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14 avril 2023

★★★ | Showing Up (Les filles)

★★★ | Showing Up (Les filles)

Réalisation: Kelly Reichardt | Dams les salle du Québec le 14 avril 2023 (Sphère films)

Showing up est un film bien étrange ; un film qui semble tout mettre en œuvre pour ne pas se faire aimer, mais également le film de Kelly Reichardt dans lequel plane le plus un soupçon d'humour aussi omniprésent que délicieusement pince-sans-rire.
Le film propose en effet une multitude d’antihéros condamnés à la loose, des artistes sans talent, sans succès et sans perspective de gloire. Pour enfoncer le clou, la réalisatrice accorde le statut de personnage principal au plus paumé de tous (superbe Michelle Williams), une artiste sans succès, vivant dans un appartement sans eau chaude, exerçant un travail sans intérêt et incapable de sauver par elle-même un pigeon tombé dans les griffes de son chat.
Mais à force de traiter de personnages inconsistants, condamnés à une vie sans éclat et évoluant dans une école d'art ridicule, Kelly Reichardt finit par les rendre attachants grâce à sa sensibilité, à son amour pour les petits détails, à son refus de juger et de condamner quiconque, et à ses petites touches d'humour qui ne vont jamais trop loin (il aurait été facile de rire à leurs dépens, ce qu'elle ne fait à aucun moment).
Finalement, Showing up est un petit film délicatement dirigé, au charme évident et dont la plus grande ambition est paradoxalement de ne pas en avoir. Et ce n'est pas rien !

23 décembre 2022

★★★ | The Whale (La baleine)

★★★ | The Whale (La baleine)

Réalisation : Darren Aronofsky | Dans les salles du Québec depuis le 21 décembre 2022 (Entract Films)
Dans son va-et-vient habituel entre réussites impressionnantes (Requiem for a Dream, Black Swan, Mother ! etc.) et plantages prétentieux (The Fountain, Noah, etc.)*, Darren Aronofsky nous propose The Whale, qui flirte avec la première catégorie, sans être pour autant totalement à l’abri de la seconde.
En adaptant une pièce de théâtre de Samuel D. Hunter, le cinéaste fait le choix du huis clos, ici totalement assumé. Le film y suit en effet la réclusion volontaire d’un homme hanté par son passé, à la recherche à la fois de rédemption (en renouant avec sa fille) et l’autodestruction (sa boulimie qui le transforme en un être difforme aux mouvements de plus en plus difficiles). Cet aspect du film est probablement le plus réussi. La mise en scène d’Aronofsky, son obsession à filmer à la fois un corps qui perd sa mobilité et une maison qui devient pour lui dans le même temps un véritable parcours du combattant, mais qui reste pour les autres une maison bien banale, est probablement l’aspect le plus intéressant du film. S’ajoute à cela une réflexion qui va bien au-delà de la rédemption, puisque le film aborde de nombreux sujets, globalement bien traités (et qui tournent globalement autour du thème du bien et du mal que l’on peut faire aux autres). Cela lui permet de mettre en scène des personnages qui vont progressivement faire évoluer le récit et la réflexion… jusqu’à ce que le scénario (signé de l’auteur de la pièce) prenne le dessus sur le film lui-même. C’est-à-dire jusqu’à ce que les mots de Samuel D. Hunter prennent le dessus sur la mise en scène de Aronofsky (et, indissociable, de la prestation notable de Brendon Fraser et de ses prothèses). Lorsque le tout est bien installé, le film se perd alors dans un manque de finesse qui nuit à la résolution de ses enjeux narratifs en enfonçant de plus en plus les portes ouvertes (et en usant de l’analogie avec Moby Dick de manière de moins en moins subtile et de plus en plus indigeste).
Mais parce qu’il n’y a pas que la dernière demi-heure qui compte, le film reste à voir. Il confirme aussi que malgré ses excès parfois critiquables, Aronofsky est un metteur en scène passionnant, une sorte de roi des montagnes russes, ce qu’il prouve ici au sein d’un même film, pourtant en apparence bien plus sobre que ses œuvres passées.

* La liste des réussites et plantages n'engage que l'auteur de ces lignes... Les avis sur Noah ou Mother !, pour ne citer qu'eux, ne sont pas partagés par tous au sein de cinéfilic.

25 novembre 2022

★★★½ | Les Fableman (The Fablemans)

★★★½ | Les Fableman (The Fablemans)

