Affichage des articles dont le libellé est Grande-Bretagne. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Grande-Bretagne. Afficher tous les articles

12 février 2021

★★★½ | Saint Maud

★★★½ | Saint Maud

Réalisation: Rose Glass | Disponible en VSD au Québec à partir du 12 février 2021 (Entract Films)
Le premier film de la britannique Rose Glass, précédé d’une réputation élogieuse, arrive sur les plateformes numériques québécoises, et il serait bien dommage de passer à côté.
Dès les premiers instants, nous suivons comme son ombre Maud, infirmière auprès d’une femme en fin de vie : ses gestes, les relations avec la malade dont elle s’occupe, mais aussi sa solitude et surtout sa certitude d’avoir enfin trouvé Dieu, après un passé difficile. Sur ce passé, Glass nous en dit le moins possible, seulement de quoi comprendre son sentiment de culpabilité, sa soif de rédemption, mais également son traumatisme qui semble l’élément déclencheur de sa chute. Car si Maud croit avoir trouvé Dieu, c’est en fait un trouble mental qui prend de plus en plus de place et qui finit par l’entraîner vers une folie de plus en plus envahissante. L’observation de cette dégradation, ou au contraire de ce faux sentiment d’ascension vers la plénitude (car plus Maud chute vers la folie, plus elle a le sentiment d’être l’envoyée de Dieu), est aussi impressionnant que glaçant. La réalisatrice, qui épouse parfaitement le point de vue de son héroïne, nous montre à l’écran ce que ressent Maud : le combat contre le Mal, son statut de bras armé du pouvoir divin, son sacrifice au service (et sous les yeux) de l’humanité reconnaissante. Logiquement, les derniers moments du film le font glisser vers l'horreur, de manière toujours pertinente, sans excès, avec la retenue relative que permet un tel personnage.
Épaulée par une superbe direction photo (sombre et volontairement terne) signée Ben Fordesman et par une interprétation subtile (même dans l’excès) de Morfydd Clark, Rose Glass nous offre avec Saint Maud un premier film remarquable, quelque part entre drame de la solitude (et/ou de la culpabilité) et fantastique horrifique. À ne pas manquer!

23 août 2019

★★ | The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan)

★★ | The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan)

Réalisation : Xavier Dolan | Dans les salles du Québec le 23 août 2019 (Séville)
Après un financement difficile, un tournage interminable, un processus de montage tout aussi pénible et un distributeur qui donne l’impression d’attendre très longtemps avant de se jeter à l'eau, The Death and Life of John F. Donovan arrive enfin sur nos écrans. Malheureusement, le miracle ne se produit pas et le visionnement confirme ce que l’on pouvait craindre: Donovan est le film le moins réussi de Xavier Dolan (et détrône donc Laurence Anyways). Il confirme surtout que lorsque Dolan (si impressionnant lorsqu’il s'intéresse aux relations interpersonnelles) cherche à raconter une histoire un peu trop ambitieuse, il se perd dans ses méandres et se laisse malencontreusement écarteler entre la nécessité de raconter et l’envie de déverser aux spectateurs un torrent d’émotions.
Le film commence de manière un peu tiède, comme si Dolan cherchait à calmer ses ardeurs (certes potentiellement agaçantes, mais particulièrement efficaces, comme dans Juste la fin du monde). Mais très vite, notre indulgence s’estompe: au-delà de certaines maladresses qui deviennent de plus en plus agaçantes (la palme revenant à une course folle d’un fils vers sa mère, au ralenti, sur fond de Stand by me, version Florence + The Machine), Dolan ne sait pas comment raconter son histoire: il se perd entre le présent et le passé, entre la star et son jeune admirateur, et surtout, nous inflige une rencontre entre l’admirateur (devenu jeune adulte) et une journaliste, dont le seul but semble être d’expliquer le reste du film, ce que l’on peut facilement interpréter comme une marque de mépris pour l’intelligence du spectateur!
Ce film, pourtant très personnel et très ambitieux, est indéniablement le ratage du cinéaste. Heureusement, ici ou là, quelques plans assez beaux, voire relativement émouvants viennent nous rappeler que Dolan a du talent. Mais 10 minutes de belles choses noyées dans 2 heures d’émotion mal contrôlée... c’est trop peu!

28 juin 2019

★★½ | Yesterday

★★½ | Yesterday

Réalisation : Danny Boyle | Dans les salles du Québec le 28 juin 2019 (Universal)
Un jour, tous les habitants de la planète se réveillent sans avoir aucune notion du groupe de musique The Beatles. Seule une personne, un jeune musicien anglais, se souvient de leurs chansons mythiques. Yesterday établit rapidement les bases de son récit: un musicien plus ou moins raté (Himesh Patel), un coup à la tête (un classique pour expliquer les incohérences qui vont suivre), une jeune et jolie demoiselle en détresse (Lily James) et la fascination pour la célébrité. La prémisse à elle seule est digne d’intérêt et fera naitre quelques situations cocasses. Toutefois, le scénario prévisible ne parvient pas à faire durer le plaisir très longtemps.
La mise en scène de Danny Boyle tente d’insuffler au film un rythme survolté au détriment du récit. Les qualités de la comédie de situation se perdent dans les effets de montage rapide. Les interprétations inspirées d’Himesh Patel et de Lily James arrivent cependant à garder notre intérêt (en dépit de l’apparence vieux jeu de leur romance). Rempli de bons sentiments et de discours sur la persévérance et des effets pervers de la célébrité, le film semble plus préoccupé à nous marteler son point de vue que de questionner ses propres problématiques. Le dernier tiers du film est d’ailleurs une occasion manquée de rétablir l’équilibre pour le personnage féminin qui semble venir d’une autre époque.
Malgré l’aspect convenu de son scénario et de sa finale des plus décevantes, Yesterday est une porte d’entrée intéressante afin de découvrir (ou de redécouvrir) l’incroyable répertoire musical des Beatles.

