31 juillet 2018

Fantasia 2018 | ★★★ | Tokyo Vampire Hotel

Fantasia 2018 | ★★★ | Tokyo Vampire Hotel

Réalisé par Sion Sono
Initialement, Sion Sono a développé Tokyo Vampire Hotel comme une série pour Amazon studios. Il a ensuite réduit son montage pour en faire un film du tiers de sa durée. Tokyo Vampire Hotel gagne beaucoup dans cette transition mais, finalement, perd tout autant. Malgré toute l'énergie déployée par Sono, son projet reste toujours brouillon et donne l’impression de ne pas être complètement abouti.
On passera rapidement sur le récit qui mélange prophéties, romances et politicailleries de vampires immortels sans trouver pied. Si l’absurdité de certains éléments fait sourire, le tout ne reste qu’un prétexte pour orchestrer des scènes dont l’intérêt varie grandement. En multipliant les personnages caricaturaux et les enjeux, le film perd rapidement son spectateur dans un capharnaüm d’idées.
Sono est tout de même toujours capable de fulgurances. Elles sont peut-être plus rares ici que dans ses meilleures œuvres, mais lorsque Tokyo Vampire Hotel prend complètement forme, le résultat est bluffant. Le réalisateur mélange, à son habitude, le plus grotesque au plus sublime.
C’est dans son dernier tiers que le film prend vraiment forme. Le récit laisse alors place à un long affrontement où le réalisateur peut jouer allègrement avec ses idées formelles. Toutefois, loin de perdre le cœur émotionnel de son film, c’est plutôt à ce moment que Sono le trouve enfin. Entrecoupant des scènes de combats sanguinolents, le réalisateur installe un sentiment de mélancolie au travers de la violence. Si, en jouant sur les extrêmes, il lorgne souvent vers le mélodrame, la surenchère assumée permet aux éléments disparates d’exister ensemble dans une sorte de chaos esthétique.
Sur la série, le film a l’avantage de se perdre moins longtemps dans les dédales de son récit improbable. Très peu de temps est perdu à expliquer des particularités finalement sans intérêt. Par contre, la dernière partie de la série, sa plus belle, a ici été complètement évacuée au profit d’un récit plus linéaire. Le caractère épisodique qui permettait cette finale fait que, peut-être, celle-ci n’aurait tout simplement pas fonctionné à l’intérieur d’un film déjà trop brouillon. Il est regrettable que le cinéaste n’ait pas trouvé le moyen d’incorporer ces passages magnifiques à son film. 
Pendant longtemps Sono donne l’impression de ne pas savoir où il s’en va. En soi, Tokyo Vampire Hotel, le film, est loin des plus grands films de Sono, mais définir comme un film mineur serait ignorer que, dans de très courts moments, le réalisateur atteint un état de grâce et est vraiment à son meilleur.

30 juillet 2018

Locarno 2018 pour tous (ou presque)

Locarno 2018 pour tous (ou presque)

Du premier au 11 août, se déroulera la 71e édition du festival de Locarno. Cet année encore, le festival offrira la possibilité au public du monde entier de découvrir certaines de ses trouvailles par l'intermédiaire de son partenariat avec Festival Scope. Ne vous attendez cependant pas à pouvoir visionner en ligne les films de la compétition principale. Il vous faudra prendre votre mal en patience avant de découvrir le dernier Hong Sangsoo par exemple. Cependant, une grande partie de la section Cineasti del presente sera disponible en ligne (du 4 ou 31 août, sous réserve des 400 places disponibles, à réserver ici). Vous pourrez donc découvrir des premiers ou seconds longs métrages de fiction réalisés par des cinéastes qui, souhaitons-le, représentent l'avenir du septième art.
Parmi les films à suivre de près, soulignons le particulièrement prometteur Sophia Antipolis de Virgil Vernier (qui nous avait conquis il y a quelques années au FNC avec un double programme de haute volée: le court-métrage Pandore suivi du moyen Orléans).
(Cliquez ici pour avoir accès à la liste complète des films disponibles.)

