Réalisation: Amy Miller | Dans les salles du Québec le 25 août 2023 (Diffusion Multi-Monde) |
Amy Miller, cinéaste militante qui nous a déjà livré plusieurs films aux sujets forts (les migrations, le complexe militaro-industriel, la crise climatique, l’accaparement des terres agricoles), nous revient avec un nouveau documentaire. Ici, les cibles sont les agences de sécurité canadiennes, et plus précisément leur utilisation depuis très longtemps d’agents provocateurs, qui s’infiltrent dans des organisations pour les inciter à passer à l’action afin, selon la thèse de Miller (et d'Alexandre Popovic, dont le film s’inspire), de justifier leur propre existence.
Pour étayer sa démonstration, elle interroge de nombreux intervenants acquis à sa cause et alterne une critique historique des services secrets avec un cas d’école : le cas de deux paumés manipulés par lesdits services jusqu’à ce qu’ils fassent une tentative d’attentat le jour de la fête nationale du Canada. Cette histoire, glaçante et terrifiante, aurait mérité un film conçu avec objectivité et le constat se serait imposé de lui-même. D’ailleurs, si on ne devait isoler de Produire la menace que les parties traitant de ce sujet, Miller y parvient presque. Malheureusement, elle a préféré en rajouter des couches en pratiquant la politique du je sais que j’ai raison donc je ne me pose pas de questions. Certes, les représentants des services incriminés ont refusé de participer au film, mais n’y avait-il pas d’autres intervenants possibles et d’autres questions à se poser? Les manipulations qu’elle condamne à juste titre ne peuvent-elles pas être réalisées par des vrais terroristes ? Et dans ce cas, comment faire pour les contrer ? Et de manière plus globale, les services qu’elle condamne n’ont-ils pas fait au moins une fois quelque chose d’utile ? En gros : Ne serait-ce pas plus constructif de mettre de l’avant leurs dysfonctionnements sans les condamner en bloc, sans la moindre nuance ?
En quittant le cas particulier (l’attentat avorté, qui répétons-le, est globalement bien traité et représente une grande partie du film) pour aller vers le cas général (une condamnation sans nuance des services secrets canadiens) sans avoir un minimum d’objectivité, Miller transforme ce qui aurait pu être une critique pertinente d’une institution en un acte purement militant, et refuse ainsi de se laisser confronter à ses propres contradictions. Cela va probablement plaire à ceux et celles qui ont les mêmes certitudes qu’elle, mais risque de toucher beaucoup moins les autres que si elle avait fait un choix clair : une étude de cas avec une rigueur journalistique ; ou une étude générale documentée et impartiale… au lieu de ce mélange maladroit entre la première et une version simpliste de la seconde.