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24 mars 2023

★★★★ | Godland, une vie divine (Vanskabte land)

★★★★ | Godland, une vie divine (Vanskabte land)

Réalisation: Hlynur Pálmason | Dans les salles du Québec depuis le 24 mars 2023 (Enchanté Films)
Un jeune religieux est chargé d’apporter la bonne parole dans un territoire reculé et sauvage… Voilà qui nous rappelle bien des films dont l’action se déroule sur le continent américain. Mais ici, le froid, les paysages arides et les journées sans fin remplacent la luxuriance amazonienne puisque l’action se déroule en Islande ! D’ailleurs, le réalisateur Hlynur Pálmason semble prendre le contre-pied d’un Herzog, et Godland n'a rien d'un Aguirre. Sa mise en scène est posée, toute en retenue et en plans qui durent. La menace (des hommes, de la nature) est plus sourde, et la caméra de la directrice photo Maria von Hausswolff refuse de nous plonger dans l’action en optant pour une certaine distanciation. De son côté, l’acteur Elliott Crosset Hove est lui aussi à l’opposé d’un Kinski… même si son personnage finit par être atteint par le poids de sa mission, qui contribue à lui faire perdre progressivement la raison.
C’est d’ailleurs la force de ce film : jouer sur la lenteur, la beauté de ces paysages pourtant austères, la rudesse des gens rencontrés ; jouer sur cette impression que le temps se déroule plus lentement qu’ailleurs, comme si rien d'exceptionnel ne pouvait arriver. Et pourtant ! Aussi rarement que subrepticement, un accident se produit, un accès de violence, de rage. Mais cela est filmé de manière aussi apparemment détachée que le reste, comme s’il ne fallait pas insister. Et ce refus du spectaculaire produit un effet troublant, presque dérangeant, nous rappelant que tout peut toujours se produire à tout moment, y compris le pire, et que l’homme, même le plus investi par toutes les missions de monde, ne peut rien face à ces démons, au ressentiment des autres, à la puissance des terres... ces terres qui finissent, inexorablement, par nous rappeler à elles.
Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris.
Souviens-toi, Homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière.

26 octobre 2020

FNC 2020 | ★★★★ | Last and First Men

FNC 2020 | ★★★★ | Last and First Men

Réalisation: Jóhann Jóhannsson | Prix FIPRESCI FNC 2020

Le compositeur islandais Jóhann Jóhannsson se fait cinéaste pour nous livrer une adaptation du roman de science-fiction Les Derniers et les Premiers (Olaf Stapledon, 1930), qui revenait sur l’histoire de deux mille millions d'années de l’humanité à l’aube de son anéantissement. Mais que les amateurs de science-fiction ou d’adaptations fidèles ne s’emballent pas trop vite! Last and First Men est surtout une œuvre qui se situe quelque part entre le conte philosophique, le cinéma expérimental et le documentaire artistique, et qui offre au spectateur une vertigineuse liberté d’interprétation. Nous avons choisi la nôtre et nous contenterons donc en quelques mots d'en donner notre lecture toute personnelle. Bien plus qu’une réflexion ou une interrogation sur l’avenir de l’humanité, nous y voyons avant tout une illustration impressionnante de la pluridisciplinarité intrinsèque du cinéma. Une place essentielle est en effet donnée aux disciplines suivantes: philosophie (en lien direct avec l’œuvre originale), littérature (le texte lu en voix hors champs par Tilda Swinton, d’une qualité littéraire évidente), photographie (les plans souvent fixes de Sturla Brandth Grøvlen, filmés dans un noir et blanc qui explore avec finesse toute une gamme de gris), musique (co-signée par Yair Elazar Glotman et Jóhann Jóhannsson) et sculpture (les œuvres commanditées il y a un demi-siècle par le dictateur yougoslave Tito pour rendre hommage à la lutte communiste contre le nazisme, qui semblent toutes sorties d’une autre galaxie, sont les seules traces d’humanité visibles dans le film).
En bon alchimiste, Jóhannsson prend tous ces éléments, qui pourraient sembler disparates, pour en faire une œuvre envoûtante dont les différentes composantes s’unissent progressivement, se renforcent mutuellement pour enfin former un tout d’une homogénéité aussi troublante qu’artistiquement fascinante. (Mais n’est-ce pas une définition possible du cinéma?)
Détail important: le sujet même de cet ultime film de Jóhannsson lui confère un statut de testament qui le rend encore plus troublant!
Pour toutes ces raisons, mais aussi pour beaucoup d'autres, y compris celles que nous n'imaginons même pas, ce film est à voir de toute urgence!