Festival Scope réserve un accès VIP à un des lecteurs de cinéfilic (le tirage au sort sera effectué le 3 août). Il vous suffit de participer au concours pour essayer de gagner un accès aux films sans avoir à vous soucier des places disponibles!

27 juillet 2018

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 2/3

Fantasia 2018 selon Pascal Grenier | 2/3

Chained for life
Après une vingtaine de films visionnés au cours de la dernière semaine et près d’une quarantaine jusqu’à présent, l’on constate qu’il n’est pas facile de réussir de l’excellent cinéma de genre. Bien entendu, certains films livrent la marchandise, mais ils sont de moins en moins nombreux à proposer un souffle original ou un vent de fraîcheur parmi l’afflux de films proposés dans cette 22e édition du festival.

De passage à Montréal pour venir y présenter ses deux dernières créations, le coréen Park Hoon-jung (scénariste de l’extraordinaire I Saw the Devil et réalisateur du solide New World) propose avec V.I.P. un film de tueur en série qui flirte aussi avec le film politique et le drame d’espionnage. Si le scénario est plus alambiqué que complexe, une seconde partie riche en rebondissements et une finale satisfaisante vient en partie racheter les failles et les invraisemblances du scénario. 
The Witch Part 1: The Subversion souffre des mêmes problèmes d’écriture et d’un rythme léthargique qui emprunte fortement au cinéma hollywoodien des récentes années, avec notamment cette fascination pour des personnages aux pouvoirs surhumains. Heureusement, le film offre une finale percutante et ultra violente qui permet au réalisateur de prouver son habileté à filmer des scènes de carnage très jouissives.

Avec Wilderness part 1 and 2, le réalisateur Yoshiyuki Kishi adapte à l’écran l’unique roman écrit par le célèbre artiste multidisciplinaire et cinéaste iconoclaste Shūji Terayama (L’empereur Tomato Ketchup, Pastoral) décédé en 1983. Ce film-fleuve tourné en deux parties et d’une durée combinée d’un peu plus de cinq heures est un drame sportif très ambitieux sur l’émancipation de la jeunesse au Japon à travers la boxe. La première partie fascine par sa construction dramatique, ses allusions politiques et son rythme enlevé. En revanche, la seconde partie n’évite pas les pièges du mélodrame lorsque les liens se créent. Le dénouement prévisible vient un tantinet gâcher une première partie nettement supérieure. Dommage.

Après avoir donné une bouffée d’air frais au film de zombie avec I Am a Hero (voir le compte-rendu de la semaine dernière), Shinsuke Sato s’attaque au mythe du film de superhéros avec Inuyashiki. Ce qui détonne dans ce film est la présence singulière de l’humoriste Noritake Kinashi dans le rôle-titre d’un père âgé qui se transforme en robot mutant après le bref passage d’une entité extraterrestre. son personnage se découvre des miraculeux dons de guérisseur, alors qu’un jeune collégien aux tendances psychopathes a subi le même sort que lui. Il en résulte une superproduction haute en couleur qui étonne par son mélange de violence et de profondeur. La dernière partie n’a rien à envier aux productions hollywoodiennes du genre avec cette volonté d’en mettre plein la vue. La démesure est parfois excessive, mais le film demeure un bon divertissement où le bien l’emporte sur le mal ultime.

Enfin dans Chained for Life, le réalisateur indépendant Aaron Schimberg offre un très curieux second métrage bourré de références cinématographiques. Dans cette sorte de version post-moderne de La nuit américaine revue et corrigée par Werner Herzog et Jim Jarmusch, l’action se déroule lors d’un tournage de film dont les similarités renvoient à un classique de Franju. Mais au-delà du jeu des références, le réalisateur offre une réflexion intéressante sur le mythe de la perception et la présentation de personnes handicapées au cinéma. En y introduisant un groupe de personne souffrant de vrais handicaps, dont le touchant Adam Pearson dans le rôle de Rosenthal qui tombe amoureux de son héroïne (la divine Jess Weixler), Chained for Life propose aussi un portrait doux-amer doté d'un humour pince-sans-rire qui jongle entre l’irréel, l’onirisme et la cruelle réalité.