissent aussi par créer un
décalage… Dans la vie, les choses se mélangent tout le temps. Il n’y a pas une
journée où l’on ne fait que rire, où l’on n’a que peur ou l’on n’est que
triste. Sinon, ça ne va pas. Mais au cinéma, on a un peu tendance à vouloir
que le film soit d’un seul registre. Les cinéastes que j’adore, c’est ceux où
l’on retrouve tout, comme chez Bong Joon-ho.
Entrevue réalisée par Martin Gignac à Paris le 17 janvier 2023 dans le cadre
des Rendez-vous d’Unifrance.