31 mai 2020

★★★ | Brumes d'Islande / A White, White Day (Hvítur, hvítur dagur)

★★★ | Brumes d'Islande / A White, White Day (Hvítur, hvítur dagur)

Réalisation : Hlynur Palmason | En VSD au Québec à partir du 29 mai 2020 (Cinéma Moderne)
Film d’enquête, film de famille et film de possibles fantômes, Brumes d'Islande fascine par son formalisme et la beauté du paysage islandais. Une route envahie par la brume. Une voiture qui disparaît. À travers la brume, entre le monde des vivants et celui des morts, le film de Hlynur Palmason explore de manière délicate les complexités du deuil. En suivant la construction de sa maison par un homme veuf (également policier), le film nous expose parallèlement une structure émotionnelle fragilisée par la perte d’un être cher. En apparence, tout semble sous contrôle. Cependant, derrière la tristesse et le vide laissé par la mort de sa femme, le policier en arrêt de travail ne peut s’empêcher de vouloir des réponses sur la mort de sa femme. Qui était-elle vraiment ?
Enquêtant dans le plus grand secret de ses collègues et de sa famille, il observe discrètement la vie d’un homme du village qui aurait peut-être eu une aventure avec sa femme. C’est également dans cette pratique d’observation que le réalisateur place son regard. Malgré le drame que vit le personnage, la mise en scène (qui pourrait paraître froide) garde une certaine distance pour nous permettre d’être plus à l’écoute (à la fois des personnages et de l’excellente trame sonore qui ajoute au mystère). Sans trop d’effets, le film nous dévoile les petits faits étranges de la vie.
Si n’y a qu’un mystère qui sera vraiment résolu dans le film, c’est que l’amour demeure malgré la mort. Palmason nous rappelle que c’est aussi au cinéma que l’on peut prendre le pouls de sa vie. En observant d’autres que nous, on peut s’interroger sur notre rapport à la vie et ce que représente le fait d’être vivant. Au-delà des prix, des festivals, et autres prestiges de l’industrie, le bon cinéma nous offre ça.

29 mars 2019

★★★ | Une femme en guerre  / Woman at War (Kona fer í stríð)

★★★ | Une femme en guerre / Woman at War (Kona fer í stríð)

Réalisé par Benedikt Erlingsson | Dans les salles du Québec le 29 mars 2019 (Métropole)
Une femme, professeure de chant a priori très sage, se transforme le moment venu en véritable Rambo écolo au féminin. Sa mission: débarrasser sa belle Islande des lignes à haute tension qui dénature les vastes et belles étendues peuplées uniquement de moutons.
La première force de ce petit film islandais remarqué lors du dernier festival de Cannes (Semaine de la critique) est de trouver le ton juste, entre le sérieux d'une situation personnelle (le désir de maternité, nous y reviendrons) et le comique (certes froid et absurde, mais assumé) de sa mission écologique. Dans l'air du temps, mais pas vraiment réfléchis, les actes de sabotage de pylônes électriques sont traités avec une réussite indéniable. Non seulement ils permettent au réalisateur et à son chef opérateur de sublimer la beauté de la nature islandaise, mais ils donnent aussi les passages les plus amusants du film, lorsque la professeure de chorale se transforme en véritable guerrière, prête à se camoufler dans les entrailles d'un mouton pour échapper à la vigilance de la surveillance aérienne.
Cependant, à n'exploiter que ce filon, le film se serait peut-être épuisé bien vite. L'autre versant du film (l'adoption d'une petite Ukrainienne), qui semble dans un premier temps superflu, vient finalement donner un tout autre sens au film. Ni fable féministe, ni conte écolo (épithètes de plus en plus galvaudées ; une héroïne qui détruit des pylônes ne suffit pas à faire un film écolo féministe), Une femme en guerre est avant tout une réflexion sur le manque (ici, le désir de maternité) qui peut pousser à se réfugier dans une illusion (ici, un militantisme assez vain). Le constat de cette tragi-comédie est d'ailleurs plutôt amer. Entre un activisme dont la pertinence peu laisser perplexe et une soif de conformisme (on imagine en effet qu'une fois devenue mère, elle arrêtera de jouer les Rambettesson*), existe-il une troisième voie? En ce qui concerne notre héroïne, nous avons quelques doutes. C'est peut-être pour cela qu'elle est si attachante, tiraillée entre son besoin de conformisme et son désir de rébellion... C'est probablement d'ailleurs en cela que son personnage touche à l'universel. 

* forme féminisée et islandisée de Rambo. À prononcer comme il se doit... cela va sans dire!

10 octobre 2016

FNC 2016: L'effet aquatique ***½

FNC 2016: L'effet aquatique ***½

(Réalisatrice: Sólveig Anspach)

Après un beau Lulu Femme nuSólveig Anspach termine sa carrière en revenant partiellement dans le pays qui l'a vue naître. Ce n'est, il est vrai, pas la première fois qu'elle teinte ses films français d'une touche d'Islande (c'était déjà notamment le cas pour La reine de Montreuil, dont L'effet aquatique reprend plusieurs personnages). mais son île natale est particulièrement présente ici, aussi bien géographiquement (la moitié du film s'y déroule) que dans l'esprit (le côté un peu déjanté mais fonctionnel).