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10 mars 2023

★★★¼ | As Bestas

★★★¼ | As Bestas

Réalisateur: Rodrigo Sorogoyen | Dans les salles du Québec le 10 mars 2023 (Axia Films)
Décidemment, les campagnes espagnoles peinent à faire face à la transition écologique. Après les panneaux solaires de l'excellent Alcarràs, ce sont les éoliennes qui provoquent des troubles dans le petit village où sont venus s’installer deux Français adeptes du bio (Marina Foïs et Denis Ménochet). La comparaison ne va pas plus loin. Alors que le film de Carla Simón était un magnifique portrait de groupe, celui de Rodrigo Sorogoyen hésite entre le drame et le thriller. C’est d’ailleurs un peu la limite de ce film pourtant débordant de qualités. Le réalisateur semble en effet ne pas avoir totalement assumé la noirceur de son sujet. Alors qu’il aurait pu la renforcer par un traitement atmosphérique plus étouffant, il préfère jouer la carte de la psychologie, de l’écrit, du dialogue. Cela donne, il est vrai, naissance à une scène d’anthologie (une discussion, en plan séquence, dans un bar, entre deux individus accoudés au comptoir, avec un frère un peu simplet en arrière-plan). Cela fait aussi malheureusement ressortir certaines limites (les qualités d’actrice de Marina Foïs, dans une scène, elle aussi en plan séquence, entre une mère et sa fille). Heureusement, le reste de la distribution est parfait (de Ménochet aux acteurs espagnols), mais la prestation de Foïs nuit fortement aux scènes purement dramatiques, sur lesquelles Sorogoyen s'appuyait déjà un peu trop. (Relativisons toutefois. L'actrice a remporté de nombreux prix pour sa prestation… et l’auteur de ces lignes est peut-être plus allergique que d’autres à des tics d’actrice qui contrastent avec la grandeur et la pureté de la prestation de Ménochet).
Donc… d’une part, un film dramatique qui souffre d’un déséquilibre de jeu d’acteurs et d’un excès de psychologie; de l’autre un thriller qui ne s’assume pas… et au milieu, un metteur en scène qui ne sait pas sur quel pied danser, mais qui nous offre un film malgré tout très solidement exécuté et qui comporte de nombreux beaux moments. On se dit juste parfois qu’on est passé à côté d’un film immense. Il aurait peut-être eu besoin d’un peu moins de dialogues et d’un peu plus de cinéma. Avec les éléments et le talent dont Sorogoyen disposait, il y avait de quoi impressionner encore plus !

24 février 2023

★★★★ | Alcarràs

★★★★ | Alcarràs

Réalisation: Carla Simón | Dans les salles du Québec le 24 février 2023 (Cinéma du Parc)
Auréolé d’Ours d’or au Festival de Berlin, Alcarràs impressionne par sa délicatesse et sa simplicité apparente pour dépeindre une multitude de choses, aussi bien petites que grandes.
Dès le départ, la cinéaste Carla Simón nous met en contact d'enfants jouant dans les environs d’une maison familiale qui a tout d'un terrain de jeu enchanteur. Mais très vite, nous comprenons que le lieu est celui d'un drame à venir. Les terres qui permettent à la famille de vivre de la récolte fruitière vont en effet tomber dans les mains d’un nouveau propriétaire qui projette de transformer les lieux en parc de panneaux solaires. Au lieu de traiter le drame social de plein fouet, la cinéaste le traite par la bande, en se focalisant sur les membres de la famille. Elle les observe, les écoute, leur donne de l’espace pour s’exprimer, est attentive leurs petits instants de joie aussi bien qu’à leurs colères ou leurs tensions.
Grâce à cette mise en scène attentive qui parvient à donner vie de manière magistrale à de nombreux personnages de tous âges, mais également grâce à un scénario très intelligent, qui évolue lentement, par petites infos distillées avec justesse, la magie opère. Carla Simon, sans insister sur aucun enjeu, en laissant tout simplement vivre ses personnages, finit par parler de famille, de secteur agricole et d’énergie propre, d'illusions, de solidarité, de tensions, de l’irrémédiable ascension des puissants, mais également du vrai bonheur et de bien d'autres choses encore…
Alors qu'elle avait le point de départ pour faire un film de combat, elle semble préférer parler de la vie, tout simplement. (C’est peut-être un peu la même chose… mais si tout est question de point de vue, on préfère celui qu’elle prend!)

2 septembre 2022

★★★ | Un bon patron / The Good Boss (El buen patrón)

★★★ | Un bon patron / The Good Boss (El buen patrón)

Réalisation: Fernando León de Aranoa | Dans les salles du Québec le 2 septembre 2022 (Métropole Films)

