5 janvier 2014

Livre: Dictionnaire chic du cinéma

(Éric Neuhoff; Écriture; 384 pages)

Éric Neuhoff aime les mots et le cinéma, ce qui le rend d’emblée sympathique. Certains vous dirons cependant qu’il est infréquentable car il écrit au Figaro et qu’il manie davantage l’art de la provocation que celui de la critique. Le début de son Dictionnaire chic du cinéma (qui n’est ni chic, ni vraiment un dictionnaire) le confirme très vite: “Que les choses soient claires: Rivette m’emmerde, Tati ne m’a jamais fait rire et Resnais à le don de m'assommer. Lecteur des Inrockuptibles et de Libération, passe ton chemin.” Le cinéphile bien pensant qui aime inconditionnellement les Dardennes (“Le gamin au vélo est vide, terne, plat”) ou Haneke (l’article consacré à Caché est titré “drame de bobo barbants”) ferait bien d’en faire autant. Cela serait pourtant dommage. Non seulement Éric Neuhoff a parfois du goût (il n’aime certes pas Caché mais apprécie grandement Le ruban blanc), mais ses textes étant plus des textes d’humeur qu’autre chose, sa volonté de laisser sa mauvaise fois prendre le dessus sur l’analyse de manière un peu rigolarde laisse supporter des prises de positions parfois contestables (le jeu de mot “Au lit Motors!” pour conclure son texte consacré au chef d’oeuvre de Leos Carax qu’il juge soporifique).
De plus, malgré ses allures de vilain garnement mal-pensant, il est évident qu’il connaît et aime le cinéma (les films qu’il défend son souvent de qualité) et que la concision de son style et son sens de la formule font souvent mouche.
Vous l’aurez compris, ce “dictionnaire” n’est pas un ouvrage de référence mais se lira avec plaisir, à condition de le déguster à petite dose (l’indigestion menace toujours un peu), de faire preuve de sens de l’humour et d’accepter une certaine provocation.
En fin de compte, il se peut même que le lecteur soit vite surpris. Il se trouvera peut-être plus d’accointances avec Neuhoff qu’il aurait pu l’imaginer au préalable! Ce n’est d’ailleurs pas si surprenant. Un homme qui nomme Citizen Kane, Chantons sous la pluie, À bout de souffle, Il était une fois dans l’Ouest et Le Parrain dans la catégorie “chefs-d'oeuvre absolus” ne peut pas être complètement mauvais.
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