18 août 2023

★★★½ | Une femme respectable

Réalisation Bernard Émond | Dans les salles du Québec le 18 août (Maison 4:3)
Voilà une fin d’été cinématographique québécois comme on les aime. Une semaine après Les chambres rouges de Pascal Plante, arrive en effet dans les salles un deuxième bon film, pourtant très différent du premier (quoi que).
En plus de cette réjouissance, il marque également le retour en force (peut‐être le chant du cygne ?) de Bernard Émond, qui s’était ces derniers temps fourvoyé dans des projets que l’on préfère oublier. Avec Une femme respectable, il ne se départit certes pas d’une certaine austérité, mais peaufine ses dialogues et sa structure narrative d’une manière à la fois juste et très épurée, au point peut-être d’en déstabiliser certains. Peu de dialogues, peu de développements scénaristiques majeurs, mais beaucoup de silences, de regards, de travail sur les corps qui n’osent pas bouger (et qui, s’ils le font, le font en vain). Avec tous ces éléments, Émond parvient à donner vie à deux êtres, à deux solitudes, à deux souffrances, et surtout à nous faire comprendre que les évidences peuvent être trompeuses. Le mari volage qui est allé refaire sa vie avec une autre n’est peut-être pas si mauvais. La femme légitime bien éduquée qui décide de l’aider ne le fait peut-être pas uniquement pour de pures raisons. En les regardant sans passion, le cinéaste crée une distance avec les personnages qui permet aux spectateurs de les considérer le plus objectivement possible, sans ce déluge d’émotions qui peuvent, lorsqu’on en abuse, annihiler tout esprit critique. Ainsi, Émond nous propose des personnages attachants et imparfaits à la fois… c’est-à-dire des personnages qui ressemblent à beaucoup d’entre nous.
Finalement, pour expliquer le « quoi que » du premier paragraphe, le film de Bernard Émond n’est peut-être pas si éloigné du film de Plante. Tous les deux, en passant par des chemins opposés, mettent la complexité des personnages au cœur de leurs films, optent pour une froideur bienvenue et nous proposent deux des meilleurs films québécois de cette année.
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