Comédie satirique et grinçante sur le monde du travail, teintée d'une touche de tragi-comique cynique, Un bon patron est aussi l’occasion pour Javier Bardem de s'en donner à cœur joie. Derrière ses grosses lunettes et sous son sourire de façade, il excelle dans le rôle d'un patron paternaliste et vétilleux dont le monde tourne autour de son entreprise spécialisée dans la fabrication de balances. Mais ce personnage dont la vie est réglée avec la même précision que ses balances va devoir affronter quelques imprévus (le licenciement d'un employé, l'arrivée d'une stagiaire, l'attribution du prix de la meilleure entreprise de la région, etc.) qui vont faire apparaître son vrai visage.
Au-delà de ce personnage, le film sait aussi créer des personnages secondaires tout aussi typés (chacun remplit une fonction bien précise, rien de plus) mais agréablement définis. On suit donc avec plaisir cette petite comédie humaine, même s’il faut admettre que le film pâtit d'une certaine similitude avec les comédies italienne des années 60/70. Alors que les meilleures d'entre elles trouvait un équilibre parfait entre la caricature et le cynisme, Un bon patron penche trop vers la caricature, au risque d'atténuer son propos.
Heureusement, l'ensemble est exécuté de manière certes sans grande surprise mais irréprochable. Si le film ne parvient pas à convaincre dans sa volonté de dépeindre de manière acerbe la société actuelle, il n’en demeure pas moins un divertissement très plaisant.

11 février 2022

★★★½ | Mères parallèles / Parallel Mothers (Madres Paralelas)

★★★½ | Mères parallèles / Parallel Mothers (Madres Paralelas)

Réalisation: Pedro Almodóvar | Dans les salles du Québec le 14 janvier 2022 (Métropole Films Distribution)
Une femme dans la quarantaine et une autre qui a l’âge d’être sa fille partagent une même chambre à la maternité, sympathisent, accouchent le même jour… et se perdent de vue jusqu’à ce que le hasard les fasse se revoir. À partir de ce point de départ, Almodóvar échafaude une histoire où se mêlent le collectif et le personnel, les effets de surprises dignes d’une sitcom et les thèmes très multiples (féminisme, sournoiserie involontaire du désir, maternité et filiation, devoir de mémoire, nécessité du travail de deuil, etc.).
Mais pour une fois, le cinéaste qui aime tant les excès parvient à alléger son scénario de ses fioritures pour ne conserver que l’essentiel de ses centres d’intérêt. La mise en scène suit la même logique et permet au cinéaste de nous livrer son film le plus sobre, le plus sage. Certains le trouveront peut-être trop sage, mais c’est justement ce désir de retenue qui fait la force de Madres Paralelas. Almodóvar ne tente pas de noyer la douleur dans l’excès, mais ose l’affronter avec sobriété. Il observe avec finesse les tensions pour mieux les désamorcer, les blessures du passé pour mieux les panser. Il s’appuie également pour y parvenir sur une Penélope Cruz que l’on a rarement vue aussi charismatique, sur une fusion qui a des allures d’évidence entre différents genres (mélo, thriller, romance, film historique, etc.) et sur des directions photographique et artistique tout en équilibre
À la fois complexe dans ses enjeux/thèmes et sobre dans son traitement, Madres paralelas est probablement le Almodóvar que l’on n'osait plus attendre! Alors, bien évidemment, il n’y a plus l’exubérance de ses débuts, la force de ses chefs-d’œuvre (Hable con ella et Todo sobre mi madre) ou le charme de 50% de sa filmographie… mais la sobriété d’un cinéaste septuagénaire qui semble plus que jamais amoureux de ses personnages, et respectueux de leurs quêtes.


18 octobre 2019

★★★ | Douleur et gloire / Pain & Glory (Dolor y gloria)

★★★ | Douleur et gloire / Pain & Glory (Dolor y gloria)

Réalisation: Pedro Almodóvar | Dans les salles du Québec le 18 octobre 2019 (Métropole)
Almodóvar signe son œuvre la plus réflexive avec Douleur et Gloire. Empruntant directement à Fellini, le cinéaste espagnol propose un récit semi-autobiographique et avoue une certaine faiblesse artistique. Par son alter ego Salvador Mallo, cinéaste vieillissant en manque d’inspiration, il se permet d’exposer ses angoisses tout en faisant le point sur sa propre carrière et les problématiques qui ont occupé son art comme sa vie.
L’intrigue, si l’on peut l’appeler ainsi, est relâchée, laissant lieu à une série d’anecdotes parfois en flash-backs, parfois racontées au présent. L’intérêt de celles-ci est variable, le cinéaste ressassant beaucoup de sujets souvent explorés dans sa carrière. Le film peine, comme son personnage principal, à trouver un nouveau regard sur ses idées et ne semble s’adresser qu’aux cinéphiles déjà investis ou, pire encore, n’exister que pour lui-même.
Almodóvar n’est toutefois pas foncièrement complaisant, annonçant très rapidement ses faiblesses et ses regrets. C’est donc peut-être bien dans la douleur, justement, que son film prend forme. Les réminiscences sont habitées d’immense mélancolie. Le mode de vie solitaire d’un artiste ayant rendu ses relations amoureuses impossibles, la différence de classe ayant effrité le contact avec sa mère, c’est dans ses sujets, bien sûr fréquents chez lui, qu’Almodóvar pose un regard nouveau. Un regard plus calme, moins outrancier qu’à son habitude.
La tranquillité du film permet à Antonio Banderas, dans le rôle d’alter ego, d’imposer sa présence. C’est pour le meilleur, tant l’acteur donne l’une des meilleures performances de sa carrière. L’introspection lui sied, comme à Almodóvar, qui semble amorcer avec Douleur et Gloire un processus d’autoréflexion qui peut donner de belles trouvailles, même si le film n’a pas l’éclat des meilleures œuvres de sa carrière.