30 mai 2019

★★★½  | Peterloo

★★★½ | Peterloo

Réalisé par Mike Leigh | Dans les salles du Québec le 31 mai 2019 (Métropole)
En s’intéressant au massacre de Peterloo, où les autorités chargèrent à l’occasion d’un rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, Mike Leigh donne à la fois un cours d’histoire et une leçon sur la politique contemporaine. Le réalisateur est clair et direct dans son propos, mais la densité historique de Peterloo en fait aussi l’un des films les plus difficiles d’approche du cinéaste.
Leigh ouvre son film sur une victoire de l’État (la bataille de Waterloo) mais se concentre sur son coût humain. En un seul plan, il s’attarde sur un soldat qui, faisant pourtant partie des gagnants, se trouve complètement désemparé sur le champ de bataille. Il rentre chez lui traumatisé dans un milieu extrêmement pauvre et incapable de se trouver du travail. Pourtant artisan de la victoire, le peuple n'en verra jamais les fruits, les années qui suivent étant marquées par des crises économiques poussant la baisse des salaires et la hausse du prix des biens.
C’est dans ces années, celles qui séparent la victoire de Waterloo du massacre de Peterloo, que la grande partie du film prend place. Leigh dresse un tableau complet de toutes les personnes dont les actions culmineront à la manifestation et au massacre. Ainsi le film enchaîne des séries de discours politiques pour un effet assommant. Pendant deux heures, Leigh s’intéresse aux argumentaires verbeux de révolutionnaires et à la politicaille d’hommes qui cherchent à avilir le peuple. Le cinéaste demande beaucoup de concentration au spectateur, mais cela lui permet de ne pas présenter les mouvements populaires comme une idée unique. Leigh fait preuve d’une habilité incroyable à étoffer des personnages qui se perdraient dans la foule dans un film plus retenu.
Ainsi, le réalisateur présente le mouvement populaire dans sa multiplicité, autant par ses orateurs éduqués que par les travailleurs. Il note l’implication des groupes féministes, fait état des conflits internes et même s’il se place à ses côtés, il ne dépeint pas le mouvement comme le geste d’une idéologie parfaitement formée, mais comme un rassemblement d’individus épars. À l’opposé, il méprise ouvertement la classe dominante et ne cache rien de sa grotesquerie, mais il ne se permet tout de même pas de prendre des raccourcis. Ses personnages, même les plus vils, sont étoffés autant par les détails historiques que par le jeu naturaliste encouragé par le réalisateur. Ne serait-ce que pour la profondeur et la variété des personnages historiques, Peterloo est une réussite.
Si Peterloo est souvent assommant par la densité de son discours politique, Leigh termine sur un autre ton. Il filme le massacre avec énergie tout en recréant habilement la confusion du peuple sur le terrain. La scène est éprouvante sans être gratuite. Encore une fois, Leigh ne perd pas le coût humain des échecs du gouvernement et il partage avec aplomb sa colère avec le spectateur. Le dénouement crée une charge émotionnelle dans une œuvre auparavant très austère, mais dont les observations sur l’histoire forment une perspective contemporaine nécessaire.

14 décembre 2018

★★★½ | The Favourite (La favorite)

★★★½ | The Favourite (La favorite)

Réalisé par Yorgos Lanthimos | Dans les salles du Québec le 14 décembre 2018 (20th Century Fox)
Tout comme The Killing of a Sacred Deer et The Lobster, The Favourite n’échappe pas au regard critique et ironique que porte le réalisateur sur l’environnement qu’il met en scène. À la cour de la reine Anne (Olivia Colman), deux femmes de classes différentes (Rachel Weisz, Emma Stone) se disputent les faveurs de la femme la plus puissante d’Angleterre. Derrière les portes closes de son luxuriant domaine, la frêle reine (que la maladie ravage) est utilisée par la majorité de son entourage. Poussée malgré elle à faire la guerre ou à augmenter les taxes, elle ne sait plus vers qui se tourner. Cette confusion interne fera naître une guerre ouverte entre ses deux conquêtes.
Le film est porté par son formidable trio d’actrice. Les personnages féminins offrent au film l’une de ses plus belles qualités. C’est avec une certaine irrévérence qu’elles forgent leurs propres destinées. Sans trop se soucier des hommes qui les entourent, ce sont elles qui font avancer (ou reculer) les affaires d’État. Le rapport de forces entre les deux sexes produira d’ailleurs les scènes les plus comiques du film. L’humour acerbe (et parfois cruel) des dialogues ainsi que la mise en scène soutenue par une direction artistique extravagante donnent au film des allures de vaudeville complètement déjanté.
The Favourite confirme le talent indéniable d’un réalisateur dont l’univers nous dévoile une étrange beauté. Yorgos Lanthimos prend un certain plaisir à mettre en lumière les failles des systèmes établis. The Favourite est un remarquable plaidoyer qui témoigne d’une affection particulière pour un cinéma hors des sentiers battus.