18 mai 2012

Laurence Anyways **½

Laurence (Melvil Poupaud) et Fred (Suzanne Clément) s’aiment. Mais Laurence a l’impression de mentir à Fred, à tous ceux qui l’entourent ainsi qu’à lui même en n’assumant pas ce qu’il devrait être: une femme. Cette nouvelle vie qu’il se décide enfin à assumer à 35 ans ne sera pas sans conséquences.

Réalisateur: Xavier Dolan | Dans les salles du Québec le 18 mai 2012 (Alliance Vivafilm)

Xavier Dolan nous a prouvé avec ses deux premiers films qu’il était bourré de talent. Pourtant, il faut bien l’avouer, Laurence Anyways est un film raté. Certes, un film raté d’un cinéaste talentueux est plus intéressant qu’un film moyen d’un cinéaste médiocre, mais le résultat déçoit.
Le thème du film (l'envie d'être différent est difficile en raison du regard des autres) est pourtant intéressant, d’autant plus qu’il ne sombre pas dans la facilité de faire de ce choix une provocation. Il s’agit d’un choix personnel que le héros finit par faire malgré la société et non contre elle. En lui donnant ce sens, le désir de s’habiller en femme devient difficilement méprisable puisqu’il ne nuit à personne et devrait être idéal pour illustrer le message de tolérance universel que souhaite porter le film.
Malheureusement, Laurence Anyways n’est pas à la hauteur de cette belle promesse. Il connait en effet des faiblesses narratives évidentes. Alors que la liberté du précédent film de Xavier Dolan (l’envoûtant Les amours imaginaires) permettait aux différentes scènes d’avoir leurs vies propres tout en s’imbriquant dans un tout cohérent, Laurence Anyways avance difficilement, laborieusement, poussivement. Comme pour essayer de requinquer un film qui traîne des pieds, le jeune réalisateur enjolive ses scènes de magnificences visuelles incontestables et gratuites, ou essaie au contraire de leur donner un sens, avec des effets de caméra pas toujours réussis (nous n’insisterons pas sur la caméra hyperagitée utilisée pour marquer un dialogue tendu, aussi peu inefficace que graphiquement insupportable). Mais l’ensemble ne fait qu’étouffer le film et ses personnages (dans Les amours imaginaires, les effets permettaient aux personnages d’exister, leurs donnaient un souffle, ici c’est l’inverse qui se produit). Étouffés par une ambition graphique et une écriture mal maitrisée, aucun personnage ne nous touche, pas même Laurence. Son courage à assumer ses choix ne ressemble qu’à une petite avancée du scénario, son amour pour Fred nous reste abstrait, sa relation avec sa famille demeure superficielle. Non seulement Dolan ne parvient pas à nous faire comprendre ce qui la motive, ce qu’elle aime, ce qu’elle ressent, mais en plus, il en fait un personnage inconsistant et finalement inintéressant. Peut-être Laurence se sentait-IL vide avant d’assumer son choix, mais ELLE le reste aussi après, comme si sa différence n’était qu’une lubie, ou le prétexte pour un jeune cinéaste bourré de talent de réaliser un film maladroitement porteur d’un beau message.
Le résultat, bien que long (2h40) se laisse cependant voir avec un certain plaisir en raison des quelques fulgurances visuelles dolaniennes. Mais en voulant faire un film plus écrit, plus adulte et moins électron libre que par le passé, Xavier Dolan se heurte peut-être à la barrière de la maturité, malgré un talent incontestable. Attendons avec impatience son prochain film, en espérant soit qu’il reste aussi libre que par le passé, soit que la maturité lui permette d’explorer de nouveaux horizons… mais surtout qu’il ne reste pas le cul entre deux chaises! La situation risquerait de devenir fort inconfortable!
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