30 novembre 2012

Tabu ****½

Portugal. Une vieille femme (Laura Soveral) rend l’âme. Elle laisse derrière elle sa bonne (Isabel Cardoso), une voisine au grand cœur (Teresa Madruga), un amant meurtri (Henrique Esprito Santo) et surtout une histoire d’amour au sein d’une Afrique coloniale en pleine ébullition.

Réalisation : Miguel Gomes  | dans les salles du Québec le 30 novembre 2012 (EyeSteel Films)

Véritable ode au cinéma d’une autre époque, Tabu (prix de la critique internationale au dernier festival de Berlin, Top 10 cahiers du cinéma 2012) de Miguel Gomes, est une lettre d’amour et d’espoir quant à l’avenir du cinéma d’auteur. Gomes affirme avec ce film que tout est encore à dire et à raconter. Avec une trame narrative pourtant simple, le réalisateur parvient à puiser dans le langage cinématographique pour en tirer une œuvre d’exception.
Le film est  divisé en deux parties. Dans la première (la plus solide), on suit le quotidien d’une femme seule qui ne cherche qu’à créer des liens autour d’elle. Dans le second volet (qui se déroule en Afrique), seul l’amant (maintenant âgé) a le droit de parole, et c’est par ses mots qu’on suivra le récit d’un amour impossible. Le procédé utilisé est intéressant en soi car le vieil homme raconte son histoire telle qu’il croit s'en souvenir. Si le résultat a parfois une allure didactique (l'homme récite des situations qui sont jouées à l’écran par des personnages muets du passé), le réalisateur évite toutefois la redondance. À la réflexion, la relation qu’a l’amant avec les événements du passé est des plus intéressantes. Ses souvenirs poussent à une réflexion sur la mémoire, la façon qu'on a de vivre la vie et de la raconter. Ce qui est traduit à l’écran devient l'interprétation d’un homme face à une histoire où seul son point de vue est exprimé. Il raconte sans s'arrêter; il se souvient de sa douce, de la robe qu'elle portait cette journée-là, du temps qu'il faisait. Il se souvient du début des violences, de l’équilibre colonial en péril.
À travers les souvenirs d'un homme amoureux, Tabu prend la forme d'un sublime exercice sur les capacités infinies de mémoire, de l'imagination et par le fait même du cinéma.
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