Réalisation: Steven Spielberg | Dans les salles du Québec depuis le 23 novembre 2022 (Universal)
Est-ce possible de comprendre ce qui donne naissance à un cinéaste ? Avec The Fablemans, Stephen Spielberg nous présente une semi-autobiographie qui raconte la jeunesse de Sam (Sammy) Fableman. Un Sammy qui, comme lui, découvre le cinéma, enfant, jusqu’à devenir un adulte enregistrant cinématographiquement le monde autour de lui afin de donner un sens à la pellicule.
L’enfance de Sammy est douce. Une enfance avec une famille omniprésente, importante, soudée. Spielberg nous fait découvrir peu à peu la vie de cette famille aussi dysfonctionnelle dont les parents joueront un rôle déterminant dans l’avenir de Sam. D’une part, un père qui vit dans le désaveu, absorbé par son travail d’ingénieur. Qui accepte les promotions et qui amèneront la famille à travers le pays, en Arizona puis en Californie. D’autre part, une mère absorbée par sa musique et son monde imaginaire. Une mère et épouse, magnifiquement interprétée par Michelle Williams, qui n’entre pas dans le rôle conventionnel de la femme américaine des années 60. Ce sera elle qui ouvrira la voie à son fils, c’est elle qui lui offre sa première camera…
À partir de ce moment Sammy filme tout. Les jeux avec ses sœurs, les sorties avec les scouts, les vacances familiales au camping. Ce sera lors de ces vacances qu’il filmera sa mère danser sous la lumière des phares avec sa robe transparente. Malgré lui, Sammy devient témoin de l’idylle de sa mère avec son prétendu oncle. Dès lors, on découvre comment le cinéma est un prisme qui permet de cacher ou encore de révéler les secrets, les émotions. Est-ce le film de Sammy qui donnera le courage à sa mère de quitter la famille ? Peut-être le montage fait par son fils lui dévoile-t-elle ce qu’elle ne voulait pas voir, l’amour naissant qu’elle porte à son amant. Peu importe, ici encore ce sont les émotions qui comptent. Finalement, on aime la scène du bal de graduation où Sammy présente ses camarades de classe dans un montage touchant. À travers celui-ci, ses camarades embrasent la vie. On découvre le pouvoir du cinéma de Sammy et on pleure. Sammy sait maintenant mettre en valeur, cacher, ridiculiser... Réels ou imaginaires, ses personnages font alors partie intégrante de son art. Les Fableman est un hommage à la famille mais aussi au cinéma qui nous permet de rêver et, de se souvenir…

3 novembre 2022

★★★★ | Armageddon Time (Le Temps de l'Armageddon)

★★★★ | Armageddon Time (Le Temps de l'Armageddon)

Réalisation: James Gray | Dans les salles du Québec le 4 novembre 2022 (Focus Features)
On connaît la place prépondérante qu’occupe la famille dans le cinéma de James Gray. Pour son huitième long-métrage, le réalisateur de We Own the Night se replonge dans son enfance avec Armageddon Time, drame très personnel à saveur autobiographique. Le film se déroule dans le Queens à New York en 1980, où le cinéaste a grandi. La trame narrative suit le parcours d’un jeune garçon de 12 ans dont l’avenir prend une tournure morose et inattendue qui coïncide étrangement avec la campagne présidentielle de Ronald Reagan et la transformation du rêve américain en cauchemar.
Avec ce récit d’apprentissage, Gray évite les pièges de la nostalgie en optant pour un ton mélancolique, didactique et sombre où le thème de la désillusion se trouve au cœur du propos. À travers une histoire en apparence simple, Gray se concentre d'abord sur les relations familiales, puis sur la relation d'amitié entre deux garçons.
Cette chronique aux ramifications complexes nous montrent des situations familières faussement banales — les scènes de repas chaotiques — où les attitudes peuvent changer au fil du temps, impliquant une meilleure compréhension. Cette dernière se manifeste aussi dans l’éducation scolaire avec cette opposition entre l’école publique et l’enseignement privé capitaliste financé par nul autre que Fred Trump, père de Donald.
À travers son savoir-faire ludique habituel et sa qualité d’interprétation (Anthony Hopkins et Jeremy Strong, excellents), Gray propose une chronique douce-amère qui se transforme petit à petit en une profonde méditation sur l’Amérique du début des années 1980. Une œuvre mélancolique où il nous fait part de l’importance de comprendre le passé familial, d’y réfléchir et de le transmettre à nos enfants, car au bout du compte, on finit tous par en sortir un peu. Et pour Gray, le cinéma est le plus beau moyen d’y parvenir.

28 octobre 2022

★★★½ | The Banshees of Inisherin (Les Banshees d'Inisherin)

★★★½ | The Banshees of Inisherin (Les Banshees d'Inisherin)

Réalisation: Martin McDonagh | Dans les salles du Québec le 28 octobre 2022 (Buena Vista)
Dans une petite île irlandaise, Pádraic Súilleabháin (Colin Farrell, toujours juste dans un rôle particulièrement complexe) voit son monde s’écrouler lorsque son ami Colm Doherty (Brendan Gleeson) décide qu'il ne le veut plus dans sa vie. Ce point de départ devient durant la majeure partie du film le seul élément narratif. La proposition semble certes hasardeuse, mais Martin McDonagh impressionne en dosant dialogues rares et bien sentis, silences sublimés par les performances d’acteurs, et surtout un sens de l’absurde et de l’humour pince sans rire qui font d’abord passer The Banshees of Inisherin pour une comédie noire aussi atypique que magistralement maitrisée. Cependant, McDonagh ne pousse pas la plaisanterie jusqu’au bout et prend un nouveau risque en faisant basculer son film vers un univers beaucoup plus sombre. À l’enchainement de ses non-événements, le cinéaste ajoute en effet des petites touches flirtant tour à tour avec le fantastique (certains choix graphiques, un troublant personnage de vieille dame) ou le surréalisme, qui viennent transformer une farce en ce qui devient progressivement une sorte de tragédie de l’étrange. Lorsqu’il ajoute ensuite des éléments narratifs plus tangibles et observe comment un acte a priori anodin peut transformer une petite existence tranquille (et récalcitrante au changement) en douleur innommable, le film devient un film sur la solitude, l’isolement, la peur de l’avenir incertain.
The Banshees of Inisherin est une œuvre inclassable, peut-être déstabilisante, mais confiante dans la capacité du spectateur à se laisser embarquer dans un voyage improbable et faussement banal, bercé par le léger cahot d’une souffrance sourde mais inexorablement destructrice.
À moins qu’il ne s’agisse, peut-être, finalement, d’une œuvre sur la force de l’amitié.
Ou sur ses paradoxes.